A l’Université de Haïfa, une organisation suspendue pour un sit-in anti-guerre non autorisé
Standing Together a affirmé que le sit-in silencieux qui a réuni une douzaine étudiants n'avait pas violé le règlement de l'école ; ses opposants ont évoqué "des incitations" à l'encontre de Tsahal

JTA – Dans une université particulièrement connue pour la diversité de sa population, plus d’une douzaine d’étudiants se sont assis, la semaine dernière, sur le sol de l’un des bâtiments du campus pendant dix minutes, tenant des photos d’enfants palestiniens tués dans le cadre de la guerre à Gaza.
Cinq jours plus tard, l’université a annoncé la suspension de leur groupe jusqu’à la fin du semestre, l’accusant d’avoir organisé une manifestation non-autorisée.
Cet incident n’est pas survenu dans un établissement de l’Ivy League, et les agents de l’ICE n’ont prévu aucune descente en conséquence dans les résidences universitaires. Cette manifestation a été le dernier accrochage en date en lien avec la guerre à Gaza à être survenu à l’université de Haïfa, où étudiants israéliens Juifs et arabes se sont parfois affrontés d’une manière qui a pu rappeler les tensions sur les campus américains.
L’organisation à l’origine du sit-in était la branche de Standing Together au sein de l’université – un groupe qui réunit des Juifs et des Arabes de gauche. Standing Together, qui est devenu l’une des principales voix anti-guerre en Israël depuis le 7 octobre 2023, a été critiqué par certains Juifs israéliens, qui l’accusent de trahison, et par certains Palestiniens qui l’accusent d’aider à normaliser le sionisme.
Aujourd’hui, l’un des étudiants activistes s’étonne de la lourdeur de la sanction suite à une action qui paraissait tellement mineure que le groupe n’avait même pas pris la peine de demander une autorisation. « Ce n’était pas une manifestation », s’exclame Eliah Levin, étudiant en deuxième année à l’université de Haïfa. « C’était une démonstration de solidarité, mais c’était silencieux, c’était pacifique ».
Le mouvement de protestation a eu lieu le 23 avril – à la veille de Yom HaShoah, la journée de commémoration de la Shoah en Israël. Standing Together avait organisé de nombreux événements cette semaine-là, selon les médias israéliens. Quelques jours plus tôt, la police avait tenté de limiter les manifestations similaires à celle de Haïfa – avant de les autoriser.

De son côté, l’établissement d’enseignement supérieur a fait savoir dans un communiqué que le groupe avait organisé deux manifestations publiques sans autorisation préalable, dont le sit-in, ce qui constituait une violation de son règlement.
« L’administration de l’université s’engage à maintenir l’ordre public sur le campus et considère donc cette violation comme une affaire très grave », a déclaré l’école dans un communiqué qui a été transmis par courriel.
Mais Standing Together a rejeté les accusations lancées par l’école, affirmant que si le groupe n’avait pas demandé d’autorisation avant le sit-in, ce dernier ne nécessitait pour autant aucune autorisation dans la mesure où il s’est déroulé dans le silence et où les étudiants sont restés immobiles.
La manifestation a entraîné les critiques de Btsalmo, un groupe d’activistes de droite qui a porté plainte auprès de l’administration de l’université, selon le site d’information israélien Walla. Il a demandé l’interdiction définitive de Standing Together.
« Une organisation qui choisit d’enfreindre ouvertement la loi et les règlements et qui se permet d’inciter à la violence contre les soldats de Tsahal, qui sont leurs camarades d’amphithéâtres, devrait être fermée de façon permanente », a commenté Shai Glick, à la tête de Btsalmo, selon Walla. « Nous continuerons à travailler dans le but de mettre un terme aux incitations sur les campus en général et à l’université de Haïfa en particulier ».
Quelques jours après le sit-in de Haïfa, Btsalmo a exhorté ses partisans à protester contre un autre événement judéo-arabe : la projection, dans tout le pays, d’une cérémonie commune de commémoration israélo-palestinienne. L’une de ces manifestations a tourné en émeute dans une synagogue réformée de Raanana, une ville de la banlieue de Tel Aviv, où des protestataires ont fait irruption dans la synagogue, blessant des participants et des agents de police.

Alon-Lee Green, codirecteur de Standing Together, déclare que la punition infligée à son groupe, à Haïfa, constituait une atteinte aux droits et à la liberté d’expression.
« Sans aucun avertissement, sans aucune audience, sans aucune procédure appropriée, nous avons reçu un courrier qui nous avertissait que nous n’étions pas autorisés à poursuivre nos activités au sein de l’université jusqu’à la fin de l’année », déplore Green.
« On a l’impression que les espaces démocratiques se réduisent dans tout le pays, et maintenant ils se réduisent aussi dans les instituts universitaires, des endroits qui devraient être sur le devant de la scène s’agissant du débat, du débat universitaire, mais qui devraient aussi être sur le devant de la scène s’agissant de la liberté d’expression », ajoute-t-il. « On a l’impression que cette mesure a également été dirigée contre les étudiants palestiniens qui ont largement participé à cette campagne ».
Levin fait savoir que pendant la manifestation, plusieurs étudiants palestiniens ont abordé les militants pour les remercier de leur solidarité.
« J’ai vu un grand nombre d’étudiants palestiniens venir vers nous pour nous remercier, pour dire qu’ils appréciaient ce que nous faisions, ce qu’ils ont considéré comme un acte de solidarité très important qui a permis de montrer la douleur et le prix de la guerre », raconte Levin. « Mais les seules voix qui sont autorisées à se faire entendre, à la fois sur internet et sur le campus, ce sont les voix de droite, et elles sont très bruyantes et très agressives ».
Les tensions ont grimpé en flèche ces dernières années à Haïfa, dont le campus accueille la plus grande proportion d’Arabes de toutes les universités israéliennes. Au mois de janvier 2024, lorsque l’école avait réadmis huit étudiants arabes qui avaient été suspendus pour avoir publié des contenus « en soutien au terrorisme » sur les réseaux sociaux, certains étudiants juifs avaient fait part de leur désaccord avec cette décision.
Levin déclare que son groupe se heurte régulièrement à l’opposition des autres étudiants – dont un grand nombre a servi dans la réserve dans le cadre de la guerre. Elle affirme comprendre leurs objections, mais qu’elle reste déterminée à continuer d’exprimer ses convictions.
« Je pense que c’est difficile pour les étudiants israéliens, en passant, de voir ce que nous faisons, je le comprends, je pense que c’est difficile », indique-t-elle. « Nous devons maintenant nous habituer au fait qu’il s’agit d’une question politique. Des voix vont se faire entendre. Vous ne pourrez plus nous faire taire. Et nous allons devoir apprendre à vivre avec ça ».
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.