BNVCA : La République debout face à l’antisémitisme et au terrorisme
Retour sur le colloque récemment organisé par le Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme qui a rassemblé de multiples figures autour de trois tables rondes
Le colloque du Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme (BNVCA) a réuni le 22 octobre dernier, experts, intellectuels, témoins et représentants des institutions juives de France à l’Assemblée nationale à Paris autour du thème « la République face à l’antisémitisme et au terrorisme ».
Le président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) Roger Cukierman, intervenant en fin de journée, rappelle en premier lieu la législation française protectrice « unique au monde » et « l’environnement amical » faisant référence aux prises de position favorables à la défense de la communauté juive du chef de l’État français et de son gouvernement.
Malgré ces « aspects positifs » Cukierman dénonce le nombre des actes antisémites répertoriés sur le territoire français, soulignant qu’il s’agit de la moitié des actes racistes commis en France alors que la communauté juive représente à peine 1 % de la population.
Pour Waleed Al-Husseini, bloggeur palestinien de 26 ans torturé pour avoir renoncé à la religion musulmane, réfugié politique vivant en France et fondateur du Conseil des Ex-Musulmans de France (CEMF), « l’antisémitisme est présent dans la culture musulmane en France » et « la cause palestinienne sert d’alibi à l’antisémitisme culturel ».
C’est également la thèse des avocats qui se battent contre le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Pour Pascal Markowicz, président du Comité Français de l’Association Internationale des Juristes et Avocats Juifs, les campagnes BDS ne servent pas la paix mais plutôt à nier l’existence d’Israël.
Marc Bensimhon, avocat du BNVCA, précise en parlant du mouvement BDS : « on nous rétorque systématiquement, et ils ont raison, que la liberté d’expression est une règle essentielle de la constitution française, c’est exact, mais heureusement lorsque cette liberté d’expression provoque la haine raciale alors on a le droit de stopper cette liberté ». Il ajoute que la critique d’Israël ou de son gouvernement ne pose pas en revanche de problèmes et que cette critique existe d’ailleurs même en interne.
Maître Bensimhon a fait également lecture d’un arrêt très récent de la Cour de Cassation qui lui donne raison face au mouvement BDS.
Cet arrêt rendu le 20 octobre dernier vient confirmer une précédente décision de la Cour d’appel de Colmar, estimant que « la provocation à la discrimination ne saurait entrer dans le droit à la liberté d’opinion et d’expression dès lors qu’elle constitue un acte positif de rejet se manifestant par l’incitation à opérer une différence de traitement à l’égard d’une catégorie de personnes, en l’espèce les producteurs de biens installés en Israël ».
Les juges ajoutent que : « La liberté d’expression proclamée par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme est soumise à des restrictions ou sanctions qui constituent comme en l’espèce des mesures nécessaires dans une société démocratique à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui »
Si les intervenants conviennent aujourd’hui de la convergence entre l’antisémitisme et l’antisionisme, Gideon Kouts, journaliste israélien et correspondant en France, estime nécessaire de préciser avec une pointe d’humour : « si la définition de l’antisionisme c’est la critique de l’Etat d’Israël, alors je suis très souvent un antisioniste. » et d’ajouter qu’il se considère lui-même sioniste.
Une menace terroriste forte qui exige une réponse ferme
Cukierman dénonce le Djihad et les « fanatiques, fous de dieu » dont « les musulmans sont les premières victimes en nombre c’est incontestable et les juifs sont une cible privilégiée puis ensuite les journalistes, les militaires etc. »
Pour Xavier Raufer, criminologue et directeur des études au Département de Recherches sur les Menaces Criminelles Contemporaines à l’Université Paris II, ce qui est compliqué c’est d’identifier qui va passer à l’acte et quand.
Nicolas Comte, secrétaire générale du SGP-FO (syndicat majoritaire de la police), dont l’avis est largement diffusé dans les médias français, s’aligne sur la position du criminologue.
Raufer estime que jusqu’à présent en France, ceux qui ont tué, étaient « plus de la catégorie des petits voyous que des grands seigneurs du salafisme ». « Ce sont les refoulés, les recalés du djihad. » dit-il, ce qui les rend en conséquence plus difficile à reconnaître.
Waleed Al-Husseini aussi constate que l’islamisme est très présent en France, « ce qui est très inquiétant c’est qu’il attire les jeunes » dit-il, Internet étant une voie de diffusion privilégiée.
François Pupponi, député-maire PS de Sarcelles explique qu’il peut voir sur le terrain ceux qui « sont en train de basculer » mais il déplore ne pas avoir « les outils nécessaires pour empêcher que ces gens basculent ».
