Abbas accusé d’avoir été un agent du KGB : « absurdités », répond l’AP
Selon des chercheurs israéliens, les notes d'un ancien archiviste de l'ex-Union soviétique révèlent que Abbas était un agent du KGB

La présidence palestinienne a qualifié « d’absurdités » des informations de la télévision israélienne selon lesquelles Mahmoud Abbas avait été un agent du KGB soviétique dans les années 1980.
Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Roudeina, a dénoncé auprès de l’AFP ces informations comme une manoeuvre israélienne visant à saper les efforts russes de médiation dans le conflit israélo-palestinien.
La Première chaîne a affirmé mercredi soir que le nom de M. Abbas, aujourd’hui président de l’Autorité palestinienne, apparaissait sur les listes des agents des services secrets soviétiques dans des archives consultées par deux chercheurs de l’Institut Truman de l’Université hébraïque de Jérusalem.
La famille de M. Abbas, né dans la Palestine sous mandat britannique, avait fui en Syrie pendant la guerre de 1948 qui avait débouché sur la création de l’Etat d’Israël.
Les chercheurs Isabela Ginor et Gideon Remez ont dit à la Première chaîne avoir épluché les archives du colonel Vassili Mitrokhine, ancien archiviste des services secrets de l’ex-Union soviétique passé à l’Ouest en 1992. Mitrokhine, qui s’était réfugié en Grande-Bretagne, a révélé le nom de milliers d’espions russes dans le monde.
Gideon Remez a évoqué l’ouverture aux chercheurs des archives emportées par Vassili Mitrokhine. « Nous avons demandé communication du dossier Moyen-Orient (…). Ils nous l’ont envoyé de l’université de Cambridge (…) On y trouve beaucoup de matériel sur les activités soviétiques, en particulier dans les années 70 et 80 parmi les Palestiniens et au Moyen-Orient », a-t-il dit.
« En 1983, il (Abbas) figure sur les listes comme quelqu’un sous l’aile du KGB et son nom de code est Krotov, la taupe », a dit Isabela Ginor à la Première chaîne.
Les documents indiquent « explicitement, à propos d’Abbas, qu’il était un agent du KGB », a indiqué de son côté M. Remez.
Les documents – obtenus par les chercheurs israéliens Isabella Ginor et Gideon Remez – montrent que le soi-disant Krotov-Abbas travaillait avec les Soviétiques lorsque Mikhail Bogdanov, l’envoyé actuel de Vladimir Poutine au Moyen-Orient, était en poste à Damas.
Bogdanov a été pris dans un bras de fer diplomatique plus tôt cette semaine après avoir tenté de négocier une rencontre entre Abbas et le Premier ministre Benjamin Netanyahu à Moscou. Les deux hommes ont dit vouloir se rencontrer tout en s’accusant d’avoir refusé la rencontre.
Les notes de l’archiviste du KGB sont considérées comme étant les informations les plus complètes disponibles sur les opérations des renseignements soviétiques. Il a affirmé que le KGB a recruté le dirigeant de l’époque du Front Populaire pour la Libération de la Palestine, Wadi Haddad, en tant qu’agent dans les années 1970.
Ses notes ont également révélé que Haddad, opérant sous le nom de code NATSIONALIST, a reçu de l’aide financière et des armes soviétiques pour le FPLP.
Selon un agent des renseignements soviétiques du bloc de l’Est qui a fait défection aux Etats-Unis dans les années 1970, l’OLP, le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine et le FPLP ont tous reçu l’aide du KGB.
Le général roumain Pacepa a déclaré aux Américains qu’en 1972, le dirigeant de l’époque de l’OLP, Yasser Arafat, a collaboré étroitement avec le KGB et le service Securitate roumain, et les combattants de la guérilla de l’OLP ont été secrètement formés par des agents des renseignements soviétiques.
« Les informations de la télévision israélienne font partie des absurdités auxquelles nous sommes habitués de la part des Israéliens », a dit le porte-parole de la présidence palestinienne. Il a fustigé « une campagne de calomnies ».
« Il est clair qu’Israël s’inquiète de la relation stratégique (des Palestiniens) avec la Russie et de la position clairement annoncée par la Russie, à savoir sa volonté de résoudre le conflit israélo-palestinien sur la base d’un Etat palestinien indépendant et le droit pour notre peuple à l’auto-détermination », a dit M. Abou Roudeina à l’AFP.
Tout au long de sa jeunesse, Abbas a développé un réseau de militants politiques palestiniens à travers le monde arabe qui allait devenir le Fatah et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Dans les années 1970 et au début des années 1980, Abbas a étudié à l’université de l’Amitié du Peuple de la Russie, où il a écrit sa thèse pour son doctorat sur « La relation secrète entre les nazis et les sionistes allemands », qui a été accusé de nier la portée de l’Holocauste.
Après avoir obtenu son doctorat, Abbas s’est installé en Tunisie où il a joué un rôle plus actif dans la direction de l’OLP et a fait son chemin jusqu’à la présidence de l’organisation. Il est devenu le président de l’AP après la mort d’Arafat en 2004.
Des spécialistes israéliens de l’ex-URSS estiment que les informations de Channel 1 ne sont pas invraisemblables.
« Il y avait de nombreux contacts dans la région (avec l’ex-URSS). Il est très plausible que les Soviétiques aient essayé d’utiliser Abou Mazen (autre nom de M. Abbas) au sein du KGB alors qu’il était étudiant », estime ainsi auprès de l’AFP Yaacov Ro’i, professeur spécialiste d’histoire soviétique à l’Université de Tel-Aviv.
« L’OLP était soutenue par les Soviétiques et Moscou a fait venir de nombreux étudiants étrangers qu’il a ensuite recrutés ou tenté de recruter comme agents », dit Galia Golan-Gild, professeur spécialiste des politiques soviétique et russe au Proche-Orient à l’Université hébraïque.
L’AFP a contribué à cet article.