Israël en guerre - Jour 536

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Comment le Mossad a traqué le « Boucher de Riga », l’assassin de 30 000 Juifs

Un livre passionnant raconte la mission sous couverture de "Mio" Meidad, qui a agi sans soutien pour rendre justice et contrer un projet allemand d'amnistie d'anciens nazis

Image tirée du film "The Mover" illustrant l'infâme massacre de Rumbula, en 1941. (Autorisation du Washington Jewish Film Festival)
Image tirée du film "The Mover" illustrant l'infâme massacre de Rumbula, en 1941. (Autorisation du Washington Jewish Film Festival)

LONDRES — En mars 1965, le Bundestag d’Allemagne de l’ouest a très largement rejeté une proposition visant à mettre un terme à la traque des criminels de guerre nazis et a introduire une période de prescription pour leurs crimes.

Une vague d’opposition à ce projet avait éclos dans le monde entier les mois qui ont précédé le débat parlementaire. Des milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Tel Aviv, à Toronto, à Los Angeles ou encore à Londres. Des lauréats de prix Nobel, des politiciens, des dramaturges et le futur Pape Benoît XVI ont fait entendre leurs voix en signe de protestation. Et en Allemagne, un débat amère et clivant a éclaté sur la manière dont le pays devrait expier ses crimes et dans quelle mesure la responsabilité collective du pays était engagée.

Au même moment, un autre effort avait également été lancé pour faire dérailler les propositions allemandes. Conçu dans le plus grand secret par les dirigeants des renseignements israéliens et approuvé par le Premier ministre Levi Eshkol, cet effort visait à focaliser l’attention du monde sur les centaines, si ce n’est milliers, de criminels jamais jugés et condamnés – et qui ne l’auraient jamais été si le Bundestag avait approuvé la loi.

Il s’agissait aussi d’un projet dans lequel Israël lui-même agirait en tant que juge, jury et exécuteur. Il a été décidé que le Mossad, l’agence de renseignement israélienne, traquerait et tuerait Herberts Cukurs — le « Boucher de Riga » – qui a été accusé d’être personnellement responsable de la mort d’au moins 30 000 Juifs lettons.

Herberts Cukurs, le boucher de Riga.(Wikipedia / WP:NFCC#4)

L’assassinat de Cukurs, qu’Israël n’a pas revendiqué, allait permettre de faire parler de ces terribles crimes et de les punir. Cela constituerait aussi un avertissement sur le type de justice qui serait appliquée si l’Allemagne accordait une amnistie aux criminels de guerre.

La mission visant à tuer Cukurs est racontée par le journaliste et auteur Stephan Talty dans son nouveau livre Le bon assassin : La traque du Boucher de Lettonie par le Mossad. Le livre est écrit avec brio, suspense et compte, parfois, des moments déchirants. Il fait traverser les continents, en partant des « terres ensanglantées » de l’Europe de l’Est jusqu’aux jungles de l’Amérique du Sud.

Au centre de l’histoire, on retrouve deux hommes : Cukurs et l’agent sous couverture envoyé par le Mossad pour le piéger, Yaakov « Mio » Meidad.

Connu au sein de l’agence comme « l’homme aux cent identifiés », Meidad était un Juif né en Allemagne dont les parents ont péri dans les camps de concentration. Il avait aidé à l’enlèvement d’Adolf Eichmann pour le faire juger en Israël.

Talty, qui a entendu parler pour la première fois de l’histoire de la mission en lisant le livre de Ronen Bergman Lève-toi et tue le premier : l’histoire secrète des assassinats ciblés d’Israël, a été fasciné par Cukurs et Meidad, mais aussi par les événements qui les ont conduits à entrer en contact.

« C’était l’idée que ces deux personnes existaient, de chaque côté de ce terrible moment de l’histoire, et qu’ils ont fini par se rencontrer. Mio a dû tisser une amitié avec quelqu’un qui incarnait le visage des ‘hommes ordinaires’ de la Shoah », a expliqué Talty au Times of Israël.

Le « Lindbergh letton » va en Terre sainte

Cukurs était, comme l’a ensuite écrit un survivant, « rempli de terribles contradictions ». Connu comme « le Lindbergh letton », l’aviateur était devenu un héros national dans le pays balte d’avant-guerre. Il était réputé pour sa fougue et son audace.

