Commission électorale au Likud : signez la loi contre la manipulation électorale
Le juge en charge des élections d'avril demande au Premier ministre d'arrêter de bloquer la loi sur la transparence qui doit s'étendre à la propagande en ligne
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
La Commission électorale centrale a ordonné dimanche au Likud de s’engager à voter sur la législation étendant les lois actuelles sur la propagande aux contenus en ligne, ou alors, d’accepter un accord entre les partis les obligeant de préciser quand ils sont à l’origine d’un contenu en ligne dans le cadre de leur campagne.
Le président de la commission, le juge de la Cour suprême Hanan Melcer, a déclaré que le parti au pouvoir devait dire d’ici mardi s’il lèvera son opposition à un projet de loi qui attribuerait des compétences judiciaires à l’autorité en charge du scrutin national permettant d’empêcher l’ingérence en ligne qui « pourrait présenter une menace directe pour la démocratie israélienne. »
La protection juridique des électeurs en Israël émane principalement du code électoral (Propaganda Methods) de 1959, rédigé avant l’avènement d’Internet et encadrant à l’origine l’allocation des spots radio, dans les avions, les bateaux et des affichages publics. La loi a été amendée depuis pour s’étendre à la télévision, aux stations de radio régionales et aux sondages publics, mais pas encore à Internet.
Dimanche, le Likud a repoussé tous les efforts menées pour appliquer un socle basique de normes de transparence sur les campagnes en ligne.
Quelques jours après la révélation de la possession de renseignements par le Shin Bet mettant en cause un pays étranger et sa volonté d’influencer les élections d’avril en intervenant en ligne, la Commission s’était réunie pour la première audience publique de ce cycle électoral afin de de débattre d’une pétition appelant à l’instauration de ces normes par l’adoption d’une loi.
En novembre 2017, une commission présidée par l’ancienne présidente de la Cour suprême, Dorit Beinisch, et chargée de revoir la législation électorale, a présenté une proposition accordant plus de pouvoir et d’outils juridiques à la Commission électorale centrale pour empêcher la manipulation en ligne.
Le Likud bloque actuellement un projet de loi issu de cette proposition. Des sources ayant une connaissance directe du processus législatif ont rapporté au Times of Israel que cela résultait d’une demande personnelle de Benjamin Netanyahu.
Le projet de loi, qui ne nécessite qu’un seul vote supplémentaire en séance plénière pour entrer en vigueur, s’attaquerait spécifiquement aux fake news en forçant les auteurs de tout contenu politique rémunéré, y compris les commentaires, à s’identifier publiquement — ce qui s’appliquerait à la fois à Internet et aux outils de campagne traditionnels comme les affiches.
Lors de sa présentation de la pétition à la commission, l’avocat Shachar Ben-Meir a expliqué que la loi assurerait un service vital aux électeurs avant le scrutin en leur donnant des outils pour repérer les fake news, et la propagande électorale.
« Nous souhaitons simplement que les citoyens puissent savoir quand ils ont à faire à du contenu de campagne et qui se cache derrière. Nous ne demandons pas à intervenir dans ces contenus, mais juste à savoir clairement qui en est à l’origine », a-t-il ajouté.
Après les révélations du Shin Bet, Netanyahu a affirmé aux journalistes la semaine dernière : « Israël est prêt à contrecarrer une cyber-intervention, nous sommes prêts à tout scénario et aucun pays n’est plus préparé que nous. »
La Commission électorale centrale israélienne a déclaré la semaine dernière qu’elle préparait un plan d’action pour contrecarrer toute tentative d’ingérence étrangère dans les élections législatives du 9 avril. Mais comme Giora Pordes, le porte-parole de la commission, l’a admis au Times of Israel, celle-ci ne dispose actuellement pas des outils nécessaires pour empêcher de telles activités.
Tandis que des représentants des autres grands partis israéliens ont indiqué dimanche qu’ils voteraient la proposition de loi, le conseiller juridique du Likud, Avi Halevi, a lui déclaré qu’il « n’était pas réaliste » de faire avancer une telle législation « sous la contrainte ».
Même s’il admet que la législation actuelle était obsolète, il explique que le parti au pouvoir ne pouvait pas accepter de soutenir les changements proposés de façon « précipitée et imprudente ». « Nous la soutiendrons, mais cela prendra du temps, je ne sais pas combien. »
« Nous avons un planning clair : avant les élections », a répondu Melcer, précisant à Halevi que si le parti ne s’y engageait pas, la commission entamerait les délibérations sur un accord ad hoc entre les partis pour s’attaquer à l’anonymat des contenus de campagne financés en les considérant comme une violation d’une clause spécifique de la loi électorale, qui feront ainsi l’objet d’amendes.
Tehilla Shwartz Altshuler, experte en technologie à l’Institut israélien de la démocratie, un organe apolitique, a dit à la commission qu’une telle décision n’allait pas assez loin, mais qu’elle serait mieux que rien.
« Nous faisons face à un degré de manipulation encore jamais vu auparavant », a-t-elle averti. « Nous savons qu’il existe des difficultés législatives, mais il est nécessaire, dans l’immédiat, de protéger nos élections et notre démocratie. »
Sue Surkes a contribué à cet article.