Deri : les communautés modernes orthodoxes sont “quasiment réformées”
Dans un entretien à huis-clos avec des rabbins ultra-orthodoxes, le chef du Shas a accusé l'association rabbinique Tzohar de vouloir détruire le rabbinat public
Aryeh Deri, chef du parti Shas et ministre de l’Intérieur, a récemment critiqué les courants « libéraux » du judaïsme orthodoxe israélien, affirmant qu’ils étaient « quasiment réformés ».
Deri s’exprimait lors de la conférence de l’organisation rabbinique ultra-orthodoxe Benoam, au début du mois.
« Pour tous ceux qui savent comment les synagogues sont dirigées là-bas [dans la communauté moderne orthodoxe], ou comment la prière est menée, je ne voudrais pas trop m’avancer mais il y a des changements très significatifs », a accusé Deri, clarifiant le fait qu’il se référait aux « kippas en tricot », un terme désignant les adhérents de l’orthodoxie moderne, en contraste avec les kippas noires prisées par la communauté ultra-orthodoxe.
« Un grand nombre de ‘kippas en tricot’ aujourd’hui, certains en ont déjà conscience – et même dans de très importantes communautés – sont quasiment réformées », a-t-il affirmé dans une séquence vidéo obtenue par la Deuxième chaîne.
« C’est vrai, il y a plus de kippas dans ces communautés que dans les synagogues du mouvement réformé américain, a-t-il ajouté. Ça a l’air différent, c’est plus israélien. Mais on est dans un mouvement quasiment réformé. »
Les propos de Deri concernaient les rabbins de l’organisation Tzohar. La majorité d’entre eux sont des rabbins nommés par l’Etat dans les villes et dans les conseils qui ont cherché à créer un rabbinat public plus accueillant et plus ouvert.
Les rabbins Tzohar, a-t-il noté, se sont trouvés en première ligne de l’opposition à la législation sur la conversion soutenue par le Shas, cherchant à restreindre les conversions reconnues par l’Etat israélien, les limitant aux tribunaux rabbiniques publics.
« Ensemble et en collaboration avec le mouvement réformé, parce qu’ils savaient que l’intention était de détruire le [rabbinat], ils ont bénéficié de la bassesse d’autres qui calomniaient le rabbinat et cherchaient à le prendre en défaut », a-t-il dit au groupe rabbinique.
Il a critiqué la politique mise en place par Tzohar consistant à refuser de l’argent pour les mariages, l’une des quelques mesures mises en place par les rabbins du groupe pour se montrer plus accueillants envers les couples israéliens non-pratiquants.
« Ils font tout gratuitement, de manière accueillante, indulgente et tout ça. Mais nous savons tous quelle est la vérité », a-t-il dit.
L’organisation Tzohar a refusé de commenter les propos de Deri, indiquant à la Deuxième chaîne que « les choses qui ont été dites, et ceux qui les ont dites, ne méritent pas de réponse. »
Mais la chaîne d’information a cité un responsable proche du groupe qui a vertement tancé Deri. « Ce criminel condamné qui est même dorénavant soupçonné d’actes pénalement répréhensibles est la dernière personne à pouvoir prêcher la morale à une importante organisation de rabbins qui s’efforce de nettoyer la saleté laissée par Deri et ses amis », a dit le responsable.
Deri a offert une réponse laconique à la Deuxième chaîne mais a publié un post plus détaillé lundi soir sur sa page Facebook.
Expliquant qu’il se référait dans ses propos à « certaines communautés qui se qualifient de libérales », il a expliqué que son objectif était de mettre en garde contre « la menace qui se profile contre notre identité en tant que Juifs ».
Il a ajouté : « J’ai dit que ces communautés qui se présentent comme religieuses prennent de nombreuses directions libérales qui, dans de nombreux cas, s’opposent à la loi juive et à nos traditions. Je me suis exprimé parce que je suis profondément inquiet pour la préservation de la tradition juive. Les premières lueurs du réformisme qui sont en train d’apparaître dans ces communautés pourraient nous amener dans quelques décennies à un mouvement réformé plein et entier et nuire gravement à la tradition juive. »
« Mes mots ont été prononcés dans la douleur et ils ne sont pas nouveaux. Ils sont partagés par la majorité des plus grands rabbins du sionisme religieux qui ont pu s’exprimer de manière plus dure encore et qui ont eux-mêmes fait part de leur profonde préoccupation pour l’avenir du peuple juif », a-t-il insisté.
Il a conclu : « Je n’ai rien contre le sionisme religieux. Nous partageons un objectif : connecter les Juifs les uns aux autres et ne pas diviser… Nous continuerons à nous inquiéter de l’avenir spirituel de nos frères et à les aimer même si nous disons notre peur de ce qui peut arriver, et insistons obstinément pour rendre les cœurs de nos frères égarés et bien-aimés à [Dieu]. »