Comment Moshe Lion compte « unifier » Jérusalem
Le candidat à la mairie, proche de Deri et Liberman, promet des terrains de foot aux Arabes, de mettre fin à l'exode des jeunes et de faire de la capitale un "poumon économique"

En 2013, les critiques du candidat à la mairie de Jérusalem, Moshe Lion – qui venait de s’installer dans la ville après avoir quitté Givatayim à proximité de Tel Aviv – avaient sourcillé face au manque de familiarité évident de ce comptable de formation avec la ville qu’il cherchait à diriger. La campagne menée par son adversaire, Nir Barkat, avait dénoncé son alliance énigmatique avec le parti ultra-orthodoxe Shas et la formation Yisrael Beytenu, la qualifiant de combine ou de « magouille d’arrière-plan ». Par ailleurs, Lion, à l’époque, avait admis de manière sincère n’entretenir aucun lien avec les responsables de Jérusalem Est.
Cinq ans après s’être incliné face à Barkat, Lion ne s’est pas découragé et se présente une fois encore à la tête de la mairie. Cette fois-ci, avec cinq ans d’expérience au conseil municipal à son actif mais avec bien plus de concurrence que lors des précédentes élections.
Aujourd’hui, ce « fier habitant de Jérusalem » présente l’exode des jeunes résidents comme le principal défi à relever pour la capitale, une tendance qu’il promet d’éradiquer « par la force ». Soulignant les « bonnes relations » qu’il entretient avec les responsables municipaux arabes, Lion promet de construire des terrains de basket et de football pour les enfants palestiniens à Jérusalem Est, et de répartir de manière égalitaire les budgets entre les parties orientale et occidentale de la ville.
Lion, qui se dépeint comme un adepte convaincu de l’adage « vivre et laisser vivre », affirme être le seul en mesure d’unifier la population diverse de la municipalité, qui s’élève à environ 850 000 habitants.
Dans une récente interview accordée au Times of Israel à son domicile situé dans le quartier huppé de Rehavia, Lion, mesuré, semble dédaigner le défi que constitue le nombre important de candidats à la mairie.
L’un d’entre eux est le ministre de Jérusalem, Zeev Elkin, poids lourd du Likud soutenu par Barkat, qui devrait probablement bénéficier de l’appui convoité du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Elkin cherche lui aussi à s’attacher le vote des Haredim, et comme Lion, c’est un homme de droite. Orthodoxe moderne, il n’est pas originaire de la ville.

« Il n’est pas un homme d’action » et ne possède « pas d’expérience de gestion », dit Lion, ancien directeur-général du bureau du Premier ministre en évoquant Elkin.
La communauté ultra-orthodoxe – qui avait largement soutenu Lion en 2013 dans la course à la mairie – peut aussi trouver un candidat qui lui soit propre, probablement Yossi Deitch, membre du conseil.
Il parierait peut-être sur la division entre les votes laïques et orthodoxes libéraux, dispersés entre une poignée de candidats. Lion souligne le soutien dont il a bénéficié de la part de certains pans de la communauté ultra-orthodoxe : « C’était le cas il y a cinq ans, et cela sera encore le cas ».
Candidat indépendant, Lion n’a pas encore reçu d’appuis politiques officiels de hauts responsables, pas même de ses alliés de longue date, Aryeh Deri et Avigdor Liberman – leaders de Shas et de Yisrael Beytenu – ni de Netanyahu, son ancien patron, ou des factions haredies de Jérusalem, même s’il prédit avec confiance qu’il obtiendra tous ces soutiens. En 2013, il avait reçu la confiance d’une grande partie de la communauté haredie de la ville – mais pas celle de Netanyahu.
Barkat, le maire sortant, se met dorénavant en quête d’un siège à la Knesset; d’autres – principalement Elkin et, la semaine dernière, la députée du parti Koulanou Rachel Azaria, ancienne adjointe au maire de Jérusalem – espèrent faire le chemin inverse. Lion affirme ne nourrir aucune autre ambition politique que celle de la mairie.
« Je ne considère absolument pas la mairie comme un tremplin politique. Je n’ai pas l’intention de chercher un autre rôle public. Si c’était ce que je voulais faire, je l’aurais fait depuis longtemps, je serais devenu ministre au gouvernement et je serais entré à la Knesset. Ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse, c’est de devenir maire de Jérusalem, c’est de m’investir autant que possible dans la qualité de vie des citoyens », explique-t-il.

