Comment Netanyahu, inculpé, a mis son procureur général sur le banc des accusés
Avec le début de son procès pour corruption, les partisans du Premier ministre sont passés à l'offensive et Avichai Mandelblit replonge dans un scandale vieux de dix ans

Au cours de sa longue carrière politique, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a ouvert de nouvelles pages de l’Histoire à de nombreuses occasions. Lorsqu’il avait remporté son premier mandat, en 1996, il était devenu le plus jeune Premier ministre depuis la fondation de l’Etat juif, et le premier à être né après son établissement. Le 20 juillet 2019, il est devenu l’homme ayant occupé le plus longtemps le poste de chef de gouvernement de toute l’histoire du pays.
Ce dimanche, lorsqu’il se tiendra sur le banc des accusés dans la salle d’audience d’un tribunal de Jérusalem pour y répondre de corruption, cela sera encore une fois une première historique pour un Premier ministre en exercice.
Toutes les personnes impliquées – et toutes les parties en lice dans le tumulte politique qui entoure en permanence Netanyahu – ont compris l’immensité du moment. Son refus de se retirer, comme il l’avait demandé, par ailleurs, à l’ex-Premier ministre Ehud Olmert lorsque ce dernier avait été accusé de corruption, ont fait entrer le tribunal et l’indépendance du système judiciaire dans la sphère de l’affrontement purement politique.
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Netanyahu a nourri la division en dénonçant un « coup d’Etat » perpétré par les enquêteurs et les procureurs, et il a su transformer ce qui, a-t-il clamé, était une « erreur judiciaire » en cri de ralliement pour ses partisans.
Que cette campagne de Netanyahu contre ses accusateurs relève de l’acte politique est une évidence. Le procès qui doit commencer dimanche représente un double défi pour le Premier ministre : un défi juridique personnel, tout d’abord, visant à prouver son innocence et à éviter la prison, et un défi politique pour empêcher que ce passage devant les juges n’en vienne à le déchoir de son poste de Premier ministre, avec une condamnation qui deviendrait centrale au cœur de ce qu’il laissera dans les livres d’histoire.
La majorité des accusés clament être innocents – mais ils ne sont pas nombreux à pouvoir mener des campagnes partisanes majeures à travers trois cycles électoraux dans le pays, des campagnes essentiellement consacrées à mettre en avant cette innocence. Et Netanyahu a excellé dans cette tâche, avec approximativement la moitié des électeurs israéliens qui ont démontré que soit ils croyaient en son innocence auto-proclamée, soit ils pensaient que sa force en tant que leader était plus importante que les faits dont il est accusé.

Cette réussite, Netanyahu la doit partiellement à une campagne sans relâche qui a pris pour cible son premier accusateur, le procureur général Avichai Mandelblit, et à un scandale qu’il a su ressortir des archives, appelé « l’affaire Harpaz », qui avait frappé de plein fouet le haut commandement militaire et avait valu au procureur de faire l’objet d’une enquête pour obstruction.
L’affaire Harpaz, l’histoire sans fin
Elle a été l’un des chapitres les plus étranges de l’histoire de l’armée israélienne et, malgré des enquêtes sans fin menées par des journalistes, la police, le contrôleur de l’Etat et autres, elle n’a jamais été résolue à ce jour.
En août 2010, la Deuxième chaîne (aujourd’hui la Douzième chaîne) avait révélé l’existence d’un document présentant en détail une campagne de relations publiques qui devait promouvoir le chef du Commandement du sud de l’époque, Yoav Gallant, à la fonction de chef d’état-major – en partie en salissant les autres candidats au poste, parmi lesquels figurait le chef d’état-major adjoint Benny Gantz.
Deux semaines après la diffusion du reportage, les enquêteurs de police avaient informé le procureur général Yehuda Weinstein que le document était un faux et qu’il avait eu pour objectif de saper la candidature de Yoav Gallant.
Personne ne sait réellement pourquoi Boaz Harpaz, agent des renseignements militaires à la retraite, avait contrefait ce document – il avait reconnu ultérieurement en être à l’origine. A-t-il agi seul, comme il l’a affirmé pendant tout son procès ? Ou tout cela était-il lié à l’animosité qui régnait alors entre le chef d’état-major en exercice Gabi Ashkenazi et le ministre de la Défense Ehud Barak, en particulier après le refus opposé par ce dernier, au mois d’avril de cette année-là, de prolonger le mandat de Gabi Ashkenazi au poste de chef de l’armée ?
Le chef d’état-major avait-il commandité ce faux pour tenter de torpiller la nomination de Yoav Gallant – celui qu’Ehud Barak avait choisi pour le remplacer ? C’était une possibilité choquante – cette possibilité que le chef de l’armée puisse s’engager dans un plan complexe et malhonnête pour contrecarrer la nomination de son successeur par son supérieur. Et si tel a été le cas, alors il s’agissait d’une sorte de « putsch », avaient clamé certains médias.

