Israël en guerre - Jour 366

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A Jérusalem, une kitat konenout se prépare à un combat intense et solitaire

Parmi le millier d'unités de bénévoles mises en place suite au 7 octobre, Jerusalem Shield se prépare à des situations extrêmes avec d'importants moyens

David Roytman explique aux bénévoles de son équipe d'urgence du Jerusalem Shield [NDLT : Bouclier de Jérusalem] comment utiliser le système CornerShot à Jérusalem, le 24 février 2024. (Canaan Lidor/Times of Israel)
David Roytman explique aux bénévoles de son équipe d'urgence du Jerusalem Shield [NDLT : Bouclier de Jérusalem] comment utiliser le système CornerShot à Jérusalem, le 24 février 2024. (Canaan Lidor/Times of Israel)

L’été dernier, David Roytman estimait que le quartier chic du centre de Jérusalem dans lequel il vivait était l’un des plus sûrs du pays, sinon du monde entier.

Aujourd’hui, c’est armé qu’il patrouille dans ses rues avec 20 autres bénévoles de l’équipe d’urgence qu’il a mise en place, avec des équipements coûtant des centaines de milliers de dollars, pour se préparer à des scénarios de guerre qui, il y a quelques mois à peine, paraissaient encore surréalistes.

Comme des millions d’Israéliens, le pogrom du Hamas du 7 octobre dernier a totalement fait disparaître le sentiment de sécurité dont jouissait Roytman. Il fait aujourd’hui partie des milliers d’hommes et de femmes qui ont créé ou rejoint des équipes d’urgence – kitot konenout en hébreu – pour défendre leur communauté.

Israël compte ainsi deux grands types d’équipes d’urgence : les unités, du type de celle de Roytman, dirigées par la police et composées de volontaires, et celles gérées par l’armée dont les membres sont des réservistes.

Les unités gérées par l’armée, qui comptent environ 400 personnes, sont principalement situées dans les communautés proches des frontières ou les communautés particulièrement à risque ; elles ont été renforcées et réentraînées suite aux failles qu’a révélées le 7 octobre dans la façon dont l’armée les gérait et armait.

David Roytman aide à apposer les insignes de l’unité sur l’uniforme d’un bénévole de son équipe d’urgence à Jérusalem, le 24 février 2024. (Canaan Lidor/Times of Israel)

Celles dirigées par la police, quant à elles, ont été multipliées par plus de dix, passant de 66 à un millier aujourd’hui, depuis que 3 000 terroristes du Hamas ont assassiné plus de 1 200 Israéliens près de la frontière avec Gaza et en ont kidnappé 251 autres.

Ayant retenu les leçons du pogrom du 7 octobre, au cours duquel les terroristes ont facilement débordé plusieurs équipes d’urgence malgré la résistance héroïque de leurs membres, les bénévoles de l’équipe d’urgence de Roytman – Jerusalem Shield [NDLT : Bouclier de Jérusalem] – s’entraînent à repousser des terroristes bien armés pendant des heures sans aide extérieure.

Cette hypothèse de départ se retrouve dans la nature des équipements à disposition de Jerusalem Shield, qui les distinguent des autres unités. Homme d’affaires né en Ukraine qui se partage entre Jérusalem et New York, Roytman a collecté des centaines de milliers de dollars auprès de ses connaissances juives pour acheter des équipements pour son équipe.

« J’ai mis en place cette unité pour que, si quelque chose arrivait, j’ai fait ce que j’avais à faire pour défendre cette partie du pays et ne plus jamais être pris au dépourvu », explique Roytman au Times of Israel.

Une armurerie digne des forces spéciales en plein centre de Jérusalem

Le quartier général de l’unité, situé au sous-sol d’un immeuble de bureaux près de la rue Echad Haam, ressemble à l’armurerie d’une unité des forces spéciales, avec des équipements tels que le CornerShot, un appareil qui coûte des milliers de dollars et permet à son utilisateur de tirer depuis un coin de rue sans pour autant se mettre à découvert, des drones, des gilets pare-balles en Kevlar et des uniformes tactiques de toute première qualité.

Roytman, 45 ans, n’a eu aucun mal à créer cette unité ou à collecter les fonds : il a fait son service dans l’armée israélienne en qualité de tireur d’élite dans l’unité – elle aussi d’élite – Duvdevan et il possède plusieurs entreprises, dont une usine qui fabrique des kippot de luxe. Lors de ses déplacements aux États-Unis, il sollicite des donateurs pour équiper son unité d’urgence, qu’il filme et photographie régulièrement en action.

Le ministre israélien de la Sécurité intérieure, Itamar Ben-Gvir, assiste à la remise d’armes aux membres d’un groupe de bénévoles de sécurité à Ashkelon, en Israël, le 27 octobre 2023. (Crédit : AP Photo/Tsafrir Abayov)

Les dons, cependant, ne peuvent pas servir à acheter les armes de son unité, dont l’acquisition est strictement réglementée en Israël (et ce, même depuis l’assouplissement des règles de détention des armes à feu depuis le 7 octobre – les fusils sont rarement accessibles aux civils, qui ne sont autorisés qu’à une arme de poing, au terme d’une procédure relativement longue et approfondie).