Stephan Talty, l’auteur du livre Le bon assassin : la traque du boucher de Lettonie par le Mossad. (Natacha Vilceus)

« En réalité, j’ai moi-même admiré le Cukurs d’avant-guerre », a reconnu Talty. « Il était vraiment le type d’aventurier qui non seulement construisait ses propres avions, mais qui rêve de voyages et de grandes odyssées. »

Ces voyages l’ont conduit à s’envoler en 1933 de la Lettonie à la colonie britannique africaine de Gambie dans un avion avec un cockpit ouvert qu’il avait assemblé à l’aide de pièces détachées.

Six ans plus tard, en décembre 1939, il est revenu d’une autre expédition, un vol de 4 667 kilomètres en Palestine – qui charmera le club juif de Riga, avec une présentation, agrémentée de photos, décrivant les vues, les sons et les senteurs de Tel Aviv, Jérusalem, Bethléem, Petah Tikva et Rishon LeZion.

« Je me souviens comment Cukurs s’exprimait avec émerveillement, étonnement, et même enthousiasme, au sujet du projet sioniste en Israël », s’est ensuite souvenu un jeune homme juif présent lors de la soirée.

Ce n’était pas la seule indication que, si l’on met de côté son vif nationalisme et ses remarques antisémites occasionnelles, Cukurs, comme l’a ensuite écrit un Juif letton, n’était « pas vraiment considéré comme quelqu’un qui détestait les Juifs ». À titre d’exemple, il était souvent vu avec des intellectuels juifs dans des cafés de Riga.

Herberts Cukurs en Gambie, en 1933. (Domaine public)

L’intérêt de Talty pour Cukurs a, en partie, été suscité par son parcours. « Je voulais savoir », a-t-il remarqué « ce qui avait changé en lui pour qu’il devienne une bête, un monstre ».

Cette description est totalement pertinente. Comme Yosef Yarof, le chef du département des opérations spéciales du Mossad, l’a expliqué à Meidad quand il lui a exposé sa mission : Cukurs n’était pas « un assassin de bureau comme Eichmann ». Parmi ceux qui connaissaient sa réputation, le simple fait de mentionner le nom de Cukurs pouvait provoquer une réaction physique. Quand les chefs des renseignements israéliens ont commencé à discuter des cibles potentielles, une liste de noms a été lue à haute voix. Le général Aharon Yariv, le chef du Renseignement militaire, s’est effondré quand il a entendu le nom de l’homme qui avait tué plusieurs de ses proches et amis.

Le massacre de la plage de Skede en Lettonie, où 2 700 Juifs ont été abattus en trois jours, en décembre 1941. (Domaine public)

Les crimes de Cukurs avaient été commis exactement 25 ans auparavant.

Les nazis comme « libérateurs » ; les Juifs comme un « ennemi intérieur »

Selon les termes secrets du Pacte Molotov-Ribbentrop, les Soviétiques ont étouffé les velléités d’indépendance de la Lettonie et l’ont brutalement occupée à partir de l’été 1940.

Un an plus tard, une deuxième tragédie a affecté les États baltes, avec l’invasion allemande de l’Union soviétique, qui a conduit la Lettonie à passer sous contrôle nazi. Certains des concitoyens de Cukurs ont perçu les nazis comme des libérateurs ; une vision qui n’était pas partagée par leurs voisins juifs terrifiés.

Aucune pitié et aucun compromis. Aucune tribu juive de vipères ne doit être autorisée à se dresser de nouveau

En quelques heures, la presse, maintenant contrôlée par l’Allemagne, a commencé à diffuser le mensonge vicieux que les Juifs lettons étaient « l’ennemi de l’intérieur », celui qui avait trahi leur pays en faveur des Soviétiques et participé aux atrocités que l’Armée rouge avait commises. « Il ne faut faire preuve d’aucune pitié et d’aucun compromis. Aucune tribu juive de vipères ne doit être autorisée à se dresser de nouveau », notait un journal.

De fait, il n’y a eu aucune pitié. « Riga est devenu un enclos dans lequel les Juifs étaient traqués – cela tel un sport, mais également pour en tirer des bénéfices, et Hebert Cukurs fut un joueur enthousiaste », écrit Talty.

Cukurs n’était pas un petit « joueur » – il est devenu le commandant en second du tristement célèbre Arājs Kommando – un groupe paramilitaire letton qui a largement participé au massacre des Juifs du pays.