Ashkenazi n’avait pas été le seul suspect, c’est certain – seulement celui qui avait paru le plus porteur de scandale aux yeux du public. Les soupçons étaient tombés, à divers moments, sur des aides et même sur des membres de sa famille. Mandelblit qui, à l’époque, était avocat-général de Tsahal, avait été soupçonné d’avoir aidé Ashkenazi à gêner l’enquête, même s’il avait été ultérieurement blanchi de tout acte répréhensible.
Aucune preuve décisive n’avait jamais émergé permettant d’impliquer un autre coupable spécifique que Harpaz lui-même.
Barak devait choisir Gallant comme chef d’état-major, mais cette nomination a été torpillée par un autre scandale portant sur des violations présumées aux règles de zonage durant la construction de l’habitation de ce dernier. Et, finalement, le vice-chef d’état-major, Gantz, a été désigné au haut poste en février 2011.
Mais l’affaire aura paru être une histoire sans fin. Elle a entraîné de longues années d’investigation : avec, d’abord, les enquêtes initiales ordonnées par le procureur général de l’époque Weinstein ; puis avec le lancement d’une enquête par le contrôleur de l’Etat Micha Lindenstrauss, au mois d’octobre 2010, qui avait présenté son rapport final seulement en janvier 2013, en recommandant des investigations criminelles.
Le dossier, ouvert au mois de septembre 2013, a conduit à des interrogatoires d’anciens hauts-responsables de l’armée, et notamment de Mandelblit mi-2014.
L’enquête a ensuite été refermée, blanchissant tous les acteurs en lice, à l’exception de Harpaz, en décembre 2015 et janvier 2016. Chaque étape de ce roman-fleuve avait, bien sûr, été accompagné par un grand cirque médiatique.
Il y avait aussi eu les fuites. Malgré l’embargo imposé sur des preuves qui n’ont jamais été publiées à ce jour, des documents de l’enquête s’étaient échappés au fil des années, ravivant l’intérêt porté à l’affaire à chaque reprise.
Et enfin, il y avait les personnalités impliquées. Depuis, Ashkenazi est devenu ministre des Affaires étrangères, Gallant est ministre de l’Education et Mandelblit est procureur général. Et tant que des personnalités israéliennes aussi déterminantes resteront sous les feux des projecteurs, il est probable que quelqu’un aura toujours intérêt à soulever, encore et encore, les questions encore irrésolues qui hantent le dossier, une décennie plus tard.

« Une bombe »
Et c’est ainsi que le 8 mai, la présentatrice Ayala Hasson, sur la Treizième chaîne, a lancé une bombe politique en révélant les contenus présumés d’une retranscription d’un échange téléphonique datant du 26 septembre 2010 entre Mandelblit – alors avocat-général de Tsahal – et le chef d’état-major Ashkenazi, un échange pendant lequel les deux hommes discutent de l’enquête.
« Je veux que la conversation de Mandelblit soit médiatisée », a dit Hasson au cours de la diffusion de la retranscription qui reste placée sous embargo.
Elle a affirmé que Mandelblit tentait d’empêcher la publication de cette retranscription – classée par les procureurs en 2014 comme étant une pièce inadmissible pour cause d’écoute clandestine, aucune des deux parties n’ayant conscience, à ce moment-là, d’être enregistrées (les appels téléphoniques et les conversations sont habituellement enregistrés au bureau du chef d’état-major mais Ashkenazi avait demandé à son assistant de ne pas enregistrer l’entretien entre les deux hauts-responsables militaires. Pour une raison indéterminée, l’enregistrement n’avait pourtant pas été stoppé).
« J’ai déjà reçu des messages envoyés par Mandelblit, et il a fait en sorte que les gens écrivent toutes sortes de choses », a clamé Hasson. « C’est dramatique, c’est une bombe, et j’attends de tous mes collègues journalistes de relayer cette information, cette conversation dans laquelle l’avocat-général militaire Mandelblit dit à Ashkenazi que ‘je le ferai fermer pour vous’. De sa propre voix. ‘Je m’assurerai que mon adjointe le fasse fermer – je lui en donnerai l’instruction. Je m’assurerai que Shuki Lamberger [procureur d’Etat] sera bien là [aux côtés de Weinstein] et qu’il fera pencher la balance en votre faveur.' »

