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Turquie

Début du procès de policiers pour le meurtre d’un manifestant

Ouverture du procès de huit personnes, accusées d'avoir battu à mort un manifestant de 19 ans en juin dernier

Des portraits d'Ali Ismail Korkmaz, jeune manifestant battu à mort par des policiers en juin 2013, lors d'un rassemblement devant le tribunal de Kayseri, le 3 février 2014 en Turquie 
(Crédit : AFP/Adem Altan)
Des portraits d'Ali Ismail Korkmaz, jeune manifestant battu à mort par des policiers en juin 2013, lors d'un rassemblement devant le tribunal de Kayseri, le 3 février 2014 en Turquie (Crédit : AFP/Adem Altan)

Le procès de huit personnes, dont quatre policiers, accusés d’avoir battu à mort un manifestant de 19 ans pendant la fronde antigouvernementale de juin dernier s’est ouvert, lundi matin à Kayseri, dans un tribunal transformé en camp retranché.

Quelque 2.000 policiers et des canons à eau ont été déployés autour du palais de justice pour contenir les centaines de personnes venues exprimer leur solidarité avec la victime, Ali Ismail Korkmaz, dans cette affaire emblématique de la répression ordonnée par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan contre les contestataires.

Dès l’ouverture des débats, la mère de la victime, qui portait une photo de son fils, s’est adressée aux accusés en pleurs. « Comment avez-vous pu tuer mon Ali ? Comment avez-vous pu le frapper ? Vous n’avez pas honte ? », a lancé Emel Korkmaz.

Le procureur a lui répété ses réquisitions contre les suspects, poursuivis pour « meurtre avec préméditation », demandant des peines allant de huit ans à la réclusion à perpétuité.

Tenues à bonne distance du tribunal par d’importants effectifs de policiers antiémeute et bardés de boucliers, plusieurs centaines de manifestants, dont quelque 300 avocats venus soutenir le frère de la victime, un de leurs collègues, se sont rassemblés pour exiger la « justice pour Ali Ismail », selon une de leurs banderoles.

Le gouverneur de Kayseri a formellement interdit tout rassemblement dans la ville pour des « raisons de sécurité ». Dès dimanche soir, plusieurs bus transportant des dizaines de personnes, dont de nombreux étudiants, ont été bloqués aux portes de la ville, ont indiqué des associations ayant appeler à manifester.

La police utilise un canon à eau pour disperser des manifestants, le 2 juin 2013 à Istanbul  (Crédit : AFP/Ozan Kose)
La police utilise un canon à eau pour disperser des manifestants, le 2 juin 2013 à Istanbul
(Crédit : AFP/Ozan Kose)

Le 2 juin 2013, Ali Ismail Korkmaz, 19 ans, a été roué de coups par un groupe de plusieurs individus alors qu’il tentait d’échapper à une charge de la police lors d’une manifestation anti-Erdogan à Eskisehir, une grande ville étudiante de l’ouest de la Turquie.

Victime d’une hémorragie cérébrale, le jeune étudiant a succombé à ses blessures le 10 juillet après 38 jours de coma.

Les huit accusés qui comparaissent depuis lundi ont été filmés par des caméras de surveillance en train de frapper le jeune homme à terre avec des battes de baseball et des matraques. Poursuivis pour « meurtre avec préméditation », ils risquent la prison à vie.

Avant même le début de l’audience, les parties civiles ont dénoncé le dépaysement du procès à plus de 500 km du lieu des faits et insisté sur l’aspect « politique » du dossier.

« Ils ont tenté de contrôler la justice en délocalisant le procès. Nous allons remettre aujourd’hui la justice sur les rails », a assuré devant la presse un des quelque 50 avocats de la famille de la victime, Ozgur Ongel.

« Cet événement ne peut pas être séparé des manifestation de Gezi. Le pouvoir a eu peur de perdre sa légimité constitutionnelle et a ordonné une répression massive du mouvement par les forces de l’ordre », a ajouté un de ses collègues, Ayhan Erdogan.

L’affaire Korkmaz est l’une des rares procédures judiciaires ouvertes contre les forces de l’ordre turques après la fronde de juin 2013.

Selon l’association des médecins de Turquie, la fronde partie de la place Taksim d’Istanbul avant de se propager à tout le pays, a fait au total six morts et plus de 8.000 blessés. Plusieurs milliers de personnes ont été interpellées.

Le premier grand procès de manifestants, que Erdogan avait qualifiés de « vandales », doit s’ouvrir au printemps à Istanbul avec 255 accusés.

L’image du chef du gouvernement a été sérieusement écornée par la répression de ce mouvement, qui dénonçait sa dérive autoritaire et sa volonté d' »islamiser » la société turque. Amnesty International a dénoncé des violations « à très grande échelle » des droits humains.

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan le 29 janvier 2014 à Téhéran  (Crédit : AFP/Behrouz Mehri)
Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan le 29 janvier 2014 à Téhéran
(Crédit : AFP/Behrouz Mehri)

Erdogan, qui règne sans partage sur la Turquie depuis 2002, est à nouveau sérieusement malmené, cette fois par un scandale politico-financier sans précédent qui vise des dizaines de ses proches dans plusieurs enquêtes de corruption.

A deux mois des élections municipales, cette affaire a déjà provoqué la démission de trois ministres et précipité un remaniement ministériel. Conjuguée à la fragilité financière des pays émergents, cette crise a aussi accéléré la chute de la devise turque et avivé l’inquiétude des marchés sur l’avenir économique du pays.

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