Cinq personnes arrêtées pour avoir craché sur des chrétiens à Jérusalem
Selon Itamar Ben Gvir, les attaques sont répréhensibles mais "tout ne justifie pas une arrestation" ; et selon Simcha Rothman, "la police a exagéré les choses"
La police a arrêté mercredi cinq juifs orthodoxes soupçonnés d’avoir craché sur des fidèles chrétiens dans la Vieille Ville de Jérusalem, dans un contexte de multiplication des incidents visant les prêtres et les pèlerins dans la capitale.
Parallèlement, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, s’est exprimé lors d’une interview accordée à la radio de l’armée. « Je continue de penser que cracher sur des chrétiens n’est pas un acte criminel. Je pense que nous devons agir par l’instruction et l’éducation. Tout ne justifie pas une arrestation. »
« Cela mérite toutes les condamnations. Il faut y mettre un terme. J’ai demandé au rabbin Dov Lior, il a dit que c’était immoral et mauvais. Nous sommes contre. Mais arrêtons de calomnier Israël. Nous sommes tous des frères, nous sommes tous du même peuple », a-t-il ajouté.
Avant d’entrer en politique, Ben Gvir avait justifié par le passé les crachats à l’encontre des chrétiens en les qualifiant « d’ancienne coutume juive ».
Lors d’un incident largement condamné, plusieurs personnes, dont des enfants, ont été filmées lundi en train de cracher sur des pèlerins chrétiens.
La police a déclaré que l’une des personnes arrêtées faisait partie de celles qui avaient été filmées en train de cracher lundi.
Les quatre autres personnes, dont un mineur, ont été vues et filmées en train de cracher sur des fidèles chrétiens lors de nouveaux incidents survenus au cours d’une procession orthodoxe dans la Vieille Ville mercredi et ont été arrêtées sur place.
La police a déclaré qu’elle avait l’intention de les mettre en examen pour agression. Les médias israéliens ont fait remarquer que, par le passé, il avait été difficile de faire condamner les personnes qui crachaient, car cet acte ne répondait pas aux critères de violence requis pour les agressions.
La Douzième chaîne a indiqué que certaines des personnes arrêtées étaient des étudiants du rabbin Natan Rothman, le frère du député Simcha Rothman (HaTzionout HaDatit). Les deux Rothman ont participé à la procession dans la Vieille Ville mais n’ont pas été impliqués dans l’incident.
Le député Rothman, qui a été l’un des architectes principaux de la refonte du système judiciaire du gouvernement, a condamné les incidents liés aux crachats, mais il a également estimé que l’incident avait été « exagéré ».
שוטרי מחוז ירושלים עצרו חמישה חשודים ביריקה לעבר נוצרים/כניסה לכנסייה בעיר העתיקה בירושלים (בתיעוד: זיהוי ומעצר שניים מהחשודים הבוקר) pic.twitter.com/2b5yeAriCo
— משטרת ישראל (@IL_police) October 4, 2023
« Plus d’un millier de personnes ont défilé dans le calme et il est regrettable que des phénomènes qui méritent d’être condamnés soient exagérés et relayés par la police », a-t-il déclaré au site d’information Ynet.
« J’ai marché là pendant deux heures et j’ai vu des hommes et des femmes, des Arabes, des chrétiens, des touristes, vêtus ou non conformément à la tsniout [règles vestimentaires de la loi juive orthodoxe] passer à travers la foule et personne ne les a touchés, personne ne les a dérangés. »
« Bien joué. Il y a eu 18 cas de perturbation du culte à Yom Kippour. J’attends les arrestations », a-t-il ajouté avec ironie dans un message écrit sur X – anciennement Twitter – adressé à la police.
Ces arrestations interviennent après que le chef de la police de Jérusalem, Doron Turgeman, a mis en place une brigade d’enquête spéciale pour « traiter les incidents de crachats et les actes de haine à l’encontre des chrétiens dans la Vieille Ville ».
Turgeman a ordonné une augmentation des activités policières ouvertes et sous couverture dans la zone.
L’agression a été largement condamnée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et les autorités israéliennes, y compris par des hommes politiques de la communauté haredit, qui ont rejeté l’idée que cracher puisse être une tradition juive ou un impératif religieux.
Toutefois, la radio de l’armée a révélé mercredi que la croyance laissant entendre que les Juifs seraient obligés de cracher sur les chrétiens était largement répandue dans la Vieille Ville, en particulier parmi les jeunes Juifs qui s’exprimaient ouvertement en faveur d’une telle action.
