À Majdal Shams, des bénévoles viennent aider les mères en deuil après l’attaque du Hezbollah
Conscientes des besoins en santé mentale dans la ville druze où 12 enfants ont été tués, des thérapies alternatives à la douleur sont offerts pour soulager le chagrin
MAJDAL SHAMS – Jeudi dernier, des femmes druzes vêtues de noir et aux visages encore marqués par le chagrin se sont rendues au studio de yoga de Majdal Shams.
Six semaines plus tôt, le 27 juillet, 12 enfants et adolescents avaient été tués sur un terrain de football à Majdal Shams, emportés par une bombe Falaq-1 de fabrication iranienne, dont l’ogive contenait plus de 50 kilogrammes d’explosifs, lancée par le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah depuis le Liban. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière menée par le Hezbollah depuis le 8 octobre, date à laquelle ses attaques contre le nord d’Israël ont commencé, un jour après le pogrom perpétré par le groupe terroriste du Hamas dans le sud de l’État hébreu.
Depuis ce jour, le Hezbollah lance des attaques quasi quotidiennes contre des positions militaires et des communautés le long de la frontière nord d’Israël, en soutien au Hamas en guerre dans la bande de Gaza, selon Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah.
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Jusqu’à présent, les affrontements ont causé la mort de 26 civils du côté israélien, ainsi que de 20 soldats et réservistes de Tsahal. Plusieurs attaques ont également été lancées depuis la Syrie, sans faire de blessés.
« J’ai organisé cette journée de retraite pour donner aux femmes en deuil de Majdal Shams une chance de commencer à panser leur esprit, leur corps, leur cœur et leur âme par le biais de traitements alternatifs », a expliqué Nechama Shaina Langer, de Pardes Hanna, dont le travail est parrainé par Maman, une organisation à but non lucratif de Californie.
Des bénévoles de Hayal’s Angels [Les anges des soldats], un groupe qui a donné 6 970 séances de thérapie gratuites à des soldats à travers le pays depuis le début de la guerre, étaient également présents. Tasha Cohen, fondatrice de Hayal’s Angels, a tenu à se rendre à Majdal Shams malgré les dangers.
Cohen en tête, un groupe de quatre voitures chargées de femmes et de matériel s’est dirigé vers le nord à travers les zones bombardées par le Hezbollah, le long de routes bordées d’arbres ravagés par les tirs de roquettes, de drones et d’éclats d’obus. C’était la première fois que ces bénévoles, venus d’aussi loin que Jérusalem, aidaient des civils, et uniquement des femmes.
Aroba Abu Saleh a mis à disposition son studio de yoga et de danse, appelé Khutwa, ou « pas » en arabe, pour la journée de retraite.
« C’est le moins que je puisse faire », a indiqué Aroba Abu Saleh, qui a perdu plusieurs membres de sa famille dans cette attaque.
Des tables, des bougies et des bols tibétains pour la thérapie par le son ont été installés par les bénévoles dans le studio spacieux et aux lumières tamisées d’Aroba Abu Saleh.
Naela Fakher Eldin, dont la fille de 11 ans, Alma, a été tuée sur le terrain de football, est l’une des premières venues. Elle portait un pin’s avec la photo d’Alma sur la poitrine.
« C’est une perte dont je souffrirai jusqu’à la fin de ma vie », a confié Fakher Eldin à un journaliste du Times of Israel. « Alma est mon ange. »
L’accueil s’est fait en douceur, et Cohen a demandé à Eldin et à sa mère, Adele Abu Jabal, qui portait le costume traditionnel druze et un couvre-chef blanc, où elles ressentaient leur douleur.
« Ma mère a beaucoup de chaleur au niveau des pieds », a dit Eldin.
« Quels traitements souhaitez-vous ? », a demandé Cohen. « Nous proposons des massages, de la réflexologie, des soins par le son et de l’acupuncture. »
Les femmes hésitent : c’est la première fois qu’elles entendent parler de thérapie par le son et d’acupuncture. Cohen ne se laisse pas déconcerter par leur réticence ; elle sait qu’elle doit franchir un fossé culturel pour les convaincre de faire confiance à l’équipe de bénévoles.
« Faites-nous confiance », leur a-t-elle conseillé. « Laissez-nous vous épauler. »
Chez soi, sans abri
À l’extérieur du studio, on entend des bruits d’enfants qui jouent et crient dans une école voisine. Malgré un ciel d’un bleu éclatant sans aucun nuage et un soleil radieux sur les contreforts du sud du mont Hermon, les femmes étaient submergées par une tristesse collective.
« Depuis le début de la guerre, nous ne nous sommes jamais senties protégées », a expliqué Abu Saleh. « Certaines maisons n’ont pas d’abris. »
Avant la guerre des Six Jours de 1967, qui a vu Israël conquérir le Golan, Majdal Shams faisait partie de la Syrie. Israël a officiellement annexé la région, un haut lieu stratégique, en 1981, mais de nombreux Druzes ont refusé la citoyenneté israélienne, certains par souci pour leurs proches restés en Syrie.
Aujourd’hui, même s’ils n’ont pas la citoyenneté israélienne, les Druzes du Golan sont considérés comme des résidents permanents d’Israël. Ils ont accès aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services sociaux, et sont libres de circuler à l’intérieur du pays.
