Israël en guerre - Jour 532

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Analyse

Comment les nouvelles sanctions de Biden affectent-elles les dons à Israël ?

Certains affirment que le récent ciblage de quatre Israéliens radicaux par Washington n'aura pas de réel impact, d'autres que les groupes caritatifs devraient redoubler de vigilance

Un Palestinien inspectant une voiture brûlée lors d'une attaque menée la nuit précédente par des résidents d’implantations israéliens dans le village de Burqa, au nord-ouest de Naplouse, en Cisjordanie, le 20 février 2024. (Crédit : Zain Jaafar/AFP)
Un Palestinien inspectant une voiture brûlée lors d'une attaque menée la nuit précédente par des résidents d’implantations israéliens dans le village de Burqa, au nord-ouest de Naplouse, en Cisjordanie, le 20 février 2024. (Crédit : Zain Jaafar/AFP)

JTA – Lorsque l’administration Biden a annoncé de nouvelles sanctions destinées à stopper le flux des dons américains aux Israéliens extrémistes, de nombreux observateurs ont estimé qu’une certaine organisation caritative serait particulièrement concernée.

Mais le Central Fund of Israel (CFI) affirme ne pas être affecté par ces nouvelles sanctions, qui ont été annoncées dans le cadre d’une campagne de la Maison Blanche visant à endiguer les violences en Cisjordanie. Les sanctions ont été accompagnées d’une mise en garde contre l’acheminement de fonds vers des organisations à but non lucratif qui encouragent la violence.

Le CFI est une organisation caritative enregistrée à New York qui distribue chaque année des dizaines de millions de dollars à des centaines d’organisations israéliennes à but non lucratif, dont certaines opèrent en Cisjordanie. Depuis plus de dix ans, il fait l’objet d’une attention particulière de la part des médias et des groupes de défense qui affirment qu’il distribue l’argent des donateurs à des résidents d’implantations israéliens extrémistes. Ses détracteurs affirment que ces dons pourraient constituer une violation d’une loi américaine interdisant le soutien caritatif à la violence.

L’organisation caritative a nié ces allégations à maintes reprises. Aujourd’hui, son président déclare qu’il ne s’attend pas à ce que les sanctions aient un impact.

« CFI a toujours veillé à respecter intégralement les lois américaines », a déclaré Jay Marcus à la Jewish Telegraphic Agency par courriel. « Nous n’avons rien à voir avec des personnes impliquées dans des actes violents et cela a été notre politique bien avant la nouvelle réglementation. En ce qui nous concerne, nous continuons donc à faire comme d’habitude. »

T’ruah, un groupe rabbinique libéral de défense des droits de l’Homme, dépose plainte auprès de l’Administration fiscale des États-Unis d’Amérique (Internal Revenue Service ou IRS) concernant le statut d’exonération fiscale du CFI depuis des années – établissant ce qu’il affirme être des liens entre le CFI et des groupes extrémistes qui terrorisent les Palestiniens. Un exemple de bénéficiaire présumé du CFI est Lehava, un groupe qui se dit opposé aux mariages mixtes et qui est connu pour ses marches dans les quartiers palestiniens de Jérusalem en scandant « mort aux Arabes ».

Des soldats israéliens se tenant à l’écart alors que des Israéliens jettent des pierres sur des Palestiniens lors d’affrontements, à Huwara, en Cisjordanie, le 13 octobre 2022. (Crédit : Oren Ziv/AFP)

Une plainte déposée par T’ruah en 2015 a donné lieu à une brève enquête criminelle menée par la division de l’IRS chargée de l’application de la loi, notoirement sous-financée. L’année dernière, un groupe de législateurs de l’État de New York, dirigé par Zohran Mamdani, membre de l’Assemblée de l’État, avait présenté un projet de loi visant à empêcher les organisations caritatives de l’État de soutenir les implantations israéliennes. Mamdani avait désigné le CFI comme l’une des principales cibles du projet de loi, connu sous le nom de « Not on Our Dime Act », qui n’avait pas été adopté en raison de l’opposition des dirigeants parlementaires.

De nombreux détracteurs de la présence israélienne en Cisjordanie se sont montrés optimistes lorsque, au début du mois, l’administration Biden a pris une mesure sans précédent : le Département du Trésor a placé quatre résidents d’implantations israéliens sur une liste d’individus sanctionnés, interdisant tout don en leur faveur, sur la base de leur implication présumée dans des attaques violentes contre des Palestiniens et des militants pacifistes israéliens.

Le décret autorisant les sanctions permet d’ajouter à la liste toute autre personne considérée comme « menaçant la paix, la sécurité ou la stabilité de la Cisjordanie ».

