Abou Mehdi al-Mouhandis, l’homme de l’Iran à Bagdad
Abou Mehdi al-Mouhandis, tué vendredi dans le raid américain à Bagdad, est l'homme de l'Iran à Bagdad et l'ennemi numéro un en Irak pour les Etats-Unis depuis des décennies
Abou Mehdi al-Mouhandis, tué vendredi dans un raid américain à Bagdad, est l’homme de l’Iran à Bagdad et l’ennemi numéro un en Irak pour les Etats-Unis depuis des décennies.
Au beau milieu de la nuit, il a péri aux côtés de son ami proche, le général iranien Qassem Soleimani, en charge des affaires irakiennes au sein de l’armée idéologique d’Iran, dont il a été pendant plusieurs décennies le premier lieutenant pour l’Irak.
De son vrai nom Jamal Jaafar Ibrahimi, le numéro deux du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires majoritairement pro-Iran désormais intégrés à l’Etat irakien a toujours été connu sous le nom d’al-Mouhandis, l’ingénieur en arabe.
La dernière fois qu’il a été vu en public remonte à mardi. Il défilait alors au milieu du cortège funéraire de 25 combattants pro-Iran tués par l’aviation américaine. Ce même cortège qui a ensuite déferlé sur l’ambassade américaine pour l’attaquer à coups de barres de fer et autres béliers de fortune.
« Aucun équivalent »
Connu pour son anti-américanisme virulent bien avant les huit années d’occupation qui ont suivi l’invasion de l’Irak en 2003, Abou Mehdi al-Mouhandis « est le parfait exemple de la manière dont l’Iran a tissé son réseau de lieutenants en Irak », affirme à l’AFP Phillip Smyth, spécialiste des groupes chiites armés.
« Il est lié à tous les réseaux principaux de l’Iran en Irak. Il n’a aucun équivalent, il est l’incarnation parfaite » de ces liens tissés au fil des décennies, assure l’expert.
L’homme à la barbe blanche toujours taillée de près, qui apparaît en public, au front ou dans des conférences, tant en costume qu’en uniforme militaire, est né en 1953 à Bassora, immense cité pétrolière du sud côtier de l’Irak, frontalier de l’Iran.
Dès les années 1980, l’homme qui possède la double nationalité irako-iranienne et parle couramment farsi mène le combat contre le dictateur Saddam Hussein depuis l’autre côté de la frontière.
Il est alors un haut commandant des brigades Badr, des unités de combattants irakiens formées en Iran pour combattre à ses côtés dans la guerre contre l’Irak (1980-1988). C’est durant cette décennie, qu’il est accusé d’avoir été impliqué dans des attentats meurtriers contre les ambassades de France et des Etats-Unis au Koweït en 1983.
Il a d’ailleurs été condamné à mort en son absence pour ces explosions.
En 2005 toutefois, il fait un bref passage au Parlement irakien au sein d’un système politique nouveau, mis en place par son ennemi américain dans l’Irak post-Saddam Hussein qu’il a finalement regagné.
Là, il aide à former les brigades du Hezbollah, une faction pro-Iran intégrée au Hachd al-Chaabi, que Washington accuse d’être derrière une récente série d’attaques à la roquette contre ses intérêts en Irak.
En 2009, les brigades du Hezbollah et Abou Mehdi al-Mouhandis ont été inscrits sur la liste américaine des « terroristes ». Les Etats-Unis accusent le commandant irakien de tenir « des réseaux de trafic d’armes » et d’avoir « participé à des attentats contre des ambassades occidentales et des tentatives d’assassinats dans la région ».
« Ennemi invétéré »
Pour le spécialiste Michael Knights, il est « l’ennemi invétéré numéro un des Etats-Unis », bien plus même que l’ensemble des autres factions pro-Iran en Irak.
Véritable chef opérationnel du Hachd – même s’il est officiellement numéro deux –, il a « travaillé assidûment à faire du Hachd une organisation jamais totalement sous le contrôle du Premier ministre ou la commande des forces régulières », décrypte l’expert.
Il attirait à lui à la fois la loyauté des combattants du Hachd mais également ses juteux revenus – notamment du trafic dans l’Irak tout juste repris au groupe Etat islamique (EI).
Pour M. Knights, Abou Mehdi al-Mouhandis était « le système nerveux central » des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique d’Iran.
Mais s’il était central, l’homme était aussi silencieux. Durant l’été seulement, il est sorti de son mutisme pour accuser les Etats-Unis et Israël d’être derrière de mystérieuses frappes aériennes sur plusieurs bases du Hachd.
Difficile désormais d’imaginer qui pourra le remplacer, affirme M. Smyth. Car il sera compliqué de retrouver un homme ayant une telle proximité idéologique et personnelle avec l’Iran.