Dans la bande de Gaza, le système D pour retaper les maisons avant l’hiver
De nombreux habitants de Khan Younès utilisent les - maigres - moyens du bord pour préparer leur logis alors que les températures ont commencé à baisser
Dans une bande de Gaza dévastée et ramenée « 70 ans en arrière » par plus d’un an de guerre, des Palestiniens retapent des maisons de bric et de broc pour passer l’hiver au chaud.
Au milieu de monceaux de débris, Abdelrahmane Abou-Anza mélange à même le sol du sable argileux orange avec de l’eau et pose à la main le mortier obtenu, érigeant ainsi un nouveau mur avec les pierres récupérées dans son ancienne demeure, aujourd’hui détruite.
« Notre maison était très vieille, elle datait de 1936 », explique-t-il, une casquette sur la tête pour se préserver de la lumière du soleil qui réchauffe encore la région.
« On a pu ramasser ces pierres pour reconstruire un mur qui nous protège, et après on reconstruira toute la maison », dit-il à l’AFP.
Autour de lui se dressent des bâtisses pas encore terminées mais déjà endommagées par la guerre que se livrent depuis plus d’un an Israël et le Hamas.
Comme Abdelrahmane Abou-Anza, de nombreux habitants de Khan Younès, ville du sud de la bande de Gaza, utilisent les – maigres – moyens du bord pour préparer leur logis alors que les températures ont commencé à baisser.
Beaucoup ont en tête l’hiver précédent durant lequel la pluie avait inondé les tentes des centaines de milliers d’habitants déplacés par les combats, les laissant encore plus vulnérables face aux nuits humides du territoire côtier.
« Vie primitive »
Avant la guerre, les matériaux de construction n’entraient déjà qu’au compte-goutte dans la bande de Gaza, les autorités israéliennes restreignant drastiquement l’importation de ciment – un bien à double emploi -, par exemple, de peur que les groupes armés l’utilisent pour fabriquer des tunnels d’attaques qui servent aussi à détenir les otages depuis le pogrom du 7 octobre.
Désormais, ils sont pratiquement interdits, et plusieurs organisations d’aide internationale ont réclamé, dès l’été, en prévision du froid à venir, leur retour sur la liste des produits autorisés.
« Il n’y a pas de ciment, donc l’alternative, c’est de revenir à ce qu’on faisait il y a 70 ans, à l’époque de nos ancêtres, qui construisaient avec de l’argile », souligne Mohammed Shanino, dont la maison de trois étages a elle aussi été détruite.
« Ils nous ont ramenés à une vie primitive. Gaza est revenu 60 ou 70 ans en arrière », dit-il en montrant une paroi aux parpaings dépareillés et scellés avec des pâtés de mortier mal dégrossis.
Ce Palestinien à la barbe grise assure avoir récupéré quelque 700 pierres de son ancienne demeure pour reconstruire une unique pièce, plus petite, où vit désormais toute la famille.
« Mes enfants disent qu’il fait plus chaud que dans une tente », confie-t-il.
Le toit fait de plaques de tôle et de bâches, le trou béant en guise de fenêtre que seul un fin rideau recouvre, ainsi que les murs eux-mêmes, parcourus de fines fissures, laissent pourtant la pièce ouverte à presque tous les vents.
Ingéniosité légendaire
Sur les réseaux sociaux, des vidéos de ces constructions, comme d’autres parades pour faire face à la situation humanitaire dramatique de Gaza, sont partagées pour saluer l’ingéniosité gazaouie, considérée comme notoire après des guerres à répétition.
À Gaza, les températures hivernales ne tombent généralement jamais en dessous de 6°C, mais le principal défi est l’humidité qui infiltre les vêtements et dont il est ensuite difficile de se débarrasser dans des conditions de vie si précaires.
« Quand cela est possible, la réparation des maisons existantes est l’approche la plus efficace car elle permet de restaurer une enveloppe thermique préexistante », souligne le Global Shelter Cluster, groupe d’ONG travaillant sur les mises à l’abri, dans ses recommandations d’hivernage.
Certains habitants de la bande de Gaza se sont résolus, parfois depuis longtemps, à vivre dans des habitats de fortune, faute de matériaux de construction.
Pieds nus, Nidaa al-Jarn montre l’humble réduit qui lui sert de logement.
« Cette pièce est faite de pierres que nous avons récupérées de maisons démolies, réutilisées et empilées avec de la boue », dit-elle. « Parce que nous voulons vivre. »