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A Mossoul après l’Etat islamique, les armes se vendent et inquiètent

A Mossoul, fusils et pistolets sont en vogue – pour la chasse, mais aussi et surtout, auprès des habitants de cette grande ville du nord irakien qui craignent encore pour leur vie

Un client inspecte un fusil vendu dans une armurerie à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 28 janvier 2019. (Crédit photo : Zaid AL-OBEIDI / AFP)
Un client inspecte un fusil vendu dans une armurerie à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 28 janvier 2019. (Crédit photo : Zaid AL-OBEIDI / AFP)

A Mossoul, reprise il y a presque deux ans aux jihadistes, fusils et pistolets sont en vogue. Pour la chasse, mais aussi et surtout, auprès des habitants de cette grande ville du nord irakien qui craignent encore pour leur vie.

L’année dernière, la loi qui n’autorisait que la vente d’armes de chasse aux civils a été assouplie pour leur permettre d’acheter pistolets et armes semi-automatiques. Mais pour des experts, la prolifération d’armes n’est pas synonyme de plus de sécurité dans cette cité où les exactions du groupe Etat islamique (EI) ont laissé des traces.

L’un des propriétaires de la demi-douzaine d’armureries enregistrées auprès du ministère de l’Intérieur ces derniers mois à Mossoul assure que « 70 % des ventes se font sur les fusils de chasse ».

Cet Irakien quadragénaire, qui préfère s’exprimer sous le couvert de l’anonymat, indique recevoir « de nombreux clients » qui ont tous « un permis de port d’arme » et même, pour beaucoup, « une carte de membre des forces armées ».

« Nous vendons à des civils mais aussi à des militaires », confirme le propriétaire d’un autre magasin, qui refuse également de donner son nom.

Des fusils dans un magasin d’armes de la ville de Mossoul, dans le nord de l’Irak, le 28 janvier 2019. (Crédit photo : Zaid AL-OBEIDI / AFP)

Hommes d’affaires et militaires

Parmi les civils, il y a bien quelques chasseurs. Mais aussi « des hommes d’affaires ou des journalistes », professions qui peuvent susciter convoitises ou menaces à Mossoul, explique-t-il.

Selon le centre de recherches genevois Small Arms Survey, le taux de détention d’armes par des civils en Irak est l’un des plus élevés au monde : environ une personne sur cinq en possédait une en 2018.

Abou Nizar porte en permanence un pistolet à la ceinture et garde une Kalachnikov dans son bureau de change, car de nombreux « changeurs et commerçants » ont été attaqués.

Militaire de profession, Hamed Hassan examine lui les canons exposés en vitrine et les caisses de munition. Quand il rentre chez lui, sans son arme de service, cet Irakien de 21 ans dit ne plus rien avoir pour sa « protection personnelle » alors que « la sécurité est toujours fragile ».

Dans la province de Ninive, où se trouve Mossoul, des centaines de jihadistes se cachent dans les zones montagneuses ou désertiques qui bordent la Syrie en guerre, assurent des responsables de la sécurité. Et même si l’EI ne tient plus de territoire, des attaques, notamment contre des militaires, en service ou chez eux, sont régulièrement signalées.

Un fusil et d’autres objets sont exposés dans un magasin d’armes de la ville de Mossoul, dans le nord de l’Irak, le 28 janvier 2019. (Crédit photo : Zaid AL-OBEIDI / AFP)

Marché noir

Dans la ville – devenue après l’invasion du pays par les Etats-Unis en 2003 un bastion de l’insurrection anti-Américains, puis d’Al-Qaïda avant que l’EI n’en fasse sa « capitale » en Irak –, les armes étaient déjà omniprésentes.

Profitant du chaos en 2014, l’EI s’est emparé de casernes et autres stocks militaires désertés. Par la suite toutes les communautés se sont dotées de groupes d’auto-défense, parfois armés par l’Etat.

Si les autorités ont annoncé à plusieurs reprises avoir saisi des camions d’armes et d’explosifs, destinées selon elles à des jihadistes, « des armes légères de toutes sortes alimentent le marché noir », indique à l’AFP un responsable des services de sécurité.

Sous le couvert de l’anonymat, il détaille : « certaines ont été volées, d’autres récupérées après la fuite des jihadistes ou passées en contrebande » dans le nord irakien.

Dans le même temps, les magasins écoulent – légalement, eux – leurs mitraillettes et autres pistolets américains, chinois ou croates, leurs fusils de chasse et leurs Kalachnikovs, à des prix allant de 500 dollars – le salaire moyen en Irak – à 5 000 dollars.

Traumatisme et criminalité

En Irak, 130 armureries ont obtenu des licences ces dernières années, mais vendre des armes dans la province de Ninive n’est pas anodin, s’inquiète le sociologue Ali Zeidane.

Durant trois ans, l’EI y a fait la loi. Aux enfants, ses hommes, toujours armés, apprenaient les mathématiques en additionnant grenades et fusils d’assaut. Aux adolescents, ils imposaient l’entraînement militaire, aux badauds, les exécutions et autres châtiments corporels sur la place publique.

Au-delà du traumatisme, ces armes pourraient finir entre de mauvaises mains et des sources de sécurité s’inquiètent de l’enrichissement, au gré des batailles, de l’arsenal de groupes armés qui pullulent dans la région.

« Mossoul a été reprise récemment, il y a encore des cellules terroristes clandestines », prévient M. Zeidane. En outre, dans une région dévastée par les combats et où la reconstruction peine à débuter, « la criminalité va augmenter » avec toutes ces armes en circulation, ajoute-t-il.

« La situation à Mossoul n’est pas aussi stable que ce que les responsables voudraient faire croire », martèle le politologue Amer al-Beik.

« Vendre des armes aux civils aura un impact négatif sur la sécurité aujourd’hui mais aussi à l’avenir », prévient-il.

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