10 ans après le Printemps arabe, un programme vise à bâtir une « Region Startup »
60 jeunes participants venus de tout le Moyen-Orient et d’Afrique du Nord travaillent au sein de Starting Up Together, un carrefour en ligne pour avoir un impact social
Youba Darif se décrit comme un activiste. Mais il espère être un entrepreneur.
Le ressortissant marocain de 26 ans passe son temps à travailler pour des organisations de la société civile aux niveaux local et national dans son pays d’origine et dans toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN).
Darif construit également une plateforme internet pour le tourisme civique et les échanges culturels au Maroc pour des groupes de Marocains, d’immigrants d’Afrique subsaharienne, d’Israéliens et d’Européens qui se concentreront sur les questions de genre et de sexualité dans le cadre d’une initiative appelée Roots Lab.
Sa plateforme vise à utiliser le tourisme afin de créer un réseau de personnes intéressées par la sensibilisation aux rôles conditionnés par le genre dans la région, à travers des recherches et des projets. Cette initiative s’accomplira tout en visitant des sites culturels au Maroc, notamment Tiznit, une ville de la côte ouest, et Marrakech, sa quatrième plus grande ville.
Pour réaliser son rêve, Darif a rejoint l’initiative fondée par Israël, Starting Up Together, un programme de pré-accélération en ligne qui forme des entrepreneurs dans toute la région.
Une « Région Startup »
Depuis fin décembre, une fois par semaine, Darif rencontre en ligne des participants originaires d’Israël, de Cisjordanie, d’Égypte, de Jordanie, de Syrie, d’Irak, de Libye, d’Israël et d’autres pays de la région MOAN pour des ateliers, des panels et des discussions afin de réfléchir à des questions qui pourraient avoir un impact sur société – comme les villes intelligentes, la sensibilisation aux enjeux de l’environnement, les droits humains, la justice sociale ou les opportunités d’emploi.
L’objectif n’est pas de développer l’esprit d’entreprise, mais plutôt des profils d’entrepreneurs, et l’accent est mis sur l’aide aux participants pour développer leur capacité à créer des idées plutôt que sur le développement d’une initiative spécifique.
L’accélérateur est à la fois une piste de développement professionnel et « une communauté pour des personnes partageant les mêmes idées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, personnes qui veulent voir la prospérité, qui veulent voir la paix dans cette région et la coopération, qui veulent sortir du passé de guerres et de conflits, et aller vers un avenir coopératif et pacifique », a déclaré Shai Shalgi, chef de projet du parcours régional de Starting Up Together.
Fonctionnant en coopération avec le Centre Peres pour la Paix et l’Innovation basé à Tel Aviv, Mass Challenge Israel, TAU Ventures de l’Université de Tel Aviv et la Fondation Edmond de Rothschild, ce programme régional est en fait l’une des deux parcours proposés par Starting Up Together.
Un parcours local pour les Israéliens est actuellement dans son troisième cycle – ayant d’habitude lieu en personne, mais qui se fait en ligne cette année en raison de la pandémie de coronavirus – et est proposé aux Israéliens arabes et juifs de plus de 18 ans. Chaque groupe est constitué également d’Arabes et de Juifs, et ils essaient d’équilibrer les participants hommes et femmes.
Le programme permet aux entrepreneurs en début de carrière d’accéder à des outils et à des méthodologies pour créer des startups et entrer dans l’écosystème de startups en plein essor d’Israël – que les organisateurs espèrent diversifier grâce au programme.
Le parcours régional de Starting Up Together, lancé pour la première fois à la fin de l’année dernière, suit le parcours local de façon parallèle, et les concepts sont assez similaires – à ceci près qu’au lieu de renforcer une « Startup Nation », comme le visent de nombreux programmes d’accélérateurs basés en Israël, la piste régionale veut promouvoir une « Région start-up », englobant tous les pays de la région MOAN. Une soixantaine de participants prennent part au parcours régional de cette année.
Les deux pistes célébreront leur fin de cycle lors d’une conférence en ligne de trois jours où les participants pourront se rencontrer.
« Construire une Startup Nation dans une Startup Région est une affirmation puissante », a déclaré Darif, faisant référence à la façon dont Israël est parfois appelé Startup Nation en raison de son secteur technologique en plein essor.
Il a tiré parti de beaucoup de ce que Starting Up Together lui a offert au cours des derniers mois, comme la constitution de réseaux avec des gens de toute la région et l’acquisition des connaissances nécessaires pour développer son initiative dans son pays.
Des professionnels venus de toutes sortes d’industries se joignent parfois aux sessions pour donner des conférences et faire part de leurs observations, et les participants découvrent le processus de Startup et tout ce qui va avec – constitutions de réseaux, investissement, présentations rapides et autres compétences. Au cours de séances en petits groupes, les participants se renvoient des idées et partagent les détails de leurs projets.
Chaque participant est en lien avec l’un des quatre coordinateurs – deux Israéliens et deux Palestiniens – qui restent en contact avec les participants et gardent un œil sur leur progrès.
« Starting Up Together est un pré-accélérateur et il offre des qualifications, et forme des entrepreneurs et non des entreprenariats », a déclaré Shalgi. « Nous nous concentrons sur la personne plutôt que sur l’initiative ».
Le parcours régional de Starting Up Together est basé sur un programme régional existant mis en place par le Centre Pérès en 2011, à la suite du Printemps arabe. Le programme YaLa Young Leaders fournit aux jeunes activistes de la région MENA les outils et les compétences nécessaires pour tirer parti des opportunités de journalisme citoyen et des nouveaux médias pour se connecter les uns aux autres sur des sujets tels que la consolidation de la paix, les droits humains et l’activisme environnemental.
YaLa approche maintenant de son 10e anniversaire, tout comme ce qui l’a inspiré, le Printemps arabe, approche de son propre anniversaire d’une décennie, mais avec un sentiment d’opportunités manquées alors que les soulèvements régionaux autrefois pleins d’espoirs ont été en grande partie réprimés ou ont donné lieu à des guerres sanglantes.
Il y a cependant une chose à retenir des mouvements de 2011, a déclaré Rachel Hadari, directrice du département santé, affaires et environnement du Centre Peres : les jeunes sentaient qu’ils avaient le pouvoir de faire avancer les choses et de se créer un avenir meilleur.
« Le printemps arabe en fait, pour la première fois, a apporté ou a concentré son attention sur le pouvoir qu’avaient les jeunes de la région qui en avaient assez de tout ce qu’il se passait, et qui voulaient espérer un avenir meilleur », a déclaré Hadari.
Starting UP together utilise la plate-forme en ligne de YaLa pour se concentrer sur l’entrepreneuriat et l’innovation, en complément de l’accent mis par YaLa sur l’activisme social. Et alors que ceux qui participaient au programme YaLa devaient garder un profil bas, à présent, grâce aux accords d’Abraham qu’Israël a signés avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan l’année dernière, ces relations peuvent sortir au grand jour.
« Nous travaillons depuis le Printemps arabe et nous travaillons maintenant dans la région, ouvertement, alors que dans le passé – tout ce que nous faisions restait discret », a déclaré Hadari. « Aujourd’hui, dans la région, nous travaillons ouvertement dans la plupart des pays ».