La propagande nazie antisémite en Lettonie, à l’été 1941. (Bundesarchiv Bild)

Des témoins ont ensuite raconté la brutalité de Cukurs. L’un d’eux s’est souvenu de lui dans le ghetto où les Juifs de Riga étaient parqués « en train de rire diaboliquement… tuant des gens comme un chasseur dans le bois ». Un autre s’en est rappelé dans la tristement célèbre villa du numéro 19 de la rue Waldemars, où l’Arājs Kommando organisait des fêtes alcoolisées et sauvages lors desquelles ils torturaient et assassinaient des Juifs.

Max Tukacier, un jeune Juif qui connaissait Cukurs depuis plus de dix ans et qui a été conduit à cette maison, a vu l’aviateur « battre à mort 10 à 15 personnes ». Et Cukurs a été enregistré donnant des ordres lors du massacre de Rumbula, les 30 novembre et 8 décembre 1941, lors duquel environ 25 000 Juifs ont été assassinés dans ou à proximité de la forêt de Rumbula.

Après avoir participé aux massacres de Riga, Cukurs et ses hommes ont voyagé dans des villes, villages et localités à travers la Lettonie pour aider à rassembler et assassiner des Juifs. En l’espace de cinq mois, 60 000 Juifs lettons ont péri. Comme l’écrit Talty, le petit dossier que le Mossad avait sur Cukurs était très fin, et les témoins oculaires si peu nombreux, précisément parce qu’il avait été très méticuleux, avec l’Arājs Kommando, pour assister les nazis dans leur massacre.

Des membres d’une milice lettone rassemble un groupe de femmes juives pour les exécuter sur une plage à proximité de Liepāja, le 15 décembre 1941. (Bundesarchiv bild)

« L’incarnation de l’humanité »

Mais l’aspect le plus extraordinaire – et peut-être unique – de l’histoire de Cukurs est ce qui s’est passé ensuite. Comme beaucoup d’autres criminels de guerre, le Letton a « suivi les rats » et s’est enfui en Amérique du Sud après la guerre. Mais, contrairement aux autres assassins de masse, Cukurs est arrivé au Brésil sous son vrai nom – et il a ensuite presque immédiatement cherché à rencontrer des membres de la communauté juive du pays. Cukurs s’est présenté à la fois comme un exilé politique qui avait été ciblé par les Communistes et un homme qui avait sauvé des Juifs pendant la Shoah.

Alors que Cukurs a assidûment courtisé les Juifs de Rio, son passé a commencé à le rattraper. De retour en Europe, de jeunes comités juifs chargés de traquer les criminels de guerre en fuite ont constitué un dossier sur l’aviateur d’avant-guerre devenu meurtrier de masse. Dans les semaines qui ont suivi son arrivée, les rapports sur les premières observations possibles de Cukurs à Rio ont fait chemin vers Londres. Le lent et laborieux processus de confirmation de ces rapports a alors commencé.

« Le Boucher de Riga », Herberts Cukurs, était un aviateur nationalement célébré avant de rejoindre des escadrons de la mort pendant la Shoah. (Capture d’écran : YouTube)

Pendant ce temps, Cukurs a continué à prospérer et à promouvoir sa personne. Il a même accordé une interview au magazine le plus vendu du Brésil – qui a paru sous le titre « Des pays baltes au Brésil » – dans laquelle il était décrit comme « l’incarnation de l’humanité ». En 1950, cependant, la vérité – que Cukurs n’était rien de tel – a commencé à faire jour chez certains de ses nouveaux amis à Rio.

Bien que les efforts de la communauté juive pour le faire extrader et traduire en justice aient échoué face à l’indifférence des responsables brésiliens, les protestations ont entraîné l’effondrement de l’entreprise florissante de Cukurs et la famille a été contrainte de quitter Rio. Lorsque le Mossad a jeté son dévolu sur lui, une décennie plus tard, Cukurs était déjà très affaibli, dirigeant tranquillement une petite entreprise de location de bateaux et de taxis aériens près de São Paulo.

L’ambition démesurée de Cukurs a été à l’origine de son ascension et de sa chute ultime. Ce ne sont pas seulement ses crimes odieux qui ont fait de lui une cible en 1965, mais le fait qu’il ait laissé une piste si facile à suivre pour le Mossad.

