Ben Gvir parle de « désastre » en cas d’accord sur les otages
Le ministre d'extrême droite dit que la libération du chef du Hamas Sinwar, dans le cadre de l'affaire Gilad Shalit en 2011, est l'exemple d'un échange de prisonniers qui a mal tourné
Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, s’est élevé contre la perspective d’un accord pour échanger les otages détenus par le Hamas à Gaza contre des prisonniers palestiniens détenus en Israël, disant que tout accord de ce type serait un vrai « désastre ».
A l’antenne de la Quatorzième chaine, mardi, le ministre, à la tête du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, a commenté les informations selon lesquelles Israël serait sur le point de conclure un accord pour assurer la libération d’une cinquantaine de personnes – très probablement des femmes et leurs enfants –, détenues depuis plus de six semaines avec quelque 190 autres personnes.
« Je suis très contrarié qu’on parle d’un accord », a déclaré à l’antenne Ben Gvir, qui est ministre de la Sécurité nationale. « Je suis préoccupé parce qu’une fois de plus, nous sommes divisés et une fois de plus, on ne nous dit pas la vérité. Et une fois de plus, on nous met de côté. Les rumeurs disent que l’État d’Israël va une fois de plus commettre une très, très grosse erreur du même ordre que l’accord Shalit. »
« Vous vous rappelez que que nous avons laissé sortir Yahya Sinwar et ses amis contre Gilad Shalit et que cela nous a attiré tous ces ennuis », a ajouté Ben Gvir.
L’accord auquel Ben Gvir fait référence, conclu en 2011, a permis à Israël de faire libérer Gilad Shalit, capturé par le Hamas en 2006 alors qu’il se battait dans les rangs de l’armée israélienne, en échange de la libération de 1 027 prisonniers de sécurité.
Parmi les personnes libérées dans le cadre de cet accord figuraient d’éminents membres du Hamas, comme Husam Badran, qui est aujourd’hui le porte-parole du groupe terroriste au Qatar, et Yahya Sinwar, qui dirige le Hamas depuis la bande de Gaza. Sinwar est considéré comme l’un des principaux cerveaux de l’attaque du 7 octobre dernier, dans le sud d’Israël, au cours de laquelle au moins 1 200 personnes ont été tuées et quelque 240, enlevées.
Quatre de ces otages ont depuis été libérés par le Hamas, et une autre, Ori Megidish, a été secourue par l’armée israélienne. Deux autres otages ont été tués par le Hamas dans Gaza et leurs corps ont été récupérés par l’armée israélienne dans le cadre de l’offensive terrestre toujours en cours.
Bien que les détails de ce possible accord sur les otages ne soient pas connus, certaines informations font état d’un cessez-le-feu temporaire concédé par Israël en échange de la libération de femmes et d’enfants, d’autres de la libération d’un petit nombre de prisonniers palestiniens, probablement des femmes et des mineurs.
Lundi, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby, a confirmé que « nous sommes plus proches que jamais » de conclure l’accord. Un responsable israélien a corroboré cette information à l’antenne de la Douzième chaîne, mardi matin.
Après avoir déclaré à la Douzième chaîne que ce possible accord « nous mènera tout droit au désastre », Ben Gvir a critiqué le gouvernement de guerre israélien, composé du Premier ministre Benjamin Netanyahu, du ministre de la Défense Yoav Gallant et du ministre sans portefeuille Benny Gantz, qui n’a rejoint le gouvernement que pour le temps de la guerre et du député Gadi Eisenkot, en qualité d’observateur.
« Il y a autre chose : c’est ce qui guide le gouvernement de guerre… on a parlé d’un accord portant sur 80 [otages], puis 70 et enfin 50 », a déclaré Ben Gvir. « Ils ont dit qu’ils ne laisseraient pas entrer de vivres, ensuite qu’ils ne laisseraient pas entrer de carburant, et maintenant ils ont du carburant. »
Ben Gvir a également critiqué la décision du gouvernement de guerre, prise la semaine dernière, d’autoriser des livraisons limitées mais régulières de carburant dans la bande de Gaza, et ce, pour la première fois depuis le 7 octobre.
« Je me demande comment nous pouvons autoriser une chose pareille. Comment pouvez-vous envoyer une goutte d’essence là-bas quand vous savez que la Croix-Rouge n’est pas autorisée à voir les bébés, les enfants, les femmes ? C’est stupide ! C’est délirant ! Hélas, Gantz et Eisenkot mènent le gouvernement de guerre sur la mauvaise pente », a-t-il conclu.
Depuis la formation du gouvernement de guerre, Ben Gvir et son allié d’extrême droite, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, demandent que des ministres de la coalition en fassent également partie.
Lundi, Smotrich, ministre des Finances et ministre délégué au sein du ministère de la Défense, a exigé que le gouvernement de guerre laisse entrer des politiciens « qui s’époumonent depuis des années contre cette idée, qui exigent l’élimination du Hamas et la conquête de la bande de Gaza, afin d’éliminer cette menace pour l’État d’Israël ».
Des proches des otages se sont exprimés contre les tentatives des ministres d’extrême droite de faire adopter des mesures qui, selon eux, pourraient nuire à leurs proches à Gaza.
Lundi, plusieurs de ces proches ont assisté à une session de la Commission de la sécurité intérieure de la Knesset au cours de laquelle ils ont demandé à Ben Gvir de renoncer à son projet de loi rendant les terroristes passibles de la peine de mort.
La peine de mort n’a été employée qu’à deux reprises dans l’histoire de l’État juif, la dernière fois à l’encontre de l’architecte de la Shoah, Adolf Eichmann, en 1962.
Lors de l’audience de la commission, Gil Dickmann, un cousin de Carmel Gat, otage du Hamas depuis le 7 octobre dernier, a demandé à Ben Gvir, dont le parti Otzma Yehudit est à l’origine de ce projet de loi, d’y renoncer, de crainte que les otages n’en paient les conséquences.
« Je vous l’ai déjà demandé la semaine dernière : je vous ai supplié d’arrêter. Je vous ai supplié de ne pas nous instrumentaliser, nous et notre souffrance », a déclaré Dickman en larmes. « Si vous nous voyez, s’il vous plaît, retirez cela de l’ordre du jour. »
Jeremy Sharon a contribué à cet article.