Majdal Shams, la plus grande des quatre villes druzes du plateau, compte 12 000 habitants. En ajoutant les trois autres villes – Ein Qiniyye, Masade et Buqata – la population druze du Golan s’élève à 20 000 personnes, vivant aux côtés d’environ 50 000 Israéliens juifs.
Les Druzes, qui comptent environ un million de personnes à travers le monde, sont une branche monothéiste de l’islam, mais ne se considèrent pas comme musulmans. Leurs croyances religieuses sont secrètes ; la communauté est très soudée et insulaire. Israël compte environ 150 000 Druzes.
Les Druzes croient en la réincarnation des âmes, a déclaré Enaea Safadi, dont la fille Venes, âgée de 11 ans, a été tuée dans l’attaque. « Cette croyance m’aide », a-t-elle déclaré.
Enaea Safadi raconte que lorsqu’elle et son mari, Adhm, ont entendu les explosions ce samedi-là, ils se sont précipités vers le terrain de football, qui se trouve au centre-ville.
« Ma fille se trouvait là, à droite de la grille », a-t-elle déclaré. « Dès que je l’ai vue, j’ai su qu’elle était morte. »
Après avoir retrouvé leur fille, son mari, un secouriste du Magen David Adom (MDA), a fait abstraction de son chagrin pour porter secours aux blessés.
« Venes était intelligente, amusante et elle aimait les gens », a indiqué Enea. « Nous croyons que Dieu donne et que Dieu reprend. »
Chaya Ben Baruch de Safed, une bénévole qui prodigue des soins d’acupuncture, a raconté aux femmes qu’elle avait perdu trois enfants, tous atteints du syndrome de Down.
« On ne se remet jamais de la perte d’un enfant », a dit Ben Baruch, « et on ne les oublie jamais. »
À la fin de la journée, les volontaires avaient dispensé 48 traitements. Les femmes ont eu plus de facilité à accorder leur confiance aux bénévoles après les premiers traitements, a expliqué Cohen. Elles ont même demandé à essayer la thérapie sonore et l’acupuncture, mais il ne restait plus assez de temps.
Répondre aux besoins en matière de santé mentale
Langer explique que l’idée d’offrir des traitements alternatifs aux femmes de Majdal Shams lui est venue après avoir parlé à Sara Raoof Jacobs de Maman, une organisation à but non lucratif qui soutient financièrement divers programmes en Israël depuis le début de la guerre.
Sara Raoof Jacobs a créé Maman, qui signifie mère en persan, lorsqu’elle a constaté la « force de la communauté juive iranienne de ma mère », qui l’a accompagnée dans sa lutte contre le cancer.
Peu après l’attaque du Hezbollah, Jacobs a entendu parler de Rania Fadia Dean, une femme druze originaire de la ville de Maghar, dans le nord du pays, qui vit aujourd’hui à Los Angeles et défend bénévolement les intérêts d’Israël.
Selon Jacobs, Dean lui aurait dit : « Nous devons aider, c’est mon peuple ».
Elles ont immédiatement entrepris de collecter des fonds pour mettre en place des thérapies alternatives à Majdal Shams. Ces thérapies compléteraient les divers programmes de santé mentale, y compris les séances de thérapie individuelle et collective, proposés par les caisses de santé (HMO).
« En tant que mère, je ne peux pas imaginer la douleur que ces mères doivent ressentir », a expliqué Dean, ajoutant : « C’est insupportable. »
Jacobs et Dean ont fait appel à Langer, qui avait prodigué des soins aux survivants du kibboutz Beeri après le pogrom du 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes du Hamas ont franchi la frontière du sud d’Israël, assassinant plus de 1 200 personnes et prenant 251 otages. Dans ce seul kibboutz, les terroristes ont assassiné 101 personnes.
« Les traumatismes sont retenus dans le corps », a expliqué Langer après sa journée à Majdal Shams, précisant que la réflexologie aidait les femmes à entendre cette « petite voix tranquille » à l’intérieur d’elles.
« Certaines femmes ont beaucoup pleuré alors que je ne faisais que leur tenir la tête », a raconté Langer. « Je leur ai dit de faire attention aux parties qui se sentaient fortes et à celles qui ressentaient de la douleur. C’est ainsi qu’elles ont entamé une conversation silencieuse et écouté ce que leur corps leur disait. »
Elle et d’autres bénévoles prévoient de continuer à se rendre chaque semaine à Majdal Shams pour proposer des traitements alternatifs afin « d’aider à soulager la douleur des femmes ».
« Nous avons adapté aux femmes ce que nous faisons habituellement pour les soldats, et nous avons été sensibles à leurs besoins », a expliqué Cohen. « Elles sont passées d’un état de souffrance insupportable, où elles avaient du mal à respirer, à l’impression d’être prises dans les bras. »
« Nous sommes reconnaissantes aux femmes qui se sont investies de tout leur cœur, partageant notre profonde douleur », a confié Dallal Abu Saleh, dont le fils, Hazem, âgé de 15 ans, a été assassiné. Hazem faisait partie de l’équipe de football Bnei HaGolan VeHaGalil (MMBA).
Abu Saleh, du studio de yoga, a dit qu’elle ne s’attendait pas à voir des gens de tout le pays venir aider à Majdal Shams.
« Je ne pensais pas que les gens nous aideraient autant », a-t-elle ajouté.
Gianluca Pacchiani a contribué à cet article.
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