Elle a continué en disant : « Et Ashkenazi lui répond : ‘Le commissaire de police est de notre côté, il s’occupe de nous et il a promis qu’il s’occuperait de nous.' »
Cela a été un moment saisissant de télévision et les médias israéliens, vigoureusement partisans, se sont immédiatement divisés en deux camps entre, d’un côté, ceux qui ont décrié la violation d’un embargo par Hasson et un encouragement donné à la campagne de Netanyahu contre ses procureurs et, de l’autre, ceux qui ont insisté sur le fait que la découverte que le numéro un du système judiciaire ait pu, dans le passé, couvrir des crimes commis par des responsables militaires, n’avait aucune conséquence sur ce qui pourrait résulter des dossiers pour corruption de Netanyahu.
Et il est inutile de dire que ces deux camps se sont formés sur des lignes tristement prévisibles.
Les révélations de Hasson ont suffi à donner un second souffle à la campagne de Netanyahu, ses partisans prétendant dorénavant que le procureur général avait été pris la main dans le sac en train de comploter l’obstruction de l’enquête criminelle initiale dans le cadre de l’affaire Harpaz en remontant aussi loin qu’au mois de septembre 2010.
Mais, comme cela a été le cas pour tous les autres points de l’affaire Harpaz, cette révélation a fait beaucoup de bruit, sans pour autant apporter beaucoup d’informations. Hasson elle-même a reconnu que ses propos avaient voulu être une paraphrase de ce que contenait la retranscription, et elle a réclamé sa diffusion.
Mandelblit a-t-il dit à Ashkenazi, dans l’appel enregistré, qu’il utiliserait ses connexions, au sein du bureau du procureur d’Etat, pour « faire pencher les choses en notre faveur » ? Ou – comme c’est le cas lorsqu’un avocat s’adresse à son supérieur ou à un client – a-t-il simplement promis de représenter Ashkenazi et l’armée d’une manière susceptible de les épargner de tout préjudice ? La paraphrase utilisée par Hasson n’est pas suffisamment claire ou fiable pour être un début de réponse à cette question.

De la même manière, on peut aussi présumer ce qu’a voulu dire Ashkenazi en clamant que le chef de la police israélienne était « avec nous », comme l’a dit la paraphrase de Hasson.
Le commissaire de police Dudi Cohen et le chef des enquêtes de la police avaient tous les deux rencontré Ashkenazi pour l’informer, en tant que dirigeant de l’armée, sur la conduite de l’enquête avant cet appel au mois de septembre. Avaient-ils offert une oreille sympathique – ou ouverte à la conspiration ?
En fait, une enquête policière ultérieure devait recommander des accusations d’obstruction à l’encontre d’Ashkenazi et de Mandelblit, suggérant que si Ashkenazi pensait que Cohen était « avec nous », il était dans l’erreur.
Les soupçons contre Mandelblit
Mandelblit est une personnalité accessoire dans l’affaire Harpaz originale, mais il est resté au cœur de l’histoire depuis dix ans. La raison est manifeste : l’affaire a refait surface grâce à ceux qui ont pu mettre en doute l’aptitude de Mandelblit à poursuivre en justice le Premier ministre.
Et pourtant, le fait que le dossier réapparaisse sous la poussée d’intérêts politiques particuliers ne signifie pas pour autant que la responsabilité des plus hauts responsables judiciaires de la nation puisse être mise de côté et ne pas être examinée.

