60 000 sociétés risquent de fermer dû aux effets de la guerre sur l’économie israélienne
Selon CofaceBDI, 46 000 entreprises ont fermé depuis l'invasion du Hamas et le pogrom du 7 octobre, la construction, l'agriculture et les services sont les plus durement touchés
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
Les entreprises israéliennes vont devoir faire face aux retombées des mois de guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas, au moins jusqu’à la fin de l’année, ce qui devrait entraîner la fermeture de 60 000 entreprises en 2024, selon la société d’information sur les entreprises CofaceBDI.
Ces sombres prévisions sont fondées sur la constatation qu’en neuf mois de guerre contre le Hamas, au lendemain du pogrom meurtrier du 7 octobre, perpétré par le groupe terroriste, 46 000 entreprises ont déjà dû fermer leurs portes pour se maintenir à flot, nombre d’entre elles étant pénalisées par des taux d’intérêt élevés, des coûts de financement plus onéreux, une pénurie de main-d’œuvre, une forte baisse du chiffre d’affaires et des opérations, des perturbations de la logistique et de l’approvisionnement, ainsi qu’une aide gouvernementale insuffisante.
À titre de comparaison, un nombre record de 76 000 entreprises avaient été contraintes d’arrêter leurs activités lors de la pandémie du COVID en 2020, contre environ 40 000 par an lors d’une année normale et habituelle.
« Aucun secteur de l’économie n’est à l’abri des répercussions de la guerre actuelle », a indiqué Yoel Amir, directeur général de CofaceBDI, au Times of Israel. « Les entreprises font face à une réalité très complexe : la crainte d’une escalade de la guerre associée à une incertitude concernant la fin des combats, ainsi que des défis continus tels que la pénurie de personnel, la faible demande, les besoins de financement croissants, l’augmentation des coûts d’approvisionnement et les problèmes logistiques, et plus récemment l’interdiction d’exportation par la Turquie, sont autant de facteurs qui rendent la survie des entreprises israéliennes de plus en plus ardue en cette période. »
Quelque 77 % des entreprises qui ont dû fermer leurs portes depuis le début de la guerre, soit environ 35 000 d’entre elles, sont des petites entreprises de moins de cinq employés. Ce sont elles qui sont les plus vulnérables dans l’économie, car leurs besoins de financement sont plus urgents lorsque leurs activités sont durement touchées, et ce sont elles aussi qui ont le plus de mal à réunir les fonds nécessaires, selon Amir.
La collecte de fonds par les entreprises israéliennes avait déjà chuté au début de l’année 2023, l’économie étant confrontée à un ralentissement mondial et à l’incertitude politique locale liée au projet de refonte du système judiciaire. Cette situation s’est aggravée avec le pogrom du Hamas le 7 octobre, au cours duquel des terroristes venus de Gaza ont assassiné près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël et en ont pris 251 en otage dans la bande de Gaza.
L’économie s’est effondrée alors que les familles pleuraient leurs proches et que des milliers de propriétaires d’entreprises se sont retrouvés acculés face à la mobilisation soudaine et ininterrompue de centaines de milliers d’employés appelés à rejoindre les rangs des réservistes pour participer aux combats, alors que 250 000 personnes ont été déplacées de leur domicile.
Dans une enquête récente menée auprès d’un échantillon de 550 sociétés et entreprises de divers secteurs de l’économie israélienne, CofaceBDI a interrogé les chefs d’entreprise sur l’impact de la guerre sur leurs activités quotidiennes.
En réponse à la question sur l’ampleur des dommages causés par la guerre sur leurs activités, 56 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles avaient connu une baisse de leur chiffre d’affaires. À titre de comparaison, lors de l’enquête précédente de janvier 2024, environ 64 % des répondants avaient déclaré avoir subi une baisse due à la guerre.
Selon Amir, les répercussions économiques de la guerre en cours se sont fait davantage ressentir dans les entreprises des secteurs de la construction, de l’agriculture, du tourisme, de l’hôtellerie et du divertissement.
