« C’est une période bénie pour l’antisémitisme », déplore Raphaël Enthoven
Le philosophe accuse La France insoumise d'être "le premier parti antisémite de France" et rejette l'emploi du mot "génocide", qui "n'a strictement aucun sens" au vu de la situation

Le philosophe et écivain juif Raphaël Enthoven était l’invité, vendredi 4 octobre 2024, de BFMTV pour parler de la situation au Proche-Orient, de la forte hausse de l’antisémitisme en France depuis le 7 octobre et de son livre, publié quelques mois après le pogrom perpétré par les terroristes du Hamas dans le sud d’Israël l’année dernière et intitulé « Lettre à un ami arabe », dont il fera la lecture à la Scène Libre à Paris, les 7, 14 et 21 octobre prochains.
Interrogé sur l’augmentation inquiétante des actes antisémites en France – qui ont triplé en un an selon le ministère de l’Intérieur -, Enthoven explique que « c’est une période bénie pour l’antisémitisme ».
Rapprochant cette explosion de l’antisémitisme en France de la guerre entre le Hamas et Israël à Gaza, le philosophe explique que « ce que l’antisionisme apporte à l’antisémitisme, c’est une cause ».
« L’antisémitisme est une haine qui échoue à nommer son adversaire et qui bien souvent est une haine métaphysique. Les Nazis détestaient les Juifs pour ce qu’ils étaient. L’antisionisme se pique de détester les Juifs pour ce qu’ils font », développe-t-il.
Derrière l’explosion de l’antisémitisme en France, « il y a une vieille passion qui trouve avec le conflit israélo-palestinien une occasion qui se voit doper aujourd’hui par une cause nouvelle, » poursuit-il.
Interrogé sur le rôle du parti d’extrême-gauche La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, dont plusieurs membres sont régulièrement accusés d’antisémitisme, Raphaël Enthoven affirme que « la France insoumise est devenue depuis le 7 octobre le premier parti antisémite de France, qui s’abrite derrière le fait qu’ils n’ont pas été condamnés pour antisémitisme. Cet argument n’a aucun sens. Dire que l’antisémitisme pour être reconnu doit être condamné par la loi est absurde dans la mesure où eux-mêmes sont les premiers à accuser de racisme ou de harcèlement quiconque les attaque ».
« Il existe mille façons d’être antisémite à l’abri de la loi. Quand vous diffusez une photo de Meyer Habib sous l’image d’une pizza ‘pierre à four’, vous diffusez une image antisémite », fait-il valoir.
Raphaël Enthoven fait ici référence à la polémique soulevée après la diffusion par le député insoumis Sébastien Delogu d’une vidéo dans laquelle l’ex-député des Français de l’étranger Meyer Habib est représenté sous les traits d’un monstre tentaculaire qui est éliminé par l’activiste pro-palestinienne Rima Hassan au moyen d’une pizza surgelée « pierre à four ». De très nombreux internautes y ont vu une référence aux fours crématoires utilisés par les nazis pour tuer les juifs pendant la Shoah. Raphaël Enthoven avait à l’époque qualifié la vidéo de « dogwhistle soralien », en référence à l’extrémiste Alain Soral.
Quand on traite un juif de "sioniste" parce qu'il est juif et non parce qu'il est sioniste,
quand on dit à un Français juif agressé qu'il a "toute sa place en France", comme si ça n'allait pas de soi,
quand on répand la fable antisémite des Juifs "empoisonneurs de puits",…— Raphaël Enthoven (@Enthoven_R) June 29, 2024
Le philosophe poursuit la liste de ses exemples en accusant notamment le député insoumis David Guiraud d’avoir utilisé l’image des « dragons célestes », qu’il décrit à son tour comme une « métaphore soralienne ». L’image tirée du célèbre manga japonais One Piece a été détournée par les cercles antisémites ces dernières années : dans le récit, les « dragons célestes » sont une caste extrêmement puissante qui jouit de privilèges sans limite, une métaphore qui s’inscrit dans la continuité d’une conception antisémite selon laquelle les Juifs contrôleraient les différents leviers de pouvoir.
« La France insoumise, pendant un an, a repris la rhétorique du Hamas, a diffusé les éléments de langage et les fake news du Hamas, ils font la même chose aujourd’hui avec le Hezbollah », ajoute Enthoven. « Ça fait un an que le 7 octobre a eu lieu, la France insoumise n’a toujours pas employé le mot de ‘terrorisme’. Le lendemain de l’explosion des bipeurs du Hezbollah, Jean-Luc Mélenchon parlait d’une ‘attaque terroriste’ ».

Le leader insoumis avait en effet parlé sur X d’une « invasion du Liban » par l’armée israélienne, sans évoquer le Hezbollah. Plus récemment, il a rejeté la responsabilité de l’attaque de l’Iran contre Israël – qu’il n’a par ailleurs pas condamnée – sur Benjamin Netanyahu, indiquant que c’est lui qui « entre en guerre avec l’Iran ».
Mélenchon a enfin dit samedi que « c’est une hypocrisie totale », « de dire que le Hezbollah pose un problème ».
Catastrophe. L'invasion du Liban est commencée. Le Liban a le droit de se défendre contre Netanyahu. Et les pays soutiens du droit international doivent lui en donner les moyens comme aux Ukrainiens. Solidarité et fraternité avec les Libanais.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) September 30, 2024
Face à Raphaël Enthoven, le journaliste Yves Théard demande au philosophe ce qu’il pense du fait que l’armée israélienne soit « accusée par certains de génocide » et à ce dernier de répondre : « L’emploi de ce mot n’a strictement aucun sens ».
« Il n’y a pas de génocide en Palestine, il n’y a jamais eu de génocide palestinien. [Ce mot] s’applique inadéquatement à une population qui a triplé en plus de vingt ans, et pour parler en plus de bombardements ciblés qui font des victimes collatérales sur des zones où les terroristes se cachent derrière des boucliers humains », explique-t-il.

« Aucune instance internationale ne statue sur un tel mot », dit-il avant de conclure : « L’emploi du mot de ‘génocide’, qui a une visée politique très précise, qui consiste à délégitimer l’État d’Israël, et d’une certaine manière à autoriser qu’on souhaite qu’il disparaisse, l’emploi de ce mot a pour effet d’empêcher toute solidarité [avec Israël] ».