Alors de quoi Mandelblit est-il accusé ?
Weinstein avait nourri deux principaux soupçons sur l’avocat-général pendant l’enquête.
En premier lieu, il avait soupçonné que Mandelblit avait tenté de reporter les enquêtes initiales au mois d’août 2010 en informant de manière incorrecte l’assistant de Weinstein, Raz Nizri, qu’Ashkenazi ne possédait pas de copie du document de Harpaz.
Mandelblit avait indiqué à Nizri, le 9 août, trois jours après la diffusion initiale de la Deuxième chaîne, qu’il ne savait pas où il pourrait obtenir une copie du document pour les enquêteurs, recommandant vivement aux procureurs de l’Etat qu’ils se tournent vers la Deuxième chaîne pour en obtenir une. Pendant la matinée suivante, sollicité par Mandelblit, Ashkenazi avait appelé Weinstein, admettant en avoir une copie – et l’avoir entre ses mains depuis de nombreuses semaines. Mandelblit avait clamé qu’il l’ignorait lorsqu’il s’était entretenu, la veille, avec Nizri.
Le second soupçon, soulevé en partie par la retranscription du fameux appel téléphonique du 26 septembre 2010 qui a depuis été cité par Ayala Hasson, est que Mandelblit serait intervenu dans l’enquête en informant un Ashkenazi nerveux sur les progrès des investigations – en utilisant des informations glanées auprès de collègues au sein du bureau du procureur d’Etat.

Comme l’avait écrit Goldberg en 2014, recommandant l’ouverture d’une enquête sur Mandelblit, les enregistrements suggéraient la possibilité que Mandelblit ait dit à Nizri un « pur mensonge » sur la possession du document par Ashkenazi et montré que « le chef d’état-major, s’inquiétant de l’éventualité que les investigations ne l’atteignent, a tenté d’extraire des informations auprès de Mandelblit ».
Au mois de septembre, la police avait recommandé d’inculper Mandelblit, ainsi que Harpaz, l’ancien porte-parole de l’armée israélienne Avi Benayahu et l’ancien aide d’Ashkenazi Erez Viner, pour obstruction et pour abus de confiance pour avoir été dans l’incapacité de communiquer tout ce qu’ils savaient aux enquêteurs au moment voulu.
Au mois de mai 2015, Weinstein avait décidé de fermer le dossier contre Mandelblit et un jugement ultérieur de la Haute cour de justice avait conclu qu’il n’avait « fait aucun mal ». Weinstein avait fait fermer les autres dossiers (à l’exception de celui de Harpaz) au mois de janvier 2016.
Toutefois, Weinstein avait vivement recommandé à Netanyahu de réfléchir une nouvelle fois à la nomination au poste de secrétaire de cabinet de Mandelblit en raison des questionnements entourant sa conduite dans l’affaire. Des recommandations que Netanyahu avait ignorées, choisissant de nommer son allié de l’époque à la fonction de procureur général pour succéder à Weinstein.
Le retour de Harpaz
Revenons au mois de novembre 2019 et à l’annonce faite par Mandelblit qu’il inculperait Netanyahu pour corruption dans les Affaires 1000, 2000 et 4000.
Peu après l’annonce, Netanyahu était passé à la télévision nationale pour déclarer que la police et le système judiciaire dans son ensemble, Mandelblit à sa tête, tentaient de commettre un coup d’Etat.

« Je respecte profondément le système judiciaire en Israël. Mais il faut être aveugle pour ne pas voir que quelque chose de mauvais a saisi les enquêteurs de police et les procureurs d’Etat. Nous assistons à une tentative de coup d’Etat de la part de la police qui fait usage de fausses accusations », avait déclaré Netanyahu.
Et cela a été le thème adopté par la campagne politique de Netanyahu depuis. Quelque chose était pourri – non pas dans le comportement de Netanyahu mais bien dans celui des procureurs qui l’avaient pris en chasse.
Le 17 février 2020, avant les révélations de Hasson, la Treizième chaîne a diffusé un reportage « exclusif » sur des retranscriptions « récemment révélées » concernant le rôle tenu par Mandelblit dans l’affaire Harpaz.
Les retranscriptions n’étaient pas nouvelles. La majeure partie avait été publiée dans d’autres médias, notamment dans le quotidien Haaretz, dès 2014. Mais elles ont entraîné un intérêt tout nouveau porté à l’affaire Harpaz parmi les partisans de Netanyahu – un intérêt encouragé, cela va sans dire, par Netanyahu lui-même.
Cet intérêt est devenu de plus de plus fort et véhément au fur et à mesure que la date du procès de Netanyahu se rapprochait.

