Clinton à New York : les Palestiniens pourraient avoir un Etat depuis 15 ans
Les candidats démocrates se disputent sur les politiques du Moyen-Orient lors d’un débat des pré-primaires. Alors que l'ancienne secrétaire prend résolument une position pro-israélienne, Sanders adopte une approche impartiale

Les deux candidats démocrates aux présidentielles ont échangé des coups sur le Moyen-Orient, lors du débat sur CNN de jeudi soir, bien souvent animé à Brooklyn, quelques jours seulement avant que les électeurs ne se rendent aux urnes pour les primaires du dernier état disputé.
L’ancienne secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a accusé les Palestiniens de rejet systématique et a résolument soutenu le droit de l’Etat juif à se défendre contre les attaques palestiniennes, alors que le sénateur Bernie Sanders soutenait qu’être 100 % pro-Israël ne signifie pas pour autant oublier qu’il y a deux camps dans le conflit.
Alors qu’au cours de ces derniers jours précédant les primaires du 19 avril à New York, les candidats républicains ont ouvertement fait la cour aux électeurs juifs, Clinton et Sanders ont quant à eux effectué moins de voyages symboliques dans des yeshivas ou des usines de matzah. Au contraire, tous les deux se sont querellés au sujet de leurs politiques sur Israël.
Sanders, qui a été critiqué suite à une interview récente avec le New York Daily News, dans laquelle il suggérait que les morts de Palestiniens en Israël au cours de l’opération Bordure protectrice de 2014 excédaient les 10 000, multipliant par sept fois les chiffres, a répété son affirmation qu’Israël avait fait un usage de la force disproportionné en réponse aux attaques par roquettes palestiniennes.
« Bien sûr, Israël a le droit, non seulement de se défendre, mais également de vivre en paix et en sécurité », a-t-il dit. « Mais à Gaza, il y a eu 10 000 civils blessés et 1 500 tués. Est-ce que c’était une attaque disproportionnée ? La réponse c’est que je crois que oui. En tant que pro-Israélien à 100 %, sur le long terme, si nous voulons jamais amener la paix, nous allons devoir traiter les Palestiniens avec respect et dignité. »
Au même moment, sur son compte Twitter, il publiait un post déclarant « Nous devrions être préoccupés lorsque des innocents sont tués, n’importe où dans le monde. Cela inclut A LA FOIS Israël et la Palestine, pas juste l’un ou l’autre. »
We should be concerned when innocents are killed anywhere in the world. That includes BOTH Israel and Palestine, not just one or the other.
— Bernie Sanders (@BernieSanders) 15 avril 2016
Durant le débat, il a souligné la pression que le conflit a placé sur les civils palestiniens, décrivant des écoles et des installations médicales anéanties, ainsi qu’un taux de chômage de 40 % à Gaza.
Jeudi, Clinton n’a pas attaqué Sanders en particulier sur son estimation grandement inexacte des victimes palestiniennes.
En revanche, elle s’en est servi comme exemple de ce qu’elle a expliqué être un manque général de préparation à la présidence.
« Lorsqu’on lui demande des chiffres sur un problème de politique étrangère, il ne sait que répondre sur l’Afghanistan, sur Israël, sur le contre-terrorisme, sauf pour dire que s’il avait eu du papier devant lui, peut-être qu’alors il aurait pu », a déclaré Clinton. « Je pense que pour être président et commandant en chef, votre expertise doit être prête dès le premier jour. »
Sanders a à son tour attaqué Clinton pour son incapacité à répondre aux besoins du peuple palestinien durant son discours récent à l’AIPAC. Il a déclaré que les Etats-Unis devaient être prêts à critiquer Israël lorsqu’ils assistent à une réponse militaire surdimensionnée et, parfois, prendre la défense des Palestiniens.
« Le moment est venu où, si nous voulons la justice et la paix, nous allons devoir dire à Netanyahu qu’il n’a pas raison tout le temps », a-t-il dit.
