À la découverte de l’huile d’olive israélienne
Les producteurs souhaitent faire connaître leur produit, cultivé et pressé en petites quantités, concurrencé par des importations moins onéreuses mais de moindre qualité
D’abord le vin, maintenant l’huile d’olive.
Les producteurs israéliens aimeraient que leurs compatriotes changent leurs habitudes en matière d’huile d’olive, et privilégient leur huile d’olive extra vierge, cultivée localement et pressée sitôt cueillie, aux huiles importées vendues dans les supermarchés, de qualité bien inférieure.
Ce sont 20 000 tonnes d’huile d’olive qui ont été mises en bouteille lors de la dernière récolte, qui s’est terminée il y a quelques semaines.
Signe de la fin de la saison des olives, des échantillons de cet or liquide issus d’une vingtaine de producteurs d’olives seront exposés lors de la foire à l’huile d’olive, ce vendredi 17 mars, à Ramat Hanadiv, près de Zichron Yaakov.
Ce sera la toute première foire du genre car l’industrie de l’huile d’olive en Israël est encore assez jeune. Elle n’est passée de la mise en conserve de ses olives à leur pressage pour obtenir une huile d’olive extra vierge qu’au cours de ces vingt dernières années.
Évidemment, ceci est à moitié vrai.
Oliviers et olives existent depuis longtemps dans ces contrées, et les agriculteurs de la communauté arabe cultivent depuis longtemps des oliviers dont ils pressent les olives chaque année.
Mais pour ce qui est des agriculteurs juifs, l’histoire est plus récente.
« La communauté arabe utilise trois fois plus d’huile d’olive », explique Uri Yogev, qui dirige l’Olive Board et fait partie de la Division de la production et de la commercialisation des plantes, organisation créée il y a une vingtaine d’années pour venir en aide aux petits agriculteurs et à l’industrie.
Avant cela, il cultivait des olives dans le kibboutz Revivim, dans le sud du Néguev, où il vit et où les aqueducs d’eau salée permettent de produire 200 tonnes d’huile d’olive primée chaque année.
« Pour eux, acheter de l’huile d’olive au supermarché est une hérésie, ils ne le feraient pas. Ils l’achètent à un agriculteur qu’ils connaissent, car ils veulent tous des olives du coin. »
Yogev est le meilleur promoteur de l’huile d’olive israélienne. Il est une équipe à lui tout seul qui, une fois confié ses oliviers à ses successeurs, a créé la Division de l’huile d’olive au moment où les Israéliens ont commencé à cultiver des olives.
Pour accompagner l’augmentation du nombre des producteurs israéliens d’huile d’olive, la Division a créé un label de qualité de l’huile – en forme de goutte dorée – attestant que l’huile est pressée à partir d’olives cultivées en Israël, avec un contrôle strict de la production.
Yogev se déplace dans tout Israël plusieurs jours par semaine, pour vérifier les quelque 200 producteurs et presses à huile d’olive et répandre la bonne parole de l’huile d’olive extra vierge.
Entre deux visites, Regev nous raconte des histoires.
Il se souvient de sa première récolte d’olives à Revivim, lorsqu’il a été envoyé à une presse à Wadi Ara, le « triangle » du nord d’Israël peuplé principalement d’Arabes.
« Le propriétaire de la presse a regardé nos olives et a dit : « Elles sont faites pour la dégustation, il n’y a pas assez d’huile dedans », se rappelle Regev.
« C’étaient des olives Barnea et je lui ai dit : ‘Hein ? Mais j’attends ce moment depuis trois ans.’ »
Il a été envoyé dans un autre pressoir à huile d’olive, où tout le monde trempait des morceaux de pita dans une huile d’olive fraîchement pressée.
En goûtant l’huile pressée à partir d’autres olives, il découvre une saveur beaucoup plus amère que ce à quoi il s’attendait (les olives vertes fraiches ont une saveur amère qui s’adoucit plus tard).
« Tout le monde vit les choses différemment », ajoute Regev.
Aujourd’hui, bien des années plus tard, l’huile d’olive pressée localement est devenue une industrie commune aux Juifs et aux Arabes, dont beaucoup coopèrent et pressent leurs olives chez les uns, chez les autres.
Au Moshav Ram-On, dans le sud de la vallée de Jezréel, les frères et sœurs Arazi, Eitan, Neta, Tamir et Lior, illustrent cette coexistence fondée sur les olives.
Cette fratrie, qui a grandi dans une ferme avec des parents qui produisaient un peu de tout, des raisins aux poulets, s’est installée, avec ses proches, à Ram-On, même si deux seulement travaillent dans l’agriculture.
Le frère aîné, Eitan Arazi, pilote, a planté des oliviers Souri il y a des années et ses quatre frères et sœurs ont petit à petit installé une presse qui est maintenant utilisée par les agriculteurs des environs.
« Notre devise est que nous sommes une usine alimentaire et qu’il faut impérativement travailler avec de bonnes machines », explique Tamir Arazi, autour d’un bol de fromage labaneh généreusement nappé d’huile d’olive fraîche.
