Yossi Cohen devait rencontrer Assad en 2019 pour tenter de couper les liens syrio-iraniens – média
Le dictateur avait annulé in extremis sa rencontre avec le chef du Mossad au Kremlin, selon un article qui cite d'anciens messages WhatsApp envoyés à Damas par Tsahal
Israël aurait entretenu des communications confidentielles durant des années avec le régime du dictateur syrien Bashar al-Assad avant qu’il ne soit renversé au début du mois. Il lui aurait organisé une rencontre au Kremlin avec le chef de l’agence de renseignement du Mossad de l’époque, Yossi Cohen, dans le but d’éloigner Damas de Téhéran et du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah.
Le quotidien Yedioth Aharonoth a rapporté vendredi qu’Assad s’était désisté à la dernière minute de la réunion qui devait avoir lieu fin 2019 et qui avait, semble-t-il, été organisée par le président russe Vladimir Poutine. Les motivations d’Assad n’étaient pas connues.
L’armée israélienne aurait commencé à correspondre avec de hauts responsables syriens via WhatsApp en raison de la présence croissante de l’Iran, du Hezbollah et du groupe terroriste palestinien du Hamas en Syrie depuis le début de la guerre civile en 2011.
Selon l’article, des messages avaient été envoyés par une unité de renseignement de Tsahal – qui avait adopté, pour les besoins de ces communications, le pseudonyme de Moussa. « Moussa » avertissait les Syriens de la nécessité de mettre fin aux transferts d’armes de l’Iran vers le Hezbollah et il les prévenait des frappes d’Israël contre ces expéditions. Moussa avait écrit directement aux membres du cercle rapproché d’Assad, y compris à son ministre de la Défense, Ali Mahmoud Abbas.
Selon Yedioth Aharonoth, les contacts d’Israël avec Assad – établis par l’intermédiaire de la Russie, qui a soutenu son régime – auront duré jusqu’à « quelques jours » avant son éviction – une chute qui aurait pris par surprise l’unité du Directorat des Renseignements militaires de Tsahal.
Israël aurait cherché à proposer à Assad un accord qui aurait allégé les sanctions internationales contre son régime en échange de son blocage des livraisons d’armes iraniennes à destination du Hezbollah. Toutefois, selon le quotidien, il n’est pas certain qu’Israël ait été habilité à faire cette offre. La levée des sanctions aurait en effet nécessité l’approbation du Congrès américain, qui se serait probablement largement opposé à cette démarche.
L’article cite des copies des messages WhatsApp de Moussa, qui auraient été publiés en ligne par des rebelles islamistes ayant pris d’assaut le quartier général des services de renseignement d’Assad. Ces derniers auraient interprété ces messages comme autant de preuves d’un complot israélo-russe contre Assad.
Parmi les messages cités dans l’article, Moussa informe les responsables syriens des frappes israéliennes contre des cibles iraniennes en Syrie et menace d’exiger un lourd tribut si Damas ne rompt pas ses liens avec le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah et avec les autres proxies régionaux de l’axe de la résistance iranienne.
« L’axe de la résistance », est le terme utilisé par les responsables iraniens pour désigner la République islamique et ses alliés anti-Israël, tels que le Hezbollah, les Houthis du Yémen et d’autres milices chiites en Irak et en Syrie.
Ainsi, Yedioth Aharonoth mentionne un message daté du 29 mai 2023, dans lequel Moussa avertit le ministre syrien de la Défense que « nous n’accepterons pas la présence dans le sud de la Syrie de Hajj Hashem et de son peuple », en utilisant le nom de guerre de Munir Ali Naïm, chef des opérations du Hezbollah sur le plateau du Golan syrien, à la frontière d’Israël.
« La coopération avec le Hezbollah nuit à l’armée syrienne et à son peuple, et vous en paierez le prix », peut-on lire dans le message.