Mercredi, Netanyahu s’est tourné vers Twitter pour partager une tribune écrite par un chroniqueur du journal Israel Hayom – qui ne se cache pas être un soutien du Premier ministre et est surnommé « bibiton », le journal de bibi, surnom de Netanyahu et « iton » journal en hébreu – exigeant que Mandelblit autorise la publication de tous les contenus de l’enquête Harpaz le concernant ou, le cas échéant, la démission du procureur général.
Parmi d’autres tweets du Premier ministre, jeudi, une tribune clamant qu’il était la victime d’un procès-spectacle éminemment politique et une mise en garde lancée par l’intellectuelle et professeure de droit respectée Ruth Gavison qui estimait que l’attention médiatique spectaculaire autour des enquêtes sur Netanyahu signifiait que ce dernier n’avait « aucune chance d’obtenir un procès équitable ».
Certains soutiens de Netanyahu se sont montrés moins délicats, empruntant à la rhétorique employée autour du président Donald Trump pour dénoncer le complot d’un « Etat profond », partageant des photos de Mandelblit en habit de prisonnier et envoyant des menaces de mort au procureur général – des menaces qui font aujourd’hui l’objet d’une enquête de la police.
« Nous n’avons pas eu accès à cette cassette »
Mandelblit a répondu à cet article du 20 février, qui s’était concentré sur son entretien avec Nizri, lors d’une discussion lors d’une conférence à Beer Sheva, le 24 février. Disant que les plaintes à son encontre étaient « recyclées », il a noté que son rôle dans l’affaire Harpaz avait été porté en justice à maintes et maintes reprises et que son innocence avait été établie à chaque fois.
« Ma réponse détaillée aux accusations soulevées par mes actions dans cette affaire ont été présentées au comité de recherche [qui avait approuvé en 2015 sa nomination au poste de procureur général] qui était dirigé par le magistrat Asher Grunis et devant la Haute cour de justice [début 2016], qui avait entendu les plaintes contre ma nomination dans le cadre d’un panel inhabituellement large de cinq juges ».

Il a ajouté que « les cinq membres du comité de recherche – tous – ont tiré la conclusion qu’il n’y avait rien dans les accusations contre ma conduite dans l’affaire Harpaz susceptible d’empêcher ma nomination au poste de procureur général. C’est également ce qu’ont conclu les cinq magistrats de la Haute cour de justice après avoir entendu les plaintes contre ma nomination et après avoir examiné tout ce qui m’était reproché, en écoutant notamment les personnes liées à l’affaire ».
Malheureusement pour Mandelblit, il n’apparaît pas clairement que ce soit vrai – que le comité de recherche ou la Haute cour aient ouvert le dossier qui avait été clos par Weinstein ou que les deux instances aient examiné l’enregistrement prétendument accablant cité par Hasson.
Comme l’a dit l’ex-ministre de la Justice du Likud Moshe Nissim, qui était membre du comité de recherche, mercredi à Israel Hayom, « nous n’avons pas eu accès à cette cassette [mentionnée par Hasson] et nous ignorions même qu’elle pouvait exister. Nous savions seulement que le procureur général Weinstein avait décidé de clore le dossier. Il y avait eu des plaintes liées à Ashkenazi, mais le dossier avait été fermé par le procureur général Weinstein ».
Nissim a ajouté que « si un tel enregistrement existe… on ne peut pas l’ignorer. Il aurait dû être présenté devant le comité. Peut-être que si l’enregistrement nous avait été présenté directement, nous aurions pris des décisions différentes » concernant la nomination.
Nissim a ajouté que Mandelblit a été « blanchi au niveau pénal. Il n’y avait pas de preuves pour une mise en examen. Mais les procureurs n’ont pas tenu compte de l’aspect éthique. Je ne peux pas vous dire comment j’aurais agi [si j’avais eu la cassette] parce que ma réponse et mon vote auraient dépendu du contenu entier de l’enregistrement ».

Nissim a pointé du doigt les fuites régulières des enquêtes sur Netanyahu en direction des médias dans les affaires pour corruption.
« Depuis quatre ou cinq ans maintenant, il ne s’est pas passé un jour où Netanyahu n’a pas été poursuivi par ces fuites [émanant des procureurs] et personne n’a rien fait pour que cela cesse. Et maintenant, on refuse de diffuser cet enregistrement ? Cela fait naître le soupçon qu’il y a quelque chose qu’on cherche à dissimuler volontairement au public. »
Le brouillard de la guerre
Toute tentative de passer au crible les faits mentionnés dans les accusations contre Mandelblit se heurte automatiquement à la nature globalement partisane du débat.
Certains soutiens de Netanyahu insistent sur le fait que les poursuites intentées à son encontre sont, pour résumer, un complot.
Et ce n’est pas une exagération. Le 17 février, Israel Hayom avait publié une chronique écrite par Amnon Lord qui avait qualifié l’affaire Harpaz de « début de la route empruntée par Ashkenazi, Gantz et Mandelblit — pour écarter non seulement Gallant mais aussi Netanyahu ».