Pour assurer sa puissance de feu, l’unité s’appuie sur les armes de poing personnelles de ses bénévoles et sur quelques fusils M-16 fournis par la police. Il s’agit d’une liberté dont bénéficient certaines équipes d’urgence dirigées par la police depuis le 7 octobre, dans le cadre d’une politique – controversée – favorable aux armes à feu, menée par le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir.

La plupart des équipes d’urgence n’ont pour elles que quelques armes, et encore pas toujours. Mais Roytman fait des démarches pour obtenir la mise à disposition d’un chien dressé par l’armée et d’une camionnette pour rassembler l’arsenal de son unité, dans le cadre des entraînements hebdomadaires et patrouilles de ses bénévoles.

La décision de la police d’inclure Jerusalem Shield dans sa liste d’équipes d’urgence éligibles à la remise de fusils a considérablement amélioré ses capacités défensives, explique Yoni Cutler, un des bénévoles.

« Ceux qui savent ce qu’est le combat connaissent l’énorme différence, en termes de capacités, entre une arme de poing et un fusil. Maintenant, nous pouvons vraiment mettre en place une défense efficace », poursuit Cutler.

Que faire des familles ?

Le fait d’être une unité de bénévoles essentiellement composée de pères de famille pose des problèmes supplémentaires.

« Il faut savoir quoi faire des familles », expliquait Roytman à ses bénévoles lors d’une récente session de formation. Il s’agissait de savoir s’il valait mieux réunir les familles des membres de l’équipe au quartier général de l’unité ou les laisser chez elles le temps que les bénévoles partent défendre la zone.

Amit Gotliv, membre de l’équipe d’urgence du Moshav Ein Habesor, près de Gaza, se photographie après un échange de tirs avec des terroristes du Hamas le 7 octobre 2023. (Avec l’aimable autorisation de Gotliv)

« Avec la meilleure volonté du monde, s’il y a des terroristes dans le quartier, je ne me vois pas laisser pas ma famille », explique un membre de l’unité, réserviste âgé d’une trentaine d’années. « Mais la logistique pour déplacer une vingtaine de familles au milieu d’une attaque n’a rien de simple », fait valoir un autre.

Ce débat « aurait semblé ridicule avant le 7 octobre », explique plus tard Roytman au Times of Israel. Mais depuis le pogrom, « le scénario de plusieurs milliers de terroristes en train d’attaquer le centre-ville n’est pas très difficile à imaginer », poursuit-il.

Cutler, lui aussi bénévole, dit que sa compréhension de la situation sécuritaire de la région lui vient de la deuxième Intifada.

« Il y a eu des attentats-suicides, des fusillades, des coups de couteau, etc. Tout cela pourrait très vite revenir », dit ce guide touristique du Moshav Beit Zait, près de Jérusalem.

Police et premiers secours inspectent les lieux après qu’un kamikaze se soit fait exploser dans un bus à l’heure de pointe près du quartier de Gilo, à Jérusalem, lors de la Deuxième Intifada, le 18 juin 2002. (Flash90)

Cutler, 53 ans, qui a fait son alyah il y a de cela de nombreuses années depuis les États-Unis, a rejoint Jerusalem Shield parce que l’équipe d’urgence de son moshav était déjà établie et n’avait pas besoin de plus de bénévoles, explique-t-il. A l’image de la diversité du quartier, l’équipe d’urgence est composée d’olim originaires de France, du Canada, d’Afrique du Sud, d’Ukraine, du Royaume-Uni et d’ailleurs.

De retour au quartier général, Roytman demande à des bénévoles d’installer une table de billard reçue d’un donateur pour agrémenter le quartier général. Un bar sera installé pour les besoins des bénévoles en dehors des heures d’astreinte et Roytman a demandé aux membres de l’équipe de s’inscrire pour se charger des travaux logistiques associés.

Quelque part, Jerusalem Shield, avec ses bénévoles uniquement masculins, peut donner le sentiment d’être un club pour hommes, un endroit pour se détendre et jouer avec leurs jouets favoris. Mais ce mobilier et ces gadgets ont un but opérationnel, rappelle Roytman.

« La création, sur le long-terme, d’une unité comme celle-ci exige que les gens s’y sentent bien et veuillent effectivement y donner de leur temps », poursuit-il.

L’horreur et le choc du 7 octobre, aussi profonds soient-ils, finiront un jour par s’estomper. Quand cela arrivera, c’est la qualité de l’unité qui fera qu’elle sera prête à faire face à une attaque qui, finalement, est beaucoup plus probable que nous aimerions le croire », conclut-il.

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