« Vous avez parlé du Moyen-Orient et à peine mentionné les Palestiniens », s’est plaint Sanders, déclarant qu’il avait lu le discours de Clinton à l’AIPAC et qu’elle n’avait pas réussi à répondre aux besoins des Palestiniens.
Sanders n’a pas pris part à la conférence annuelle du lobby pro-Israël. A la place il a donné un discours à Salt Lake City, dans l’Utah, qui exposait dans les grandes lignes ses positions sur Israël.
« Je ne sais pas comment vous pouvez faire fonctionner un pays lorsque vous êtes sous menace permanente. Attentats terroristes, roquettes… vous avez le droit de vous défendre » – Hillary Clinton
Tout en réitérant son soutien à la solution à deux Etats, argumentant qu’il « doit y avoir des précautions prises » en temps de guerre, Clinton a semblé soutenir l’argument israélien que la dévastation durant l’opération de 2014 avait été causée par le déploiement intentionnel du Hamas de cibles militaires dans des zones civiles. « Même les analystes les plus indépendants diront que la manière dont le Hamas place ses armes est terrible », a-t-elle dit.
Les Israéliens, a affirmé l’ancienne secrétaire d’Etat, « ne recherchent pas ce genre d’attaques ». Clinton a fait référence à ce qu’elle décrit comme « une incitation permanente du Hamas, assistée et encouragée par l’Iran, contre Israël ».
Gaza a-t-elle dit, est devenu « un refuge pour terroristes pour envoyer de plus en plus de roquettes… Je ne sais pas comment vous pouvez faire fonctionner un pays lorsque vous êtes sous une menace permanente. Attentats terroristes, roquettes… vous avez le droit de vous défendre. »
Elle a également insisté sur le fait que « si [le dirigeant palestinien aujourd’hui décédé] Yasser Arafat avait accepté, avec mon mari à Camp David à la fin des années 1990, l’offre que le Premier ministre [israélien de l’époque], [Ehud] Barak avait mise sur la table, nous aurions un Etat palestinien depuis 15 ans désormais ».
Bill Clinton avait amené Arafat et Barak à Camp David, en juillet 2000, dans une ultime tentative, à la toute fin de sa présidence, de résoudre le conflit. Le sommet s’était terminé sans résolution, et deux mois plus tard, la deuxième Intifada avait éclaté.
Clinton a également mis l’accent sur son engagement dans les efforts de paix au Moyen-Orient en tant qu’ancienne première diplomate du Président Barack Obama, et a accusé Sanders de ne pas avoir réussi à fournir une solution au conflit entre Israël et les Palestiniens, alors que les négociations stagnent en dépit des tentatives internationales de paix répétées.
« Décrire le problème est bien plus facile que d’essayer de le résoudre », a-t-elle sermonné le sénateur.
Regarder la partie du débat portant sur Israël :
Clinton a également critiqué son adversaire sur le fait qu’il n’est pas précis quant à la manière dont il mettrait en place sa promesse de révolution politique, ouvrant la voie à une éducation gratuite à l’université et démantelant les plus grandes banques américaines.
« Si vous allez lire la longue interview dans le Daily News du Senateur Sanders, parlons d’expertise et des problèmes qu’il a eu pour répondre aux questions portant sur l’essence même de son programme, le démantèlement des banques », a-t-elle dit.
Sanders, en retour, s’est octroyé des applaudissements du public lorsqu’il a critiqué son adversaire pour sa prise de partie en faveur d’Israël.
« Il n’y aura jamais de paix dans cette région, sauf si les Etats-Unis jouent un rôle impartial », a averti Sanders.
Les deux candidats ont contesté vigoureusement l’expertise de l’autre pour être président, se querellant sur les banques de Wall Street, le salaire minimum et le contrôle des armes à feu.
Le sénateur du Vermont a pris un ton mordant et souvent sarcastique alors qu’il cherchait à ébrécher la crédibilité de Clinton. Il a cité le soutien de l’ancienne secrétaire d’Etat à l’impopulaire guerre en Irak et à des accords de libre-échange, ainsi que sa volonté d’accepter l’argent grâce à un super PAC (comité d’action politique), comme preuve qu’elle n’a pas l’expertise nécessaire pour diriger la nation.