Lord avait déclaré que les trois généraux – la raison pour laquelle Gantz se trouvait soudainement partie dans l’affaire reste indéterminée – avaient formé une alliance il y a dix ans qui s’apparentait à un coup d’Etat militaire en douceur.
« Cela signifie que depuis 2010, nous avons une élite de la Défense qui n’accepte pas la règle de l’échelon politique », avait-il écrit.
Des partisans moins ambitieux du Premier ministre se sont écartés des discours reprenant des théories du complot compliquées et vieilles d’une décennie, suggérant plutôt que si Mandelblit avait réellement quelque chose à cacher dans son passé militaire, ainsi qu’Ashkenazi qui a été, jusqu’à la semaine dernière, l’un des opposants politiques les plus véhéments de Netanyahu – cela représentait un conflit d’intérêt suffisant pour que le procureur général se retire de la gestion du procès de Netanyahu.
Et pourtant, le simple fait que Israel Hayom se soit concentré à ce point sur Mandelblit, tout en ignorant le nouveau ministre des Affaires étrangères de Netanyahu, Ashkenazi — devenu un allié dans le cadre du gouvernement d’unité – démontre les implications politiques sous-jacentes présentes dans les inquiétudes à l’égard de l’éthique du procureur général.
Même Nissim, qui avait voté en faveur de la nomination de Mandelblit au poste de procureur général et qui dit maintenant que le comité n’avait pas examiné de manière sérieuse son implication dans l’Affaire Harpaz, est un ancien ministre du Likud qui, la semaine dernière, a fait un discours saluant le ministre de la Sécurité intérieure, Amir Ohana, issu lui aussi des rangs de la formation du Premier ministre, pour sa défense fervente de Netanyahu contre les procureurs.
Mandelblit dit avec force que la campagne menée à son encontre n’est pas justifiée et qu’elle doit être ignorée au moins jusqu’à l’examen de ses dires, et sans lien avec le procès de Netanyahu. Au vu de l’histoire tumultueuse et confuse de l’affaire Harpaz, il est probable qu’au moins une partie des preuves qui n’ont pas encore été publiées et qui ont été collectées dans le cadre de l’enquête seront suffisamment vagues pour être interprétées d’une manière ou d’une autre – exonérant ou impliquant Mandelblit selon les caprices politiques. Il n’y a aucune chance, quoi qu’il advienne, que la diffusion des preuves aujourd’hui, si elle doit avoir lieu, ne sera pas mal représentée par les mêmes forces qui la réclament actuellement.

Mais les critiques de Netanyahu ont également un argument fort – un argument qui n’exige pas une théorie du complot telle qu’imaginée par Amnon Lord pour avoir une crédibilité.
La querelle âpre qui oppose Mandelblit et le procureur d’Etat en titre Dan Eldad, qui avait été nommé par l’allié de Netanyahu et le ministre de la Justice du gouvernement de transition Amir Ohana, illustre parfaitement cet argument.
Cette querelle avait été portée à son apogée quand Mandelblit avait envoyé un courrier au commissaire du service civil Daniel Hershkowitz s’opposant au prolongement du mandat d’Eldad, parce qu’il avait montré des « failles morales, professionnelles et administratives » pendant les deux mois qu’il avait passés à son poste.
Eldad avait répondu à ces critiques sans précédent en fustigeant le procureur général.
Les critiques de Mandelblit étaient « infondées », avait-il clamé, laissant entendre qu’elles reflétaient l’anxiété d’un coupable. Le procureur général réagissait à ce moment-là à des informations « inquiétantes » qu’Eldad avait collectées à son sujet, avait dit ce dernier.

