Affiliée au Hezbollah, Al-Qard al-Hassan, une banque qui ne dit pas son nom
L'organisation « est utilisée par le Hezbollah comme couverture pour gérer ses activités financières et avoir accès au système financier international », d'après le Trésor américain qui l'a placé sur une liste des sanctions

La société financière Al-Qard al-Hassan a été visée par des frappes israéliennes pour ses liens avec le Hezbollah et le financement présumé de ses activités, mais au Liban en crise, crédits et services bancaires fournis par l’institution jouissent d’une forte popularité, particulièrement au sein de la communauté chiite partisane dans sa grande majorité du groupe terroriste pro-Iran.
Frappée de sanctions américaines depuis de longues années, accusée de servir d’écran au Hezbollah pour ses activités financières, l’organisation dotée d’une trentaine de succursales à Beyrouth et plusieurs autres régions est enregistrée auprès des autorités depuis les années 1980.
Le secret de sa popularité : l’application des principes de la finance islamique, favorisant l’octroi de prêts sans intérêts. Et surtout, dans un pays emporté depuis cinq ans par la spirale de l’effondrement économique, la déliquescence des banques traditionnelles qui ne fonctionnent presque plus et ont retenu l’argent des Libanais.
Dimanche soir, des frappes israéliennes ont visé des filiales d’Al-Qard al-Hassan (« le prêt vertueux », en arabe) dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah pro-iranien, mais aussi dans des villes du Sud et de l’Est, à Tyr ou dans la plaine de la Békaa.
Dans les ordres d’évacuation qui ont précédé ses bombardements, l’armée israélienne accusait l’institution d’être impliquée « dans le financement des opérations terroristes du Hezbollah ».
Et les responsables israéliens le disent sans ambages : « le principal objectif est d’affaiblir la confiance entre le Hezbollah et une grande partie de la communauté chiite qui utilise » cette institution comme une banque, précisait dimanche un haut responsable des services du renseignement israélien.
Car Al-Qard al-Hassan fait partie du réseau d’associations, écoles, hôpitaux et coopératives au service des partisans du Hezbollah, qui ont assis sa popularité au sein de la communauté chiite.
« Bouée de sauvetage »
Concrètement, Al-Qard al-Hassan fournit des micro-crédits aux artisans et petites et moyennes entreprises agricoles ou industrielles. Dans un pays abonné aux délestages électriques, elle propose aussi des prêts aux particuliers et aux municipalités pour l’achat de panneaux solaires.
En février 2023, l’institution promouvait sur ses réseaux sociaux « des prêts en livres libanaises garantis par [des dépôts] en or ».
Quand les autres banques avaient suspendu les crédits en raison de l’effondrement économique, l’association se targuait d’avoir octroyé 212 000 prêts, d’une valeur totale de 553 millions de dollars, « malgré la crise » en 2020-2021.
Al-Qard al-Hassan dit offrir ses prêts « à tous les Libanais ». Des clients issus des communautés chrétienne et sunnite ont confirmé à l’AFP avoir recours à ses services et elle s’est aventurée hors des bastions traditionnels du Hezbollah.
« Vous déposez de l’or, ils vous versent sa valeur en monnaie, et vous remboursez [ce prêt] sans intérêts », a confirmé à l’AFP un client, s’exprimant sous anonymat en raison des tensions actuelles.
L’Iran a aidé à la création de l’organisation dans les années 1980, mais elle est désormais autofinancée, principalement par la communauté chiite libanaise. Car 85 % des usagers sont issus de cette communauté.
« Échapper à la supervision »
Au Liban même, les détracteurs du Hezbollah fustigent l’institution car elle se soustrait aux régulations et aux contrôles du secteur bancaire.
Ce n’est pas la première fois qu’Al-Qard al-Hassan est englué dans les tensions géopolitiques opposant depuis des décennies le Hezbollah et son parrain iranien, à Washington.
En 2007, le Trésor américain gelait ses avoirs, prononçant en 2021 de nouvelles sanctions contre plusieurs personnalités liées à l’institution.
L’organisation « est utilisée par le Hezbollah comme couverture pour gérer les activités financières » du mouvement « et avoir accès au système financier international », accusait alors le Trésor américain.
Le Trésor accusait aussi Al-Qard al-Hassan « d’amasser » des devises étrangères pour « permettre au Hezbollah de construire sa propre base de soutien ».
« Alors qu’elle prétend servir le peuple libanais, en pratique, elle déplace illégalement des fonds via des comptes fictifs et des facilitateurs, exposant ainsi les institutions financières libanaises à de potentielles sanctions ».