Baharav-Miara : Ben Gvir doit prendre une nouvelle décision concernant Amichaï Eshed
La procureure générale s'inquiète d'un "lien de cause à effet" entre les critiques du ministre sur la gestion des manifestations anti-réforme par Eshed et la décision de le limoger

La procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré lundi que le gouvernement devait prendre une nouvelle décision sur le sort du haut fonctionnaire de police Amichaï Eshed, concluant que la récente décision de le démettre de ses fonctions de chef de la police du district de Tel Aviv soulevait d’importantes difficultés juridiques.
Le ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, avait annoncé le mois dernier que, sur la recommandation du chef de la police Kobi Shabtaï, il transférait Eshed à un nouveau poste, après avoir critiqué sa gestion des manifestations de masse contre le projet de réforme du système judiciaire du gouvernement. Cette décision a été rapidement gelée par Baharav-Miara, qui s’est inquiétée de ses motivations politiques.
Dans une nouvelle déclaration publiée par le ministère de la Justice, Baharav-Miara a déclaré que la nouvelle décision devait être prise « après que l’officier a eu l’occasion d’exprimer sa position et après avoir examiné les considérations conformément aux procédures de la police et aux procédures pertinentes ».
Après avoir entendu les avis de ses conseillers, Ben Gvir, Shabtaï et d’autres professionnels, la procureure générale a conclu que la décision initiale « s’écartait des mesures usuelles ».
Elle a noté que le moment choisi par Ben Gvir pour agir, juste après qu’il a publiquement exprimé sa désapprobation à l’égard de la gestion des manifestations anti-gouvernement par Eshed, « soulève la question d’un lien de causalité » entre les deux.
« Ce comportement est susceptible d’avoir un effet dissuasif et de nuire aux opérations et à l’indépendance de la police, en particulier dans les contextes sensibles de la préservation de la liberté d’expression et de la protection des droits de l’Homme », a déclaré la procureure générale.

Shabtaï et Ben Gvir ont tous deux insisté sur le fait que l’éviction d’Eshed avait été décidée en amont. Mais Ben Gvir a également déclaré que sa décision d’agir maintenant était liée à la manière dont le chef de la police avait géré les manifestations à Tel Aviv, où les forces de l’ordre ont largement fait preuve de patience avec les manifestants, même lorsqu’ils bloquaient des routes et l’autoroute Ayalon.
Shabtaï a approuvé la rétrogradation d’Eshed, apparemment au vu des tensions de longue date avec l’officier supérieur, mais a admis plus tard que prendre cette mesure à ce moment-là avait été une erreur.
Au cours de son court mandat en tant que ministre de la Sécurité nationale, Ben Gvir s’est heurté à maintes reprises à la procureure générale et à la police, critiquant souvent les forces de l’ordre pour ne pas avoir, selon lui, adopté une position plus sévère à l’égard des manifestants.
Ben Gvir insiste sur le fait qu’il soutient le droit de manifester, mais pas de bloquer les routes principales et de perturber la vie quotidienne dans le pays. En tant que militant bien connu, Ben Gvir affirmait que bloquer les routes était normal en démocratie.
En février, il a critiqué les policiers qui n’avaient pas fait usage de la force pour disperser les manifestants anti-gouvernement à Jérusalem. Le mois précédent, il avait exhorté la police à réprimer les manifestants qui bloquent les routes, à utiliser des canons à eau pour les disperser et à les arrêter plus librement.

Eshed était en congés lors de la grande manifestation du 1er mars à Tel Aviv – lorsque la police a utilisé des grenades incapacitantes et des canons à eau contre les manifestants, faisant plusieurs blessés. Son adjoint avait supervisé ces rassemblements, et le comportement de la police a ensuite été salué par Ben Gvir pour la sévérité de sa réaction face à l’indiscipline.
Israël est secoué par des manifestations de masse depuis le début du mois de janvier, lorsque le gouvernement a dévoilé ses projets de grande envergure visant à remanier le système judiciaire. Les manifestants ont averti que ces propositions affaibliraient radicalement le caractère démocratique d’Israël, supprimeraient un élément clé de son équilibre des pouvoirs et laisseraient les minorités sans protection. Ses partisans assurent qu’il s’agit d’une réforme indispensable pour mettre un frein à l’activisme de la Cour.
Le président Isaac Herzog organise actuellement des discussions entre la coalition et les partis d’opposition Yesh Atid et HaMahane HaMamlahti afin de parvenir à un accord sur la réforme, après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a suspendu le processus législatif de la réforme à la fin du mois dernier, suite à sa décision, depuis annulée, de limoger le ministre de la Défense Yoav Gallant, qui avait déclenché d’importantes protestations et une grève générale.