Décès de l’ex-patron de Daimler-Benz Edzard Reuter
Cette figure du capitalisme social allemand d'après-guerre avait suivi sa famille chassée par les Nazis en exil en Turquie de 1933 a 1946 et n'a jamais fait mystère de ses convictions politiques de gauche
Edzard Reuter, ancien président de Daimler-Benz — aujourd’hui Mercedes-Benz — une des grandes figures du capitalisme social allemand d’après-guerre, connu pour ses opinions de gauche, est mort à l’âge de 96 ans, a indiqué mardi son entourage.
Cet homme, qui avait tenté sans succès de transformer le constructeur d’automobiles de luxe en un conglomérat technologique lorsqu’il le dirigea entre 1987 et 1995, s’est éteint dimanche à Stuttgart, selon la Fondation Helga et Edzard Reuter à Berlin.
Diplômé en mathématiques et en droit, M. Reuter a rejoint Daimler-Benz en 1965 et est devenu membre du directoire en 1976, comme directeur financier à partir de 1980 puis président en 1987.
La silhouette ascétique, Edzard Reuter, fils de l’ancien bourgmestre social-démocrate (SPD) de Berlin-Ouest Ernst Reuter, va dès lors transformer Daimler-Benz, jusqu’alors concentré sur l’automobile, en un holding chapeautant quatre domaines d’activité : DASA pour l’aéronautique et la défense, AEG pour le matériel ferroviaire, Mercedes pour l’automobile et Debis pour les services.
En 1993, il avait également introduit Daimler-Benz à la Bourse de Wall Street, qui devenait ainsi le premier groupe allemand coté à New York.
Il a aussi commis de graves erreurs, comme l’achat d’AEG, alors numéro trois de l’électrotechnique ouest-allemande, source de lourdes pertes, ou l’acquisition en 1991 de 34% de Cap Gemini Sogeti, qui connaîtra l’année suivante ses pires pertes.
Le très critique actionnaire et professeur d’économie financière et bancaire Ekkehard Wenger estimera par la suite que M. Reuter avait incarné « la plus grande destruction de capital de la nation ».
A la tête de Daimler-Benz à partir de 1995, Jürgen Schrempp mettra deux ans à mettre en pièces l’héritage laissé par M. Reuter, recentrant le groupe sur l’automobile.
M. Reuter assumera quant à lui en 1994 la présidence du conseil de surveillance d’Airbus, mais quittera ce poste début 1998, jugeant alors trop lente la transformation de l’avionneur en société anonyme.
Edzard Reuter, qui avait suivi sa famille chassée par les Nazis en exil en Turquie de 1933 a 1946, n’a jamais fait mystère de ses convictions politiques de gauche et de son appartenance au SPD. Sa conception de la gestion moderne dévoilée dans les années 1980 : « Agir vis-à-vis des salaries et de l’environnement avec les mêmes égards que pour les actionnaires ».
« Notre pays a perdu un dirigeant, un philanthrope et un citoyen engagé dont les interventions et les réflexions ont animé et enrichi les débats économiques et socio-politiques pendant des décennies », a déclaré le président allemand Frank-Walter dans un communiqué.