Pour Comte, « la République aurait tout à gagner à prendre des mesures fortes », même s’il s’agit de mesures temporaires, précise-t-il.
Il estime en effet qu’il vaut mieux prendre ces mesures maintenant plutôt que de répondre dans l’urgence avec des actes qui pourraient être attentatoires aux libertés. Il ajoute « ce qui nous menace le plus ce sont les actes terroristes et non les lois qui nous en protègent. »
Albert Chenouf Meyer, père d’Abel, soldat français assassiné par Mohamed Merah, estime que la France se doit d’être ferme avec « ces gens-là » c’est à dire « les deux pourcent qui gangrènent la religion musulmane ». Pour lui le « vivre ensemble » sonne comme une phrase creuse. « Vivre ensemble, oui mais avec qui ? Les musulmans ? Oui, bien sûr (…) mais avec les islamos-nazistes, autant mettre un loup avec des agneaux. »
C’est aussi la pensée de Boualem Sansal, écrivain algérien dont le dernier livre « 2084 la fin du monde » est paru fin août et à qui il a été remis lors de la clôture du colloque, le prix « liberté de conscience » pour l’ensemble de son œuvre. Il craint que la France ne suive le chemin de l’Algérie, « l’islamisme a détruit l’Algérie et nos valeurs » dit-il. Il se décrit « islamistophobe » faisant bien la différence avec islamophobe. Pour lui, il faut « sortir de l’esprit de la résistance et rentrer dans l’esprit de combat ».
Il craint que la France ne suive le chemin de l’Algérie, « l’islamisme a détruit l’Algérie et nos valeurs » dit-il. Il se décrit « islamistophobe » faisant bien la différence avec islamophobe. Pour lui, il faut « sortir de l’esprit de la résistance et rentrer dans l’esprit de combat ».
Latifa Ibn Ziaten, mère d’Imad, premier soldat français abattu par Merah, apporte également son témoignage. Elle raconte ce qu’elle voit sur le terrain et notamment l’étape de la prison à l’adolescence comme escalade qui mène à la haine et la perte d’espoir.
Sa description des prisons françaises est sans appel, outre les conditions sanitaires désastreuses, elle déplore le manque de règles. Chacun fait ce qu’il veut « c’est la jungle » dit-elle.
Elle se dit fière d’être musulmane, vivant dans le respect et la tolérance. Elle précise aussi qu’elle n’est « pas là pour défendre les musulmans ».
Elle insiste sur la nécessité d’un travail de fond, d’éducation, sur le terrain. « On est tous des Français, j’aime ce pays, je tends la main aux autres car je ne veux pas d’autres Merah ».
Garder espoir malgré tout
Haïm Korsia, Grand Rabbin de France résume les choses ainsi « une fois qu’on a fait preuve de fermeté on peut ensuite entrer dans une logique éducative ». Il rappelle que peu importe le nombre « chaque acte antisémite est inacceptable ».
Pour lui, le gouvernement français a pris des mesures importantes en terme de sécurité notamment devant les synagogues et les établissements scolaires juifs.
« C’est formidable » dit-il, « c’est formidable parce s’il n’y avait pas [cette protection] les gens diraient que c’est inadmissible. » Pourtant il met en garde : « on ne doit jamais s’habituer au fait que ce soit la norme, il faut toujours garder une partie de notre esprit qui nous murmure à l’oreille, viendra un jour où ça devra disparaître. »
« On doit vivre avec ce que le temps nous impose mais on doit toujours garder à l’esprit que nous sommes entrain de construire le monde futur, » ajoute-t-il.
Le secrétaire général du syndicat policier rappelle en tout état de cause qu’aucune mesure ne garantira une protection à cent pourcent et qu’il est impossible de surveiller tout le monde tout le temps, « on ne peut pas bâtir des murs dans les rues, devant les cinémas etc. » dit-il.
Joël Mergui, président du Consistoire, qui a pris la parole en toute fin de conférence s’est interrogé en conclusion sur l’avenir des juifs en France. Pour lui la réponse est claire.
« On doit vivre en tant que juif là où on est comme si on n’allait jamais partir et être toujours prêt à partir ».
La conférence a débuté et s’est achevée avec le souvenir de Raphaël Drai, penseur et professeur de droit, décédé en juillet 2015, décrit par son fils comme éternel défenseur de la cause juive. En ouverture une minute de silence à sa mémoire et en clôture, la remise à titre posthume du prix BNVCA pour l’ensemble de son œuvre, son engagement et son action.
Pour lire l’interview de Sammy Ghozlan, responsable du BNVCA, cliquez ici.
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