Dimanche dernier, Azaria est entrée dans l’arène, rejoignant Elkin, Lion et le candidat de Hitorerut, Ofer Berkovitch, considéré comme un outsider possible lors du scrutin.
Parmi les candidats, il y a aussi Yossi Havilio, ancien conseiller juridique municipal devenu fervent détracteur de Barkat, le peu connu Avi Salman, et le député de l’Union sioniste Nachman Shai (qui réside à Mevasseret Zion, hors de Jérusalem) et qui a récemment annoncé dans une interview accordée à la radio qu’il se présenterait à la tête de la mairie mais qu’il n’a pas encore officiellement fait part de sa candidature.
Jérusalem Est : « Un échec qui porte sur des décennies »
Allié à des politiciens issus de la droite de l’échiquier politique, et partisan affirmé de l’unification de Jérusalem, Lion insiste, lors de l’interview, sur le fait qu’il est grand temps de procéder à des investissements dans les quartiers arabes de la ville, négligés depuis trop longtemps.
« Sur la question de Jérusalem Est, c’est un échec qui porte sur des décennies. L’argent investi dans les infrastructures n’a pas été suffisant et nous devons rattraper ces retards et construire autant d’infrastructures que nous le pourrons pour faire en sorte que ces quartiers soient à égalité avec les quartiers ouest de la ville », dit Lion, qui détient le portefeuille des quartiers au conseil municipal.

Les quartiers de Jérusalem Est « ont connu des améliorations ces dernières années, mais nous avons assurément besoin de plus de fonds dans le budget, de manière à ce que les progrès soient vraiment significatifs. Pour que toutes les écoles disposent d’un terrain de basket, d’un terrain de football, d’un terrain de jeux pour les enfants », ajoute-t-il.
« Aujourd’hui, malheureusement, dans la plupart des écoles de Jérusalem Est, il n’y a pas d’endroit où les enfants peuvent jouer. C’est triste à voir et c’est quelque chose dont il faut s’occuper ».
Augmenterait-il considérablement les budgets de Jérusalem Est s’il était élu ? « Absolument », répond Lion.
Les résidents de Jérusalem Est, qui constituent, selon les estimations, environ 40 % de la population de la ville – qui compte 850 000 habitants – boycottent les élections locales depuis cinq décennies.
Aujourd’hui, et même si le responsable du quartier de Sur Baher, Ramadan Dabash, a fait savoir qu’il se présenterait à un siège au conseil municipal, il n’y a pas de candidat arabe à la mairie et aucune indication qui laisserait croire à une fin de ce boycott arabe, qui est appliqué depuis qu’Israël a pris Jérusalem Est pendant la guerre de 1967.

Lors de l’entretien, Lion – ancien chef de l’Autorité chargée du développement de Jérusalem – promet également de construire des centres dédiés à l’emploi à Jérusalem Est, disant que « plus le niveau économique sera élevé, plus le terrorisme baissera ».
Séduire le secteur high-tech et les jeunes Israéliens
Les pôles consacrés à l’emploi à Jérusalem Est entrent dans le cadre de mesures plus larges envisagées par Lion, qui explique qu’il cherchera à courtiser les start-ups, les entreprises et les instituts d’enseignement supérieur grâce à des incitations financières et fiscales. Objectif : les amener à s’implanter au sein de la municipalité afin de transformer la capitale défavorisée – plus de la moitié des enfants qui y résident vivent sous le seuil de pauvreté – en « poumon économique ».
Au coeur de sa campagne, l’arrêt de l’exode « douloureux », chaque année, de près de 8 000 résidents de Jérusalem hors de la ville. De nombreux jeunes Israéliens se trouvent obligés de déménager en banlieue en raison des prix du logement prohibitifs dans la capitale, ou trouvent simplement des opportunités de carrière plus lucratives dans la région du Gush Dan, le centre économique du pays.
« Le maire aurait dû se tenir à l’entrée ou à la sortie de la ville et mettre un terme par la force à cette tendance. Et c’est bien ce que j’ai l’intention de faire », note-t-il.