85 000 travailleurs palestiniens ont disparu du jour au lendemain de l’industrie de la construction israélienne depuis le début de la guerre, car leurs autorisations d’entrer en Israël pour y travailler ont été refusées pour des raisons de sécurité, tandis que de nombreux travailleurs étrangers engagés sur les chantiers de construction ont quitté le pays. Cette situation a entraîné la fermeture complète de nombreux chantiers en raison du manque de main-d’œuvre.
« L’agriculture, mais surtout le secteur de la construction, souffrent d’une grave pénurie de main-d’œuvre, entraînant des retards importants dans les projets et dans la remise des appartements », a expliqué Amir. « Nous avons constaté un léger afflux de travailleurs étrangers qui sont revenus en Israël, mais la baisse de l’offre a également entraîné une augmentation des salaires et des coûts d’embauche ».
« Nous pouvons faire venir des travailleurs étrangers en Israël, mais ceux-ci devraient être professionnels et plus nombreux afin de soulager réellement le secteur », a-t-il ajouté.
En outre, la décision spectaculaire de la Turquie, au début de l’année, de boycotter tout commerce avec Israël a contraint les importateurs de matériaux de construction – aluminium, plastiques et produits en ciment – à rechercher d’autres sources d’approvisionnement et des produits de substitution, qui sont généralement plus chers en raison de l’augmentation des coûts de production et de transport.
Avant cela, les entreprises israéliennes envisageaient d’augmenter leurs importations depuis la Turquie, les attaques des militants houthis du Yémen, soutenus par l’Iran, perturbant le commerce maritime, augmentant les coûts d’expédition et rendant les marchandises en provenance de Chine et d’Extrême-Orient beaucoup plus onéreuses.
« Suite au boycott de la Turquie, il est à craindre que d’autres pays ne prennent des mesures similaires, car les importateurs cherchent d’autres fournisseurs dans d’autres pays », a indiqué Amir. « Les tarifs d’assurance augmentent, les coûts aussi, et le gouvernement devra augmenter les impôts, comme la TVA, pour financer les dépenses de guerre, ce qui pèsera lourdement sur les entreprises.
Selon Amir, la baisse des dépenses de consommation, l’absence de tourisme et les évacuations massives des zones touchées par la guerre dans le nord et le sud d’Israël ont frappé les entreprises du secteur du commerce et des services, y compris les entreprises de loisirs, ainsi que les cafés et les restaurants.
Interrogé sur les efforts du gouvernement pour fournir une aide d’urgence aux entreprises touchées par la guerre, Amir a cité une enquête CofaceBDI menée en janvier auprès d’un échantillon de 600 entreprises de divers secteurs, dans laquelle 52 % des dirigeants ont répondu qu’ils n’avaient pas reçu d’aide du tout, ou une aide qui n’était pas satisfaisante pour leurs besoins alors qu’ils remplissaient les critères d’indemnisation. Seuls 3 % ont déclaré avoir reçu une aide satisfaisante, selon les résultats de l’enquête.
Le gouvernement, déjà mis à rude épreuve par une guerre qui devrait coûter plus de 250 milliards de shekels, a réagi en proposant un programme d’aide à l’indemnisation qui comprend des subventions aux entreprises du pays qui ont subi des dommages indirects du fait de la guerre, un programme de remboursement des salaires et des mesures d’aide pour les employés mis en congé sans solde.
« À court terme, le gouvernement pourrait fournir une assistance indispensable aux importateurs pour les aider à trouver une alternative aux fournisseurs turcs, à partir d’autres zones géographiques, et atténuer la crise de la main-d’œuvre dans les secteurs de la construction et de l’agriculture en faisant venir un grand nombre de travailleurs professionnels étrangers afin d’éviter de nouvelles perturbations », a expliqué Amir. « À long terme, le gouvernement doit agir de manière responsable, prendre des mesures pour réduire le déficit fiscal, par exemple en réduisant les fonds de la coalition pour libérer des ressources, mais il ne le fait pas. »
« Le gouvernement doit signaler au marché et aux investisseurs qu’il est prêt à prendre des décisions difficiles afin de rétablir la stabilité », a-t-il ajouté.