Sanders est encore revenu sur ses déclarations précédentes, interrogeant les qualifications de Clinton, disant que l’ex-secrétaire d’Etat possède « l’expérience et l’intelligence » pour être présidente.
Clinton a fait peu d’efforts pour cacher son irritation après la remise en question de ses qualifications par Sanders. Elle a déclaré que, si elle a été « appelée beaucoup de choses dans ma vie, celle-ci fut une première. » Elle a également accusé Sanders de ne pas être prêt à mettre en œuvre les grandes lignes de ses propositions politiques, y compris le démantèlement des grandes banques.
Ce débat était le premier pour les candidats démocrates en cinq semaines. Il s’est tenu en amont des primaires de mardi à New York, une compétition aux enjeux élevés.
Pour Clinton, une victoire dans son état d’adoption lui permettrait d’émousser la dynamique récente de Sanders et de le placer encore un peu plus loin d’une nomination. Un Sanders énervé après Clinton relancerait la course, soulevant de nouvelles inquiétudes au sujet de sa candidature et donnant un nouveau souffle à la campagne du sénateur du Vermont.
Depuis des mois, le combat de la primaire démocrate se déroule en terrain connu. Clinton a qualifié les propositions de Sanders sur le démantèlement des banques et la gratuité scolaire dans les collèges et les universités publics d’irréalistes. Sanders a accusé Clinton de faire partie d’un système économique et politique truqué, l’attaquant à plusieurs reprises sur ses discours payés donnés aux banques de Wall Street alors qu’elle refuse d’en donner les retranscriptions.
Clinton a continué à lutter pour expliquer la raison pour laquelle elle n’avait pas publié ces retranscriptions, disant simplement qu’elle le ferait quand les autres candidats seront tenus de faire la même chose. Elle a essayé de soulever des questions sur la transparence de Sanders qui n’a pas publié ses impôts sur le revenu.
Le sénateur a promis de publier vendredi ses déclarations de revenus les plus récentes, et a déclaré qu’on n’y trouverait « pas de gros sous touchés après des discours, ni de gros investissements ».
Les candidats se sont également affrontés sur l’augmentation du salaire minimum fédéral, Sanders exprimant sa surprise lorsque Clinton a exprimé son soutien aux efforts visant à fixer le taux-horaire à 15 dollars, le niveau qu’il défend depuis toujours.
« Je ne vois pas comment vous pouvez être là pour la lutte à 15 dollars alors que vous dites que vous voulez un salaire minimum de 12 dollars », a-t-il dit. Clinton a ensuite précisé que, bien qu’elle soutienne un salaire horaire minimum de 12 dollars, elle signerait une loi augmentant ce niveau à 15 dollars.
Sanders a remporté une série de primaires, y compris une grande victoire, plus tôt ce mois-ci, dans le Wisconsin. Mais comme les démocrates élisent leurs délégués à la proportionnelle, il a du mal à revenir sur l’avance de Clinton. Il a également échoué à convaincre les super-délégués – des membres importants du parti qui peuvent soutenir le candidat de leur choix, indépendamment de la façon dont leurs états ont voté – de revenir sur leur loyauté à Clinton.
Clinton a accumulé 1.289 délégués acquis à sa cause lors des primaires et caucus alors que Sanders n’en a que 1 038. Son avance augmente de manière significative si l’on y ajoute les super-délégués : 1 758 pour Clinton et 1 069 pour Sanders.
Il en faut 2 383 pour décrocher l’investiture démocrate. Sanders aurait besoin de gagner 68 % des délégués restants et des superdélégués pour y parvenir.
En dépit de ses statistiques, Sanders a promis de rester dans la course jusqu’à la Convention du parti, en juillet. Soutenu par des légions de partisans fidèles, il a amassé des fonds lors de ses collectes qui lui en donnent les moyens financiers.