Cisjordanie : la police de l’AP interdit les activités d’un groupe LGBT
La police a menacé d'arrêter les membres d'al-Qaws et a appelé le public à la délation ; un groupe de défense des droits civiques accuse l'AP d'inciter à la violence
La police de l’Autorité palestinienne (AP) a interdit à un groupe palestinien de défense des droits des LGBT d’organiser des activités en Cisjordanie et a menacé de les arrêter, affirmant que ces activités sont contraires aux « valeurs de la société palestinienne ».
Dans un communiqué diffusé dimanche, Louay Arzeikat, porte-parole de la police, a déclaré que les évènements organisés par le groupe al-Qaws « vont à l’encontre des hauts principes et valeurs de la société palestinienne ».
Arzeikat a également accusé « les parties soupçonnées » de tenter de « semer la discorde et de miner la paix qui règne au sein de la société palestinienne », affirmant que la police poursuivrait les équipes d’al-Qaws et les traduirait en justice si elle parvenait à les interpeller.
Le porte-parole de la police palestinienne a également appelé les Palestiniens à signaler toute activité d’al-Qaws, et promis aux informateurs de garantir leur anonymat.
Al-Qaws, fondée en 2001, est une ONG qui vise à soutenir les Palestiniens et Arabes israéliens gays, homosexuels, bisexuels et transgenres. L’ONG possède des bureaux à Jérusalem-Est et à Haïfa, lit-on sur son site internet. La police de l’AP n’a pas accès à ces villes, en vertu des accords passés entre Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).
La déclaration de la police est survenue après qu’al-Qaws eut annoncé sur sa page Facebook qu’un rassemblement avait été organisé à Naplouse, le 4 août dernier, pour débattre du pluralisme du genre dans la ville.
Le groupe a également annoncé l’organisation d’un « queer camp » les 30 et 31 août, – le lieu sera annoncé ultérieurement.
Le programme de deux jours « offre un lieu de rencontre pour les gays, homosexuels, bisexuels et transgenres de Palestine, pour qu’ils apprennent les concepts de base du pluralisme du genre et explorent les différents aspects de notre sexualité humaine ».
Le groupe se dit être « au premier plan du changement social et culturel palestinien, construit les communautés LGBT et promeut de nouvelles idées à propos du rôle de la diversité du genre et du sexe dans l’activisme politique, les institutions sociétales, les médias et le quotidien ».
Si aucune loi de l’AP n’interdit l’homosexualité, la communauté LGBT palestinienne est assez clandestine, en raison de la répression familiale, religieuse et gouvernementale, a indiqué au Times of Israël une source informée sous couvert d’anonymat.
Dimanche soir, al-Qaws a condamné le communiqué de la police, qu’il a jugé « très malheureux », et exhorté les autorités à se familiariser avec son fonctionnement.
Le groupe a souligné que le communiqué de la police est survenu quelques heures après « une attaque inédite menée par des dizaines de personnes sur les réseaux sociaux d’al-Qaws, et incluant de violentes menaces ».
Le Times of Israël est parvenu, dimanche, à localiser certaines publications menaçantes proférées par des Palestiniens sur les pages d’al-Qaws sur les réseaux sociaux. Laith Itmaiza, qui travaillait comme journaliste pour Quds News Network, a écrit sur sa page Facebook, qu’il avait recensé 643 commentaires rédigés samedi soir en l’espace de trois heures, par des Palestiniens opposés à la communauté LGBT.
Haneen Maiki, directeur d’al-Qaws, a déclaré à la chaîne d’information Ultra-Palestine, qu’en dépit du communiqué de la police, le groupe « continuera à travailler à divers endroits de Palestine, tout en prenant en compte l’atmosphère chargée en raison des médias et de la provocation de la police, afin de ne pas mettre en danger nos militants et amis ».
Ahmad Harb, commissaire général de l’Independent Commission for Human Rights, a fustigé la police, appelant à une action vigilante.
« Le communiqué de la police palestinienne concernant l’interdiction du rassemblement des ‘gays’ et des militants de l’organisation al-Qaws et la menace de les poursuive, la demande de délation des « suspects » est très mauvaise », a écrit Harb sur sa page Facebook. « Cela revient à appeler à ‘la violence communautaire et à l’incitation au crime’. Nombreux sont ceux qui comprennent cette déclaration comme un appel à verser du sang et à faire justice en commettant des meurtres. »
« Ce n’est pas comme ça que l’on gère les choses. Ce n’est pas comme ça que la police protège ses citoyens », a-t-il ajouté.