« Tout soutien de votre part à l’Axe et au Hezbollah susceptible de nuire à mon pays fera l’objet d’une réponse sévère. »
Dans un autre message, daté du 8 juin 2023, Moussa menace de prendre des mesures contre les transferts d’armes iraniennes après que huit avions – qu’il a identifiés par leur numéro de série – ont atterri en l’espace de deux semaines sur la base aérienne syrienne de Khmeimim, gérée par la Russie, en provenance d’Iran.
« Ces livraisons sont coordonnées entre vous et les Iraniens », accuse Moussa.
Dans un message ultérieur, Moussa affirme : « Nous avons remarqué que depuis le 6 juillet, les avions de combat Ilyushin 36 de la 29e brigade de l’armée de l’air syrienne ont cessé d’atterrir à Khmeimim » et de livrer des armes au Hezbollah et à la Force Al-Qods, du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé de l’Iran.
« En tant que décideurs de l’arrêt de ces vols, vous devez savoir que vous avez empêché un conflit indésirable, à la fois pour Israël et pour la Syrie », écrit Moussa d’un ton approbateur.
Un haut responsable de la sécurité cité dans l’article a déclaré qu’Israël pouvait considérer que son « message avait été reçu et transmis », citant des cas où « à la suite de l’avertissement [de Moussa], tel entrepôt a été fermé ou telle trajectoire de vol a été supprimée ».
« Il est vrai que dans certains cas, ils l’ont fait pour tenter d’échapper à notre surveillance et à nos frappes aériennes, mais ils savaient qu’ils avaient peu de chances de réussir. »
Le fonctionnaire a ajouté que la correspondance avec l’homme fort de la Syrie poursuivait quatre objectifs : prouver aux proches d’Assad qu’Israël n’avait aucun problème à accéder à leurs téléphones privés ; leur montrer « à quel point ils sont démunis, qu’ils n’ont aucune chance de nous cacher quoi que ce soit » ; leur montrer que les opérations d’Israël en Syrie n’étaient pas arbitraires, mais plutôt « précises et incisives » ; et les menacer d’autres actions.
Selon Yedioth Aharonoth, Washington a également aidé Israël à transmettre des messages à Assad. Le responsable de la sécurité cité par le journal a déclaré que les États-Unis avaient établi des communications avec Assad via Oman et les Émirats arabes unis. Selon le journal, les nations arabes du Golfe avaient tout intérêt à retirer la Syrie de la sphère d’influence de l’Iran, notamment parce que le captagon, la drogue produite par le régime d’Assad pour financer sa guerre, avait provoqué une épidémie d’accoutumance dans les États du Golfe.
Israël aurait également contacté des responsables syriens par l’intermédiaire de la Russie. Le général de division Ronen Gofman, principal conseiller militaire du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a rencontré ses homologues russes au cours du conflit régional déclenché par le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, lorsque quelque 6 000 Gazaouis dont 3 800 terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël, tué plus de 1 200 personnes, principalement des civils, et enlevé 251 otages, les emmenant de force à Gaza.
Yedioth Aharonoth a rapporté que l’effort de Gofman faisait référence à la tentative avortée de 2019 visant à amener Assad à rencontrer Cohen, alors chef du Mossad.
Selon l’article, Assad s’est désisté de cette réunion au dernier moment, sans en donner la raison.
Les alliés d’Assad, préoccupés par leurs propres conflits, l’ont largement abandonné lorsque les rebelles islamistes ont marché sur Damas au début du mois de décembre. Après la chute d’Assad, Israël a déplacé des troupes dans sa région frontalière avec la Syrie et a frappé les restes des stocks d’armes militaires et chimiques d’Assad, craignant qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains.
Le nouveau gouvernement syrien, dirigé par le chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l’ex-branche d’Al-Qaïda en Syrie, Ahmed al-Sharaa, a accusé l’Iran d’ingérence flagrante en Syrie et a indiqué qu’il aspire à établir des relations cordiales avec Israël.