Décès de Mohammed Barkindo, ferment d’unité de l’alliance Opep+
La nouvelle est tombée quelques heures après une rencontre avec le président du Nigeria, ou le secrétaire-général était alors apparu énergique et sans signe apparent de maladie
Le Nigérian Mohammed Barkindo, secrétaire général sortant de l’Opep, est mort mardi soir à l’âge de 63 ans, un décès inattendu qui laisse le cartel pétrolier sous le choc en plein tumulte sur les marchés.
C’est sous sa houlette que l’organisation de 13 pays exportateurs de brut s’est associée à dix autres membres, dont la Russie, dans un accord Opep+ signé en 2016 visant à réguler les prix.
« Nous avons perdu notre estimé » Mohammed Sanusi Barkindo, a tweeté le directeur général de la compagnie pétrolière nationale nigériane, la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), Mele Kyari, sans préciser les raisons de son décès.
« C’est assurément une grande perte pour sa famille, la NNPC, notre pays, l’Opep et la communauté énergétique mondiale. Les dispositions en vue des funérailles seront annoncées sous peu », a-t-il ajouté.
La nouvelle est tombée quelques heures après une rencontre à Abuja avec le président du Nigeria Muhammadu Buhari, qui avait rendu hommage au « brillant travail » de Mohammed Barkindo à l’Opep, où « il a réussi à naviguer dans des eaux agitées ».
Mohammed Barkindo était alors apparu énergique et sans signe apparent de maladie.
« Un choc »
« Cette tragédie est un choc pour la famille de l’Opep », a réagi l’organisation, basée à Vienne, en Autriche, faisant part dans un communiqué de son « immense tristesse » et saluant un dirigeant « emblématique » et « visionnaire ».
Né le 20 avril 1959, Mohammed Barkindo a fait des études de sciences politiques complétées par des formations à Oxford et Washington. A partir de 1992, il a occupé divers postes au sein de la NNPC, dont il a pris la tête en 2009-10.
Nommé délégué du Nigeria auprès de l’Opep en 1986, il en devient le secrétaire général en 2016. Il arrivait au terme de son second mandat et devait être remplacé en août par le Koweïtien Haitham Al-Ghais.
Si ce titre ne lui donnait pas de pouvoir exécutif, il était la figure publique de l’organisation, faisant parfois office de diplomate pour faciliter les discussions entre des pays aux intérêts divergents.
Seul à parler aux journalistes massés devant le siège de l’Opep à Vienne après l’échec cuisant de négociations au tout début de la pandémie de Covid-19, il faisait aussi entendre sa voix dans ses discours donnés en introduction des réunions du cartel.
Cette personnalité au visage bonhomme et à l’éternel col mao aimait citer selon son humeur Shakespeare, Nelson Mandela, Leopold Sedar Senghor, Tolstoï, ou encore des proverbes chinois.
« Force stabilisatrice »
On retiendra sa contribution à l’alliance Opep+ : alors que le cartel perdait en influence sur le marché avec l’essor du pétrole de schiste aux États-Unis, l’alliance a notamment permis aux producteurs de limiter leurs extractions d’or noir face à l’effondrement de la demande liée à la crise sanitaire.
Un effort qui a fait remonter les cours après un choc sur le marché très marqué en avril 2020.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, qui a provoqué une envolée des prix, l’Opep+ peine toutefois à pomper davantage pour juguler cette hausse et subit des pressions des pays consommateurs, en particulier des Etats-Unis.
« Le décès de M. Barkindo ne devrait pas avoir d’incidence sur le long terme, mais il risque d’accroître l’incertitude quant aux prochaines étapes et d’alimenter la volatilité des prix », a estimé Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote, interrogée par l’AFP. Et de rappeler son rôle clé dans « l’unité » de l’Opep+, malgré les secousses et divisions.
Stephen Innes, expert chez Spi Asset Management, relativise cependant l’impact de la nouvelle, qui n’a d’ailleurs pas fait réagir les marchés mercredi matin.
« C’était une figure très importante et une force stabilisatrice derrière l’Opep, mais son décès ne devrait pas en changer la direction », souligne-t-il.
Son successeur Haitham Al-Ghais, un vétéran de l’industrie, devrait maintenir « le statu quo », juge l’expert, « étant donné les liens étroits entre le Koweït et l’Arabie saoudite », pilier du cartel.