Croix Rouge : L’usage de balles réelles à Gaza cause « une crise sans précédent »
Avec plus de 13 000 blessés, la charge de travail issue de sept semaines de violentes manifestations dépasse celle de la guerre de 2014, affirment les responsables

L’usage de balles réelles par Israël contre des manifestants-émeutiers palestiniens dans la bande de Gaza a amené les personnels de santé à gérer une crise sans précédent, avec plus de 13 000 blessés, selon un haut-responsable de la Croix-Rouge.
Au moins 132 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens depuis le 30 mars, début d’un mouvement de protestation dans l’enclave sous contrôle du mouvement terroriste islamiste Hamas, le long de la frontière. Israël a indiqué que la majorité des personnes tuées appartenaient à des groupes terroristes, et que parmi eux, un grand nombre se préparait à commettre un attentat ou à tenter d’ouvrir des brèches dans la clôture frontalière lorsqu’ils avaient été pris pour cible. Le Hamas et le Jihad islamique palestiniens ont reconnu que des douzaines de victimes étaient issues de leurs rangs.
La « grande majorité des blessés hospitalisés sont atteints sérieusement, certains souffrant de multiples blessures par balles », a précisé à des médias à New York Robert Mardini, responsable pour le Moyen-Orient au Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
« C’est une crise d’une ampleur sans précédent dans la bande de Gaza », a affirmé Robert Mardini.
La charge de travail pour les secouristes et personnels médicaux dépasse la guerre de 2014 entre Israël et le Hamas, a-t-il ajouté. La Croix-Rouge internationale prévoit d’ouvrir une nouvelle unité de 50 lits à l’hôpital de Gaza, a précisé le responsable.
Quelque 1 400 Palestiniens ont été touchés chacun par trois à cinq balles, principalement dans les jambes, ce qui exige des interventions chirurgicales d’orthopédie et de reconstruction complexes, a-t-il indiqué.
Israël, pour sa part, a maintenu que l’utilisation de balles réelles était nécessaire pour défendre ses frontières et empêcher les infiltrations. L’Etat juif accuse l’organisation terroriste du Hamas de chercher à utiliser les manifestations comme couverture pour des attentats.

Mardini a ajouté que la Croix Rouge s’entretenait avec les forces de sécurité israéliennes pour réduire au maximum les préjudices subis par les civils.
Pour sa part, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a fait circuler un document avertissant d’un risque de guerre entre les Palestiniens et Israël dans un rapport remis récemment au Conseil de sécurité, déplorant également le nombre de Palestiniens tués et blessés par les tirs israéliens durant les manifestations sur la frontière, a fait savoir l’AFP lundi.
Son document écrit, réclamé de longue date par certains membres occidentaux de l’ONU et obtenu par l’AFP, a été remis la semaine dernière au Conseil de sécurité dans la perspective d’une réunion mensuelle sur le Proche-Orient programmée mardi.
Guterres a déclaré devant le Conseil de sécurité qu’il « condamne sans équivoque les initiatives prises par toutes les parties qui nous amenés dans cette situation dangereuse et fragile » dans le conflit israélo-palestinien.
Le rapport a été présenté au conseil la semaine dernière, avant une réunion qui a eu lieu mardi, consacrée à la crise.
L’aggravation du conflit est la pire depuis la guerre en 2014 entre Israël et le Hamas. « C’est et cela devrait être pour tous un avertissement sur le risque qui se rapproche d’une guerre », avertit le patron de l’ONU. « Je suis choqué par le nombre de morts et de blessés palestiniens en raison du recours aux balles réelles par les forces de défense israéliennes » depuis le début en mars de manifestations palestiniennes dans la bande de Gaza près d’Israël, ajoute-t-il.
Israël a le devoir d’ « exercer un maximum de retenue » et de protéger les civils en application du droit international, souligne-t-il dans son rapport.
« La mort d’enfants, ainsi que celle de journalistes clairement identifiés et de personnels médicaux causée par les forces de sécurité durant une manifestation est particulièrement inacceptable », a-t-il ajouté.

Deux journalistes palestiniens ont été tués alors qu’ils couvraient les manifestations au mois d’avril, tandis qu’une infirmière âgée de 21 ans est morte sous les balles début juin.
Guterres a renouvelé son appel à une enquête indépendante sur les morts à Gaza. Israël a rejeté cet appel et affirme que l’usage de la force est justifié pour défendre ses frontières.
Le chef de l’ONU a critiqué le Hamas et les groupes terroristes qui tentent de placer des explosifs à proximité de la clôture et pour des tirs de roquettes vers Israël, le 29 et le 30 mai.
Mais il a également fait part de son exaspération face aux « responsables du gouvernement israélien », et en particulier face au ministre de la Défense Avigdor Liberman, qui ont estimé que tous les Palestiniens étaient affiliés au Hamas, signalant une « politique permissive israélienne en ce qui concerne l’usage des balles réelles contre des manifestants ».

Une résolution de l’ONU adoptée la semaine dernière par l’Assemblée générale de l’ONU a âprement critiqué Israël mais n’a pas mentionné le Hamas. Un amendement américain qui cherchait à condamner également le Hamas a été bloqué et n’a donc pas été ajouté à cette mesure, malgré le large soutien dont il a bénéficié de la part de l’instance.
Le Hamas, qui a pris le contrôle de la bande de Gaza des mains de l’Autorité palestinienne en 2007, subit des pressions croissantes alors que l’enclave côtière se trouve au bord d’un effondrement économique et des infrastructures dont l’envoyé pour la paix au Moyen-Orient des Nations unies, Nickolay Mladenov, a déclaré qu’il allait « bien au-delà » d’une crise humanitaire.
Les malheurs de Gaza ont été exacerbés par un conflit en cours entre le Hamas et l’Autorité palestinienne qui a coupé les salaires versés aux fonctionnaires de Gaza et qui a imposé des sanctions variées, notamment l’arrêt des paiements des factures résultant de l’approvisionnement en électricité de l’enclave.
Israël et l’Egypte maintiennent un blocus sur la bande qui, selon eux, empêche le Hamas d’importer des armes et autres équipements susceptibles d’être utilisés pour construire des fortifications ou des tunnels transfrontaliers.

Les ministres israéliens chercheraient des moyens d’alléger la crise dans la bande pour désamorcer les manifestations hebdomadaires à la frontière qui sont considérée partiellement comme le résultat de la situation critique au sein de l’enclave.
Le mouvement de protestation avait connu son apogée le 14 mai, lorsque environ 40 000 Gazaouis avaient manifesté le long de la frontière et que des affrontements violents avaient eu lieu entre les soldats israéliens et les Palestiniens.
Lors du mouvement de protestation, les protestataires ont jeté des grenades, des dispositifs improvisés et des pierres contre les soldats, ils ont fait brûler des pneus et lancé des centaines de cerfs-volants et de ballons incendiaires sur le territoire israélien, allumant des douzaines d’incendies quotidiens qui ont détruit des milliers d’hectares de champs agricoles et de réserves naturelles.