« Il aurait pu avoir une très bonne vie à Rio s’il n’avait pas relevé la tête comme il l’a fait », dit Talty. « Je pense que son narcissisme était si central dans son personnage qu’il n’a pas pu y résister. »

Des auxiliaires de la police lettone participe au rassemblement de Juifs en Lettonie en 1941. (Bundesarchiv Bild)

Alors que d’autres, comme Adolf Eichmann et Josef Mengele, étaient « très soucieux de mener une vie très banale », poursuit l’auteur, il a le sentiment qu’Herberts Cukurs « était né pour le monde et qu’il avait besoin d’une sorte d’histoire héroïque autour de sa vie pour lui donner un sens ».

Cette « malédiction », estime Talty, a conduit à la chute de Cukurs.

L’épreuve de force psychologique

Si les faits de Cukurs à Rio ont pu être téméraires, il n’a pas été idiot. Comme l’explique Talty, la mission du Mossad n’est « pas une histoire d’actions » mais s’apparente davantage à un thriller psychologique tendu qui oppose Cukurs à l’homme que l’agence a envoyé pour le piéger.

Meidad lui-même, dit Talty, était très « anti-James Bond » et « semblait n’être pleinement vivant » que lorsqu’il était sous couverture.

Yaakov ‘Mio’ Meidad pendant son service au Mossad. (Collection privée/Autorisation)

« Quand il était dans le personnage de quelqu’un d’autre, il était beaucoup plus sûr de lui, beaucoup plus affirmé… qu’il ne l’était dans la vraie vie », dit Talty.

L’Israélien a joué à la perfection le rôle d’Anton Kuenzle, un homme d’affaires autrichien prospère mais abattu qui se liera d’amitié avec Cukurs et l’attirera vers sa mort. Cette perfection était cependant nécessaire, car la mission ne laissait aucune place à l’erreur.

De manière tout à fait inhabituelle, Meidad, sur sa propre insistance, a travaillé au Brésil sans aucun renfort ni plan B. La décision, écrit Talty, « s’est écartée sauvagement de sa méthodologie précise et très germanique ; c’était comme s’il avait abandonné 20 ans d’espionnage pour s’en prendre à Cukurs ».

La famille de Meidad et ses anciens collègues ont insisté auprès de Talty sur le fait que cette mission avait été « personnelle » pour lui.

« Je pense qu’il s’est réellement délecté de cette confrontation directe avec un criminel de la Shoah », explique Talty. « Il a considéré cela comme le test ultime de tout ce qu’il avait pu être en tant qu’agent secret… Il voulait tromper Cukurs et le faire tomber. »

« Cukurs incarnait une cible très difficile à atteindre parce qu’il était non seulement paranoïaque, mais également intelligent et tout à fait capable d’anticiper ce que pourrait faire un agent israélien », continue Talty. « Cela a été une guerre éminemment psychologique, et je pense que Cukurs était son égal en cela. »

Les lignes sont tracées

D’un côté de la ligne de front, il y avait Cukurs, qui cherchait en permanence à tenter de déterminer si Kuenzle était réellement qui il prétendait être. Pour ce faire, il avait défié ce dernier lors d’un concours de tir qui avait opposé les deux hommes dans une plantation reculée et située au beau milieu de l’arrière-pays brésilien, pour vérifier la véracité des récits de Kuenzle, qui avait raconté avoir servi sur le front oriental pendant la Seconde Guerre mondiale.

De l’autre côté de la ligne de front, il y avait Meidad, qui devait non seulement endormir les soupçons nourris par Cukurs mais également trouver l’appât qui permettrait le plus sûrement de le faire tomber dans le piège. Et il devait exceller en cela, dit Talty.

« Il éprouvait une certaine empathie envers Cukurs et son parcours, et envers la négligence que ce dernier avait affiché au moment de leur rencontre, alors qu’il avait manifestement renoncé à être la hauteur du personnage dont il avait rêvé pour lui-même », explique Talty.

Le criminel de guerre nazi Herberts Cukurs est célébré par certains comme un héros national en Lettonie car il s’est opposé aux forces russes. (Capture d’écran YouTube)

La perspective qu’avait fait miroiter Meidad aux yeux de Cukurs – retrouver sa richesse perdue et le respect par le biais d’un partenariat commercial – devait finalement mener au dénouement sanglant de la mission dans une habitation de Montevideo où une petite équipe du Mossad montait la garde.

Il en a toutefois fallu de peu. Une combinaison de la paranoïa toujours vigilante de Cukurs, de malchance, ainsi que de la réticence affichée par une partie de l’équipe du Mossad à croire qu’il pourrait être si difficile de tuer un homme de 65 ans esseulé ont manqué d’entraîner un désastre.

