Campagne de sensibilisation pour les victimes de féminicide tuées en 2024
Le nombre de femmes tuées reste stable ; la communauté arabe paie un tribut important mais selon la responsable de l'Observatoire des féminicides, l'éducation peut changer les choses
Alors que les Juifs israéliens allument en ce moment des bougies pour Hanoukka, une organisation qui se consacre à la lutte contre les meurtres de femmes parce qu’elles sont nées femmes a demandé aux Israéliens de garder dans leurs pensées les 22 victimes de féminicide de cette année.
L’Observatoire israélien des féminicides, une organisation qui lutte contre l’assassinat des femmes en raison de leur appartenance à leur sexe, a lancé une campagne sur les réseaux sociaux à l’occasion de la fête, une campagne intitulée : « Sa lumière a été éteinte ». Objectif : profiter des célébrations pour sensibiliser le public au fléau que représentent les féminicides.
La professeure Shalva Weil, directrice de l’Observatoire et chercheuse à l’Université hébraïque de Jérusalem, a annoncé le lancement de cette campagne mercredi dernier, lors de la première nuit de Hanoukka.
« Les gens allument des bougies pour Hanoukka et nous voulons faire prendre conscience de la façon dont les lumières de ces victimes ont été éteintes pour toujours », dit Weil au Times of Israel. « Chaque soir de Hanoukka, lorsque nous allumons une nouvelle bougie, nous encourageons les gens à penser à l’une des victimes. Nous mettons l’accent sur les victimes des populations juive, musulmane, druze et chrétienne d’Israël ».
Selon les données de fin d’année que l’Observatoire s’apprête à publier, 22 femmes ont été victimes de féminicide en 2024, ce qui correspond aux chiffres de l’année précédente. Dix-neuf autres femmes ont été tuées suite à des violences – même si ces cas ne sont pas considérés comme des féminicides.
« Ces crimes odieux que sont les féminicides se poursuivent sans relâche et c’est le cas parmi les Juifs et parmi les Arabes israéliens », constate Weil.
Le rapport établi par l’Observatoire révèle que dix féminicides, cette année, ont eu lieu dans la communauté arabophone – y compris druze – « ce qui est une représentation disproportionnée compte-tenu du fait qu’ils ne constituent que 21 % de la population ».
Dix victimes étaient juives et deux étaient des ressortissantes en provenance de l’étranger. Dans tous les cas – à l’exception des étrangères – le tueur était issu de la même communauté ethnique que sa victime, ce qui correspond aux données qui avaient été enregistrées les années précédentes, note l’Observatoire.
Les féminicides comprennent les crimes dits d’honneur, où des femmes sont assassinées par un membre de leur famille en raison de désaccords sur leur mode de vie, ainsi que d’autres formes de violences conjugales ou sexistes.
Selon l’Observatoire, 55 % des meurtriers présumés étaient les maris ou les partenaires de leur victime. Dans d’autres cas, les agresseurs étaient des membres de la famille, tels que des frères ou des fils, même si le rapport note que dans 54,6 % des cas, aucun suspect n’a été publiquement désigné, soit en raison d’un embargo, soit parce que leur identité n’a pas encore été déterminée. Des accusations ont été portées ou des aveux ont été obtenus dans 45,4 % des cas restants.
Dans certains cas, des signes de violence sur le corps de la victime, y compris des signes d’agression sexuelle, peuvent permettre de déterminer qu’une femme a été victime d’un féminicide, même en l’absence de suspect.
Le rapport indique que seulement 20 % des victimes avaient déjà demandé de l’aide aux autorités.
« Peu de victimes de violences font confiance à la police, qui n’est pas très efficace pour résoudre ces crimes », déplore Weil auprès du Times of Israel.
Selon le rapport, la police est beaucoup plus susceptible de mettre en examen un suspect si la victime était une femme juive, en comparaison avec une victime issue de la communauté arabe israélienne. Sur les 41 cas au total où des femmes ont été assassinées en 2024, des Arabes n’ont été inculpés que dans 17 % des cas, contre 56 % de suspects juifs.
L’Observatoire fait remarquer que les meurtres sont souvent atroces – près de la moitié des femmes étant tuées à l’arme blanche. D’autres ont été étranglées, frappées avec un marteau, brûlées ou écrasées par une voiture. Trois ont été victimes de coups de feu. Dans la majorité des cas, la victime a été retrouvée avec des signes évidents de violence sur le corps.
Travail d’éducation
Depuis sa création en 2020, l’Observatoire, un groupe de veille indépendant qui s’appuie sur des bénévoles et qui travaille grâce à des dons, publie des rapports annuels sur les violences faites aux femmes en trois langues : en hébreu, en arabe et en anglais. Au cours de cette période, le nombre de féminicides recensés par le groupe est resté stable – avec 20 et 22 victimes par an, à l’exception de l’année 2021 où ce nombre avait chuté à 16.
Néanmoins, Weil affirme qu’il est possible de mettre un terme aux violences conjugales et même aux féminicides. Elle cite l’exemple de la communauté éthiopienne qui, il y a moins de vingt ans, représentait un tiers de tous les cas de féminicides en Israël, rappelle-t-elle.
Pourtant, après que le groupe et les autorités ont travaillé avec les kesim, les chefs religieux éthiopiens traditionnels, après qu’ils se sont engagés auprès des travailleurs sociaux et après avoir sensibilisé et éduqué la communauté, il n’y a pas eu de féminicides dans cette catégorie de la population au cours des deux dernières années.
Un cas d’étude qui montre que « la plus grande partie des féminicides peuvent être évités », affirme Weil, en faisant la promotion de programmes adaptés aux défis soulevés par chaque communauté ethnique. Elle suggère que les russophones puissent être sensibilisés à la manière dont la consommation d’alcool peut conduire à la violence, et elle exhorte les autorités religieuses de la communauté arabe à s’élever contre les violences conjugales et contre les crimes dits d’honneur.
« La sensibilisation au féminicide s’est renforcée cette année, et c’est très positif, » commente Weil. « Toutefois, le nombre de féminicides en Israël est resté constant par rapport à l’année dernière ».
« Bien sûr, même un seul féminicide est un féminicide de trop », ajoute-t-elle.
Les données qui ont été publiées au mois de novembre par le ministère des Affaires sociales font état d’une diminution globale des cas de violences conjugales signalés en 2024, ce qui s’inscrit dans le cadre d’une première baisse enregistrée depuis que la guerre a éclaté, le 7 octobre 2023.
Mais les autorités soulignent qu’il ne s’agit par pour autant d’une amélioration de la situation.
Les responsables du ministère des Affaires sociales ont indiqué qu’ils prévoyaient que le nombre de femmes cherchant de l’aide face à des violences conjugales allait augmenter une fois que la guerre sera finie – et qu’il manquera de la place dans les structures susceptibles de les accueillir. En prévision de cette augmentation, le ministère a mis plus de chambres à disposition dans les centres d’accueil du pays.