Avant les vacances de Pessah, avait ajouté Eldad, il avait reçu une requête émanant d’un journaliste de la Treizième chaîne, réclamant la réouverture de l’enquête sur l’affaire Harpaz.
« Pour répondre à cette demande, j’ai demandé à réexaminer les matériaux existants sur l’affaire au bureau du procureur d’Etat. Ces matériaux ont formé une image qui semble inquiétante de la manière dont Mandelblit a géré le dossier », a dit Eldad. « J’ai informé les parties concernées de mon intention d’enquêter davantage sur l’affaire avant de répondre à la requête. »
Il a ajouté que cela ne faisait à ses yeux « aucun doute » que ces faits étaient à l’origine de la formulation « violente et dénaturée » du communiqué de Mandelblit.
« Depuis le premier jour… Avichai Mandelblit a fait tout ce qui était possible pour saboter mon travail et interférer dans ma conduite », a-t-il continué.
Un procureur d’Etat nommé par un confident de Netanyahu aura donc pris une décision majeure au cours des trois mois passés à sa fonction – celle de rouvrir l’affaire Harpaz en se concentrant sur les agissements de Mandelblit.
Comme l’a noté l’analyste politique Amit Segal, plutôt à droite, il est difficile d’imaginer que l’intérêt soudain porté par Eldad à l’affaire Harpaz ait trouvé son origine dans son engagement à faire respecter la loi.

Sauf que Dan Eldad était, jusqu’à une date récente, un partisan enthousiaste de l’équipe dirigée par l’ex-procureur de l’Etat Shai Nitzan — le défenseur le plus ardent des enquêtes sur Netanyahu – et qui, sans relâche, a enquêté sur les actes de corruption présumés des politiciens.
Au mois de décembre, lors de la cérémonie de départ à la retraite de Shai Nitzan, organisée au ministère de la Justice, Dan Eldad avait rendu un hommage vibrant à son supérieur : « Dans les jours sombres qui ressemblaient à une nuit interminable, dans laquelle les autorités du système judiciaire se défendaient contre des forces terribles, vous avez lutté grâce à votre connaissance extraordinaire du droit et vous avez combattu pour préserver ce qui fait la grandeur de ce pays. »
Est-il possible que le passage de Dan Eldad du poste de procureur pour les crimes économiques à celui de procureur de l’Etat ait eu quelque chose à voir avec ses engagements professionnels apparemment souples, ou avec le fait qu’il faisait partie de l’équipe de procureurs qui a enquêté sur l’affaire Harpaz dès les premiers stades – c’est-à-dire qu’il semblait parfaitement convenir à la campagne lancée par Netanyahu après l’annonce de sa mise en examen un mois plus tôt ?
Les revendications du Likud ne se sont pas arrêtées avec la révocation de Dan Eldad de son poste le 1er mai, bien sûr.
Rien que jeudi, le ministre du Likud David Amsalem a déclaré à la radio de l’armée que « d’après les enregistrements » – des enregistrements qu’il n’a pas écoutés – « personne ne conteste que Mandelblit est prétendument un criminel. Ce qui s’est passé ici doit être examiné ».

Lorsque Avi Nissenkorn, le nouveau ministre de la justice de Kakhol lavan, a répondu sur Twitter que ce dernier avait franchi une « ligne rouge » en qualifiant le procureur général de « criminel », le député Likud Shlomo Karai a doublé la mise.
« La ligne rouge a été franchie lorsque le procureur général a reçu de vous la charge de devenir son propre contrôleur » – avec la destitution de Dan Eldad, Avichai Mandelblit a assumé le rôle de procureur de l’Etat par intérim, et a donc le pouvoir de garder les enregistrements sous scellé – « et se cache derrière un grand mur d’ordonnances d’embargo que vous continuez à fortifier », a accusé Shlomo Karai.
Et il a juré : « Nous continuerons à revendiquer cela, à en informer le public, jusqu’à ce que Mandelblit… demande la levée de l’embargo – ou rentre chez lui. »
Le procureur général pense que la publication de preuves vieilles de 10 ans dans l’affaire Harpaz l’ouvre à de nouvelles manipulations politiques de la part d’un camp pro-Netanyahu déterminé à miner sa crédibilité. Mais il devient de plus en plus évident que ne pas le faire pourrait avoir le même résultat, tout en empêchant les militants et les forces politiques qui le soutiennent de le défendre avec vigueur.
Ou comme l’a dit Baruch Kra, analyste juridique de la Treizième chaîne et défenseur acharné de Avichai Mandelblit, dans un tweet du 9 mai, un jour après les révélations de sa collègue Ayala Hasson : « Toutes les cassettes Mandelblit-Ashkenazi doivent être publiées, et à leur initiative et à leur demande. Mieux vaut faire face une fois à toute critique qui découle de ces conversations que de traiter pour l’éternité les critiques sur leur dissimulation. C’est aussi simple que cela. »
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