« Je suis favorable à ce que l’on crache sur chaque croix, sur chaque chrétien, pour les dégrader avec force. Ils avaient l’habitude de nous massacrer », a déclaré un homme à la radio. « Il est écrit dans la Torah que les enfants paient pour les péchés de leurs pères. »
« Nous sommes favorables à leur expulsion de nos régions, à leur cracher dessus et à les humilier, à tout ce que nous pouvons faire », a déclaré un autre homme.
« C’est ce qui est écrit : Quand vous voyez une croix ou un chrétien, crachez », a déclaré un adolescent.
Dans une vidéo mise en ligne par un journaliste du quotidien Haaretz, un groupe de chrétiens sort d’une église, portant une croix de bois, passant à côté d’un groupe de haredim qui se dirigent dans l’autre sens. Plusieurs Juifs crachent ensuite sur le sol en direction des chrétiens qui passent.
קבוצה של צליינים יוצאת עם הצלב לרחוב שער האריות ונתקלת בקבוצה של מתפללים יהודים עם 4 המינים ואז מתחילות היריקות. ספרתי לפחות 7 בכמה שניות. pic.twitter.com/YjqaknATLw
— نير حسون Nir Hasson ניר חסון (@nirhasson) October 2, 2023
Certaines des personnes figurant dans la vidéo semblent être des mineurs ultra-orthodoxes qui crachent sur les chrétiens après avoir vu un adulte faire de même.
La Vieille Ville de Jérusalem est particulièrement fréquentée cette semaine à l’occasion de la fête de Souccot. Des dizaines de milliers de fidèles juifs ont assisté à la bénédiction sacerdotale au mur Occidental lundi matin.
« Israël est totalement engagé dans la sauvegarde du droit sacré de culte et de pèlerinage sur les lieux saints, pour toutes les religions. Je condamne fermement toute tentative d’intimidation des fidèles et je m’engage à prendre des mesures immédiates et décisives à cet égard », a tweeté Netanyahu.
« Les comportements méprisants à l’égard des fidèles constituent un sacrilège et ils sont tout simplement inacceptables. Toute forme d’hostilité à l’égard des personnes engagées dans le culte ne sera pas tolérée », a-t-il ajouté.
Le grand rabbin ashkénaze David Lau s’est élevé contre ces incidents, déclarant que « de tels phénomènes sont injustifiés et ne devraient certainement pas être attribués à la loi juive orthodoxe [halakha] ».
Le ministre des Affaires religieuses, Michael Malkieli (Shas), a également déclaré que « ce n’est pas la voie de la Torah et aucun rabbin ne soutient ni ne légitime ce comportement répréhensible ».
Plusieurs responsables se sont inquiétés de ce que les crachats ne viennent nuire à la réputation d’Israël auprès des pèlerins, qui constituent une source majeure de tourisme.
Soulignant les tensions, plusieurs dizaines de manifestants juifs ont manifesté mardi devant le stade Pais Arena à Jérusalem, où l’ambassade chrétienne internationale de Jérusalem (ICEJ) organisait sa nuit israélienne dans le cadre de la fête annuelle des Tabernacles.
Les manifestants, pour la plupart des adolescents religieux, ont interpellé ceux qui entraient dans le stade, affirmant que l’ICEJ était une organisation missionnaire, et ils ont brandi une banderole sur laquelle était écrit : « Nous devons rester forts en tant que Juifs fiers. Fidèlement pour des générations ! »
Fleur Hassan-Nahoum, maire adjointe de Jérusalem, qui a mené des actions au sein du Conseil municipal pour lutter contre le harcèlement des chrétiens, a déclaré que la police commençait à prendre le problème au sérieux.
« Nous devrions avoir une tolérance zéro à l’égard de ces hooligans qui sont poussés par une éducation erronée et par la haine, et qui attaquent des fidèles pacifiques partout dans la ville », a-t-elle déclaré au Times of Israel. « Après des mois de lobbying, nous sommes heureux que la police prenne des mesures et arrête les responsables. »
Le gouvernement israélien met régulièrement l’accent sur la liberté de culte en Israël et présente l’État juif comme le seul foyer sûr pour les chrétiens dans un Moyen-Orient hostile.
L’image de la coexistence sûre généralement dépeinte par les responsables israéliens est en contradiction flagrante avec les expériences décrites par les dirigeants chrétiens de Jérusalem eux-mêmes. Tout en reconnaissant volontiers qu’il n’y a pas d’effort organisé ou gouvernemental livré directement à son encontre, le clergé chrétien de la Vieille Ville parle d’une atmosphère de harcèlement qui se détériore, de l’apathie des autorités et de la crainte croissante que les incidents de crachats et de vandalisme ne se transforment en violences contre leur personne.
Lazar Berman a contribué à cet article.