Les clients des Arazi vont des familles, avec leurs 100 à 200 kilos d’olives par an, aux kibboutzim des environs, avec plusieurs tonnes d’olives. Tous savent que les Arazi feront en sorte de bien séparer les récoltes et d’extraire le plus possible d’huile.
« Ils nous font confiance », dit-il.
« Ce qui sort d’ici est de bonne qualité ».
Situé dans la vallée de Beit Shean, Assi est un pressoir à huile d’olive de type coopératif qui travaille avec tous les agriculteurs des kibboutzim et des moshavim voisins, qui cultivent quelque 350 hectares d’oliviers.
Il a également breveté une farine sans gluten à base de cosses d’olive.
Mais ce n’est qu’une activité annexe, car le pressoir à huile est conçu pour presser des olives 24 heures sur 24, six jours par semaine, au plus fort de la saison de l’huile d’olive.
La saison est courte – deux à deux mois et demi – et intense, car les olives fraîchement cueillies ne doivent pas attendre avant d’être pressées, au risque pour la saveur de l’huile d’en être affectée.
« Ils cueillent les olives et arrivent ici une heure plus tard »,explique Orian Polak, qui s’occupe du marketing pour la coopérative.
« Un mois plus tard, nous sommes épuisés mais heureux. »
Assi est une marque de kibboutz appartenant à toutes les coopératives agricoles locales.
Elle presse, embouteille et vend sept types d’huile d’olive avec des arômes et des forces différents, certaines pour les vinaigrettes, d’autres pour la cuisson.
Pourtant, même Assi a du mal à se faire une place sur les rayons des supermarchés, où la plupart des huiles d’olive vendues sont importées ou issues de mélanges.
Il est moins cher pour les supermarchés israéliens de vendre des marques importées d’Europe, où l’industrie est fortement subventionnée, explique Yogev.
« Les agriculteurs israéliens ont du mal à gagner de l’argent grâce à leur huile d’olive car ils ont très peu d’aides du gouvernement », souligne-t-il.
« Si les Israéliens veulent une vraie huile d’olive, il leur faut aller au pressoir ou commander sur Facebook », allusion aux petits pressoirs, dont beaucoup traitent les commandes grâce à Facebook Messenger.
On trouve quelques marques israéliennes dans certaines chaînes de supermarchés, et les magasins spécialisés ont souvent des huiles d’olive locales.
La prochaine foire est une des mesures de marketing de la Division pour répandre la bonne parole sur l’huile d’olive israélienne.
Les producteurs, quant à eux, ont plus d’une raison pour vouloir maintenir cette tradition de production de l’huile d’olive. C’est pur, local et souvent familial.
Nassar et Yunes Darawsha sont deux frères originaires d’Iksal, un petit village arabe près de Nazareth, qui croient en l’huile d’olive et en son histoire.
Leur père, un entrepreneur en bâtiment, a construit le pressoir à huile d’olive familial il y a de cela 20 ans, pour les 7 hectares d’oliviers de leur famille.
Yunes, 39 ans, ingénieur en mécanique de formation, s’y est intéressé le premier, incitant son père à investir en se dotant d’un meilleur équipement que celui qu’il avait acheté d’occasion à un voisin.
Nasser, son aîné d’un an qui travaille à Netanya comme ingénieur logiciel, a commencé par s’y intéresser de loin, essentiellement au moment des récoltes.
« Cela m’énervait qu’il n’y prête pas davantage attention », explique Yunes.
Il y a environ sept ans, Nasser s’est marié et a fondé une famille. C’est alors qu’il s’est décidé à aider Yunes à établir un business plan pour convaincre leur père d’investir et agrandir le pressoir à huile.
Ils ont créé deux lignes de production, l’une pour les petites récoltes familiales et l’autre pour les grandes exploitations, entièrement casher, supervisée par un représentant du rabbinat local.
Fortement impliqués dans le Conseil de l’huile d’olive, ils organisent dans leur grande usine des réunions pour les producteurs d’huile d’olive et apportent de l’aide aux petits et plus gros agriculteurs, qu’ils soient juifs ou arabes.
Les Darawsha aimeraient voir la jeune génération montrer plus d’intérêt pour la culture des olives.
Yunes Darawsha estime que ses enfants ne suivront pas son exemple, car ils ont peu envie de cueillir des olives avec lui et ils finiront sans doute par acheter leur huile d’olive au lieu de le produire eux-mêmes.
« Ma femme ne sait pas comment faire mariner les olives », dit-il.
Dans le cadre de leur entreprise, les frères Darawsha veulent aider leurs voisins à soigner leurs oliveraies et produire leurs propres récoltes.
« Nous prendrons soin de la terre pour ceux qui ne veulent pas le faire eux-mêmes. L’idée fera son chemin, et d’autres en feront de même », espère Yunes Darawsha.
« Nous espérons que l’idée va prendre », confie Nasser Darawsha.
« En fin de compte, il n’y a rien de mieux que ses propres olives. »
Foire de l’huile d’olive, le 17 mars, à Ramat Hanadiv. Entrée gratuite, de 10h à 14h
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