Alan Dershowitz: pas suffisamment de preuves pour inculper Netanyahu
Selon le célèbre juriste, tous les politiciens négocient avec les journaux ; il met en garde Trump contre un retrait syrien, une erreur pour les US, le monde et Israël
Alan Dershowitz, éminent professeur de droit et défenseur d’Israël, estime qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour inculper le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour corruption après ses négociations présumées avec le rédacteur en chef d’un journal, menées dans le but d’obtenir une meilleure couverture médiatique de la part de ce dernier. Il a ajouté que tous les politiciens agissaient ainsi.
La police a recommandé l’inculpation de Netanyahu dans trois affaires de corruption distinctes dont l’une, l’Affaire 2000, concerne des tractations qui auraient eu lieu entre Netanyahu et Arnon Mozes, rédacteur en chef du quotidien Yedioth Ahronoth, au cours desquelles le Premier ministre aurait réclamé une couverture plus positive de ses actions dans le cadre d’un accord de compromis.
« Il n’y a pas suffisamment de preuves d’un délit pénal », a assuré Dershowitz au micro de la radio militaire dans un entretien, jeudi. « Je pense qu’il est très dangereux de commencer à inculper des personnes sur la base de négociations avec les journaux. Tous les politiciens font cela ».
« Commencer à interférer dans la relation entre les médias et le gouvernement représente un danger énorme pour la liberté d’expression et un danger énorme pour la démocratie », a-t-il ajouté.
Netanyahu a nié toute malversation dans l’ensemble des dossiers qui le concernent et affirme être la victime d’une chasse aux sorcières politique qui implique les médias, la gauche et la police.
Dershowitz a également commenté l’annonce faite, la semaine dernière, par le président Donald Trump du retrait des forces américaines terrestres de Syrie, une initiative qui, pense Israël, nuira à ses initiatives visant à empêcher l’Iran de s’ancrer militairement dans ce pays ravagé par la guerre.
« La décision de Trump de faire quitter la Syrie aux forces américaines est une grave erreur », a dit Dershowitz. « Il faut blâmer en majorité Barack Obama pour la politique qu’il avait mise en oeuvre en Syrie. La politique étrangère américaine, ces dernières années – mise en place d’abord par [George W.] Bush, puis par Obama, et enfin par Trump n’est pas très bonne – elle n’est bonne ni pour l’Amérique, ni pour la paix dans le monde, ni pour Israël ».
Commentant la situation actuelle dans laquelle se trouve Trump, qui est accusé d’avoir permis à la Russie d’interférer lors des élections présidentielles de 2016 et qui est critiqué pour son style impétueux de leadership, considéré comme peu conventionnel, Dershowitz a estimé que le président était mieux loti qu’il ne le serait s’il était Premier ministre israélien.
« S’il était le Premier ministre israélien, son gouvernement se serait effondré aujourd’hui », a-t-il dit, « mais sous les termes de notre constitution, une procédure de destitution exige qu’un crime ou un délit graves aient été commis : être un mauvais président ou un incompétent ne suffit pas. Actuellement, je ne vois ni crime ou délit grave tels que la clause de la constitution les définit pour lancer une telle procédure ».
Évoquant l’avenir d’Israël, Dershowitz a prédit que « la trajectoire, pour le futur, est très positive mais il est essentiel… qu’Israël réalise un compromis de paix avec les Palestiniens même s’il doit exiger des choses difficiles, comme le Premier ministre d’Israël a dit qu’il le ferait ».
Dans les trois dossiers où Netanyahu est soupçonné d’activités illégales, c’est l’Affaire 4000 qui est considérée comme la plus grave par le bureau du procureur de l’Etat, selon les chaînes de télévision israélienne.
Dans ce dossier, Netanyahu est soupçonné d’avoir fait avancer des décisions de régulation lorsqu’il était ministre des Communications et Premier ministre – de 2015 à 2017 – au bénéfice de Shaul Elovitch, actionnaire majoritaire de Bezeq, l’entreprise de télécommunications la plus importante du pays, en échange d’une couverture positive sur le site d’information Walla, propriété d’Elovitch.
Dans l’Affaire 1000, Netanyahu est soupçonné d’avoir reçu des cadeaux illicites de la part de bienfaiteurs milliardaires, notamment des cigares et du champagne pour un montant de plusieurs centaines de milliers de shekels de la part du producteur de Hollywood Arnon Milchan, né en Israël, en échange de services variés.
L’Affaire 2000 implique un accord de compromis présumé passé entre Netanyahu et le directeur de la publication du journal Yedioth Ahronoth, Arnon Mozes, qui aurait vu le Premier ministre affaiblir un quotidien rival, Israel Hayom, propriété de Sheldon Adelson, en échange d’une couverture médiatique plus favorable.
Les dossiers sont dorénavant entre les mains du procureur général Avichai Mandelblit, qui devra prendre la décision finale d’une éventuelle inculpation du Premier ministre.
Des informations parues dans les médias jeudi affirment que Netanyahu n’a pas l’intention de démissionner de ses fonctions dans le cas d’une inculpation du procureur général – qu’elle survienne avant ou après le prochain scrutin – ni même durant un procès dans lequel il se trouverait placé sur le banc des accusés.
Le Premier ministre aurait indiqué à des proches conseillers, ces dernières jours, qu’il pense que Mandelblit « n’osera pas » l’inculper avant les élections législatives du 9 avril, a fait savoir le quotidien Israel Hayom.