« Ce décret constitue une étape très importante dans la lutte contre la violence endémique en Cisjordanie », a déclaré la rabbin Jill Jacobs, PDG de T’ruah. « C’est également un signe que les États-Unis redoublent d’efforts dans le cadre de leur politique à long-terme visant à trouver une solution à deux États, car l’un des principaux obstacles à la création de deux États est l’expansion des implantations et le déplacement des Palestiniens. »

La rabbin Jill Jacobs, PDG de T’ruah : appel rabbinique pour les droits de l’Homme. (Crédit : Autorisation via JTA)

Ces mesures sont importantes sur le plan des dons, car la législation américaine en matière de sanctions est rigoureuse, alors que le code fiscal régissant les dons de charité ne l’est généralement pas, selon les experts.

Le jour même où la Maison Blanche a annoncé les nouvelles sanctions, l’unité de lutte contre la criminalité financière du Département du Trésor a mis en garde les institutions financières contre le traitement de paiements à des organisations à but non lucratif ayant des liens avec l’extrémisme violent en Cisjordanie. L’avertissement ne mentionnait aucune organisation à but non lucratif en particulier.

Bien qu’il ait fait l’objet d’une controverse en raison de ses liens avec des groupes de résidents d’implantations, le CFI n’est qu’une des nombreuses organisations caritatives juives basées aux États-Unis qui proposent de mettre en relation des donateurs américains avec des causes en Israël.

Aucune de ces organisations caritatives n’a exprimé d’inquiétude au sujet des sanctions au cours d’interviews ou de déclarations publiques. L’une des plus grandes organisations caritatives allouant des fonds à Israël, les Jewish Federations of North America (JFNA), a déclaré qu’il était « extrêmement improbable » qu’elle ait des liens avec les quatre Israéliens sanctionnés, mais qu’elle consultait des avocats au sujet des implications potentielles des sanctions.

Le PEF Israel Endowment Funds, une organisation intermédiaire utilisée par de nombreux donateurs juifs traditionnels pour leurs actions caritatives en faveur d’Israël, n’a pas donné suite aux demandes de renseignements.

« Je n’ai pas observé d’impact sur les dons caritatifs et je n’en prévois pas, du moins à court terme », a affirmé Andrés Spokoiny, PDG du Jewish Funders Network, une association regroupant plus de 3 000 fondations et philanthropes. Les donateurs qu’il représente ont tendance à faire des dons à des organisations à but non lucratif en Israël, et non à des particuliers, a précisé Spokoiny, ajoutant qu’à sa connaissance, aucune organisation à but non lucratif n’a été mise en cause par les sanctions.

Selon Me Hal Eren, un avocat de Washington qui conseille des entreprises et des organisations sur cette question, il ne faut pas s’attendre à un afflux de nouvelles affaires pour les avocats spécialisés dans les sanctions pour le moment.

« Ces sanctions n’ont pas créé d’activité pour nous parce qu’il s’agit de sanctions assez limitées et mineures », a-t-il affirmé. « Ce n’est pas comme les sanctions contre l’Iran ou la Russie, où l’on doit faire face à l’ensemble du pays. »

Toutefois, a ajouté Me Eren, la situation pourrait changer si l’administration Biden élargissait sa liste de cibles.

« Il y a une sorte d’avertissement implicite que d’autres personnes pourraient être ajoutées », a-t-il souligné. « Le décret précise les critères qui devront être remplis pour que d’autres personnes soient inscrites sur la liste. »

Joel Braunold, PDG du Centre S. Daniel Abraham pour la paix au Moyen-Orient, s’est interrogé sur la possibilité pour Biden – ou les futurs présidents – de s’appuyer sur le décret et d’allonger la liste des cibles. Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, il a qualifié le décret de « gigantesque bâton », de « changement de donne » et « d’arme de destruction massive dans le monde des sanctions ». Le message de Braunold sur X couvrait également la question des dons.

« Pour les fondations qui ont soutenu les implantations, contactez vos avocats », a-t-il précisé.

Joel Braunold, PDG du S. Daniel Abraham Center for Middle East Peace et ancien directeur de l’ALLMEP (Crédit : Autorisation)

Braunold parlait en connaissance de cause. Il a travaillé à la promotion de la paix israélo-palestinienne au cours des 15 dernières années et a pu constater que les sanctions américaines compliquent le travail des organisations de paix en Cisjordanie, étant donné que les groupes et les individus sanctionnés se retrouvent dans de nombreuses institutions palestiniennes. Les donateurs américains aux groupes de paix, par exemple, doivent prendre des précautions particulières pour s’assurer que leur argent ne profite pas indirectement ou par inadvertance à toute personne sanctionnée par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) du gouvernement américain.