Selon les données transmises par le Bureau central des statistiques en 2016, la plus grande partie des expatriés de Jérusalem se sont installés à Beit Shemesh (10,8 %), puis à Tel Aviv (8,5 %), Givat Zeev (5,9 %), Beitar Illit (5,1 %) et Bnei Brak (3,7 %). Jérusalem reste toutefois une ville jeune, selon CBS : la moitié de ses habitants est âgée de moins de 24 ans.
Pour lutter contre cet exode, Lion propose d’attirer plus d’entreprises – particulièrement dans le secteur high-tech – grâce à des incitations financières et fiscales dont un grand nombre, précise-t-il, existent déjà mais n’ont pas encore eu d’impact.
Il veut également faire de Jérusalem un centre plus important en termes de vie universitaire et étudiante, en faisant venir les institutions d’enseignement supérieur plus petites réparties actuellement à travers le pays, et propose même de financer la première année de scolarité des étudiants. Jérusalem accueille actuellement l’Université hébraïque, l’académie Bezalel et quelques autres instituts plus modestes.
« Je veux faire venir ces michlalot [instituts universitaires privés] ici, à Jérusalem, afin que les jeunes restent. Pour ce faire, je veux financer au moins une année d’étude pour les élèves, pour les maintenir ici ».

Concernant les prix du logement qui grimpent en flèche dans la capitale et le rythme des nouvelles constructions, d’une grande lenteur, Lion attribue les constructions à l’arrêt dans la capitale aux lourdeurs démocratiques de la mairie plutôt qu’à une véritable réticence à construire dans certains secteurs, dans un contexte d’inquiétudes diplomatiques et de pressions internationales.
« C’est vrai, c’est douloureux qu’il n’y ait pas de constructions entreprises à Givat Hamatos ou à Ramat Shlomo et à d’autres endroits, mais ce n’est pas à l’origine du départ des jeunes », explique-t-il, se référant aux quartiers juifs considérés comme appartenant à Jérusalem Est par la communauté internationale.
« Il est vrai que ces unités de logement auraient été utiles mais le problème réel se trouve aussi dans [d’autres] quartiers », poursuit-il. Il jure de restructurer les démarches administratives.
Citant un seul projet de construction de renouvellement urbain entrepris dans le quartier de Kiryat Moshe, à Jérusalem Ouest, qui aura mis 14 ans à être terminé – il aura même précédé le règne de 10 ans de Nir Barkat – il estime que la situation « exige des explications ».
Shabbat et le mont du Temple
Sur le dossier lié à la fermeture des entreprises le jour du Shabbat, Lion dit qu’il s’en tiendra au statu quo — non aux commerces, oui aux lieux de divertissement et aux restaurants comme la promenade First Station (Tahanat rishona).
Il ne fait pas de commentaires sur le mont du Temple, même s’il dit avoir visité le site lorsqu’il était à la tête de l’Autorité du développement de Jérusalem et qu’il a trouvé cette expérience « intéressante et émouvante ». Il ne s’exprime pas non plus sur l’espace de prière égalitaire au mur Occidental.
« Tous ces problèmes du mont du Temple, du mur Occidental, je laisse le gouvernement les gérer », explique-t-il.
Le mont du Temple abrite le dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa, et il est considéré comme le troisième site le plus saint de l’islam. C’est le lieu le plus sacré dans le judaïsme, vénéré par les juifs comme un endroit remontant aux temps bibliques.
Se présentant comme un « adepte du vivre et laisser vivre », Lion clame être « celui qui unifiera » l’électorat fragmenté de Jérusalem qui, même s’il connaît des tensions politiques et religieuses occasionnelles, vit, selon lui, une existence relativement normale.
« En fin de compte, on constate qu’en général, les gens vivent pacifiquement, côte à côte », dit-il.
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