« C’était le cauchemar de Mio », remarque Talty. « Il y a eu une sorte de rupture entre lui et les Sabras [dans l’équipe du Mossad] en cela qu’ils croyaient qu’ils pourrait gérer toutes les situations dans le cadre des missions qui leur étaient assignées, et lui se démarquait d’eux en affirmant que l’homme était un formidable adversaire physique. »

Ce n’est que lorsque les hommes du Mossad se sont retrouvés face à face avec Cukurs – qui, comme l’avait ultérieurement dit Meidad, « a combattu comme un animal sauvage qui aurait été blessé » – qu’ils ont réalisé combien ces mises en garde avaient été prophétiques.

Un déluge de sang pour recouvrir les traces

Ce n’est pas un hasard si la réponse à la question qui avait de prime abord fait naître l’intérêt de Talty pour l’histoire de Cukurs – Qu’est-ce qui avait bien pu amener un aviateur aventurier à devenir un meurtrier de masse ? – a finalement été apportée par un survivant.

Zelma Shepshelovich, quand elle était jeune. (Naomi Ahimeir)

Zelma Shepshelovich, une personnalité admirable dont le livre de Talty raconte également l’histoire, n’a cessé, après la guerre, de tenter d’obtenir justice pour sa famille assassinée et pour les milliers d’autres Juifs lettons morts à ses côtés.

En 1979, elle est apparue en tant que témoin de l’accusation lors du procès, à Hamburg, de Viktor Arājs, commandant du bataillon paramilitaire dont Cukurs avait été un membre acharné. À la barre, Arājs avait révélé que Cukurs avait collaboré avec les Soviétiques pendant leur courte occupation du pays, avant l’invasion nazie. Terrifié d’être découvert et des conséquences sanglantes qui pourraient suivre, Cukurs avait cherché à brouiller les pistes en rejoignant la bande d’assassins d’Arājs.

Comme l’écrit Talty : « Ce n’était pas, après tout, un antisémitisme profondément ancré en lui qui a motivé l’ancien aviateur. Il a trahi les Juifs parce que, le cas échéant, il aurait été probablement assassiné à leurs côtés. Le sacrifice de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants était nécessaire pour qu’il puisse continuer à vivre. »

Cukurs n’est pas un cas unique. Mais en Lettonie, un pays sans antécédents de pogroms qui a été considéré par certains comme un sanctuaire dans les années 1930, il est en finalement venu à symboliser ce que Talty désigne comme « la double croix qui a piégé les Juifs ».

Pour les Juifs en péril, la vitesse et le vice du soudain retournement de nombreux amis, de voisins et de compatriotes à leur encontre ont été palpables.

Il est impossible – Talty le reconnaît – de prouver si l’information de la mort de Cukurs a modifié les esprits lorsque le Bundestag a rejeté la proposition d’amnistie au cours du printemps 1955.

Janis Vabulis, également appelé ‘Nank’, l’homme qui a sauvé Zelma Shepshelovich. (Naomi Ahimeir)

« Je veux croire que cela a joué un rôle psychologique en donnant un visage à la Shoah, mais je ne peux pas apporter des sources qui viennent soutenir cette hypothèse », explique Talt. « Mais cela a très certainement fait partie d’un mouvement qui a réévalué ce qui est arrivé pendant la Shoah en Allemagne, et je pense que cela a été important pour cette raison. »

Talty reconnaît que la décision prise par le Mossad de tuer Cukurs et de ne pas le conduire devant les juges a eu une conséquence inattendue. L’effort livré, ces dernières années, par les nationalistes lettons qui ont tenté de réhabiliter l’ancien héros national a exploité le fait qu’il n’avait jamais été condamné pour crime de guerre par un jury.

Il y a néanmoins une lueur d’espoir dans le récit fait par Talty de cette histoire sombre. Elle s’incarne à travers Jānis Alexander Vabulis, un jeune fonctionnaire tombé amoureux de Shepshelovich et qui — à ses grands risques et péril – l’a accueillie chez lui pendant toute la durée de la guerre.

« Je pense qu’il représente un certain pourcentage de Lettons qui sont sortis des sentiers battus et qui ont aidé les Juifs », suggère Talty. « J’ai découvert un grand nombre de témoignages sur des Juifs qui s’abritaient dans des fermes, avec des familles très religieuses et très chrétiennes qui les recueillaient aussitôt. »

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