« Les sanctions américaines sont une affaire sérieuse et c’est un nouveau sujet que le secteur philanthropique juif n’a pas eu à traiter de manière générale dans le passé », a déclaré Braunold à la JTA. « Comme ceux qui travaillent en faveur de la paix, les donateurs doivent s’assurer qu’ils ont mis en place des protocoles pour garantir la conformité avec les règlements de l’OFAC, y compris l’examen des bénéficiaires. »

Selon Jacobs, les fondations juives et les fonds conseillés par les donateurs devraient considérer ce moment comme une occasion d’établir des lignes directrices strictes pour s’assurer que les dons ne tombent pas entre les mains d’extrémistes.

« Ils peuvent prendre de l’avance, ou au moins devancer la loi, et vérifier où va leur argent », a noté Jacobs.

Le CFI opère depuis le domicile de son président Marcus dans l’implantation d’Efrat, en Cisjordanie. L’organisation est entièrement gérée par des bénévoles, à l’exception de Marcus, qui perçoit un salaire de 95 000 dollars, selon les registres fiscaux.

Ne prenant aucune commission, le CFI distribue les fonds des donateurs à des organisations caritatives israéliennes appartenant à l’une des six catégories suivantes : aide humanitaire, projets communautaires, éducation, institutions religieuses, soins médicaux et sécurité.

Ce modèle s’est avéré très populaire auprès des donateurs, qui versent généralement leurs dons au CFI par l’intermédiaire de fonds conseillés par des tiers, tels que le Fidelity Investments Charitable Gift Fund, ce qui permet de ne pas divulguer leur identité. Au cours de l’année fiscale qui s’est achevée le 31 janvier 2022, le CFI a distribué environ 55 millions de dollars provenant de donateurs, accordant des subventions à des centaines d’organisations israéliennes à but non lucratif, un montant total en dollars qui a augmenté au cours de chacune des cinq années précédentes.

Le style dépouillé de la philanthropie du CFI contraste avec l’infrastructure plus élaborée offerte par une plateforme appelée IsraelGives.

Des maisons dans l’implantation d’Efrat, en Cisjordanie, au sud de Jérusalem, le 25 octobre 2021. (Crédit : Gershon Elinson/Flash90)

En tant que plateforme de collecte de fonds, IsraelGives permet aux organisations israéliennes à but non lucratif de lancer une campagne et de collecter des dons déductibles des impôts auprès de personnes résidant aux États-Unis et dans 22 autres pays. Deux millions de donateurs ont soutenu 42 000 organisations caritatives israéliennes de tous horizons politiques, y compris des groupes de résidents d’implantations, par l’intermédiaire d’IsraelGives, et le nombre de dons est monté en flèche depuis l’attaque du groupe terroriste palestinien du Hamas contre Israël le 7 octobre, selon le PDG d’IsraelGives, Jonathan Ben-Dor. Selon lui, le taux de dons a augmenté de 467 % au cours du dernier trimestre 2023 par rapport à l’année précédente.

Par ailleurs, IsraelGives n’est pas seulement une plateforme high-tech : c’est également une institution de services financiers enregistrée en Israël qui facture une petite redevance pour contrôler les organismes de bienfaisance bénéficiaires.

« En tant que telle, chaque organisation à laquelle nous envoyons de l’argent est soumise à un processus complet et approfondi de connaissance du client, supervisé par un responsable de la conformité, y compris le signalement aux autorités israéliennes chargées du blanchiment d’argent et des sanctions de chaque partie contrôlant l’organisme de bienfaisance bénéficiaire », a déclaré Ben-Dor dans une interview.

Cette infrastructure permet à IsraelGives de faire face aux nouvelles sanctions, selon Ben-Dor, qui précise qu’il n’a pas eu à disqualifier l’une des organisations caritatives avec lesquelles sa plateforme travaille.

Jonathan Ben-Dor, PDG d’IsraelGives. (Crédit : Autorisation)

« Nous veillons déjà au respect des sanctions et nos donateurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles », a-t-il déclaré.

Ben-Dor a refusé de commenter le CFI ou tout autre organisme caritatif de répartition, mais il a affirmé que ces organisations devront être prudentes et a suggéré que certaines d’entre elles pourraient ne pas être prêtes à se conformer aux sanctions.

« À moins que d’autres structures ne soient mises en place pour effectuer un contrôle similaire à celui d’IsraelGives, elles risquent en effet de voir leurs dons gelés ou de devoir modifier substantiellement leurs protocoles de distribution pour s’assurer que les organisations qu’elles financent n’ont aucun lien avec les individus sanctionnés », a-t-il expliqué.

« Il est tout à fait possible qu’un grand nombre d’organisations considèrent qu’il s’agit d’une situation problématique et risquée. »

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