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Des auteurs de renom contre la tentative de limiter l’indépendance de la Bibliothèque d’Israël

Des écrivains refuseront de donner des archives ou des livres si le gouvernement adopte le projet de loi visant à interférer dans la direction de l'établissement

L'auteur David Grossman prenant la parole lors d'une manifestation contre la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement, à Tel Aviv, le 21 janvier 2023. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)
L'auteur David Grossman prenant la parole lors d'une manifestation contre la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement, à Tel Aviv, le 21 janvier 2023. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Plus de 100 auteurs et poètes israéliens de premier plan ont signé samedi une pétition dénonçant les plans visant à limiter l’indépendance de la Bibliothèque Nationale d’Israël en permettant au gouvernement de déterminer la composition du conseil d’administration de la bibliothèque.

« Nous, auteurs et poètes, sommes totalement opposés à toute intervention politique dans le choix de la direction de la bibliothèque et exigeons le maintien du fonctionnement professionnel et indépendant de la bibliothèque », ont-ils écrit.

Parmi les signataires figurent David Grossman, Eli Amir, Haïm Beer et Fania Oz-Salzberger.

Le texte prévient que si le gouvernement va de l’avant, ils refuseront de donner leurs archives à la bibliothèque ou de permettre à leurs éditeurs de remettre des copies de leurs livres.

La pétition a également réitéré son opposition à d’autres projets du gouvernement, notamment la fermeture de la chaîne publique israélienne Kan et la refonte du système judiciaire.

Vendredi, le gouvernement a présenté le projet de loi du ministre de l’Éducation Yoav Kisch, intitulé « Accroître la transparence et le contrôle public de la Bibliothèque Nationale », dans le cadre d’un paquet législatif accompagnant le budget de l’État, tous deux approuvés.

Tout comme le reste du budget et le projet de loi sur les arrangements économiques, cette proposition – qui, selon le président du conseil d’administration de la bibliothèque, représente une menace réelle pour la survie de l’institution – doit encore être approuvée par la Knesset, où la coalition de droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu détient la majorité des sièges.

Le nouveau ministre de l’Education, Yoav Kisch, à droite, lors de la cérémonie de passation de pouvoirs avec la ministre sortante, Yifat Shasha-Biton, au ministère de l’Education, à Jérusalem, le 1er janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussil/Flash90)

Au cours des délibérations du cabinet sur le budget, Kisch et le ministre de la Justice, Yariv Levin, tous deux membres du parti de Netanyahu, le Likud, se sont heurtés à la Procureure générale, Gali Baharav-Miara, qui a rejeté la proposition, affirmant qu’elle ne pouvait pas être incluse car elle n’avait pas été soumise aux procédures professionnelles et juridiques appropriées, selon le site d’information Ynet.

Elle aurait également soulevé des problèmes avec la proposition elle-même, remettant en question l’objectif déclaré de Kisch d’accroître la transparence et la surveillance publique, et a soulevé des objections à une clause qui conduirait à la fin du mandat des membres actuels du conseil d’administration 30 jours après l’adoption du projet de loi, « un ordre qui, dans la pratique, permet de licencier le conseil d’administration par voie législative ».

La Procureure générale Gali Baharav-Miara participant à une conférence à l’université de Haïfa, le 15 décembre 2022. (Crédit : Shir Torem/Flash90)

Les informations des médias israéliens sur le projet de loi ont noté que les politiciens de droite ciblent la bibliothèque depuis un an, depuis la nomination de l’ancien procureur de l’État, Shaï Nitzan, comme recteur de la bibliothèque.

Nitzan a été fortement impliqué dans la préparation des accusations de corruption contre le Premier ministre. Il a fait l’objet de critiques de la part de Netanyahu et de ses alliés tout au long de l’enquête sur le Premier ministre dans le cadre de trois enquêtes sur la corruption, et plus particulièrement depuis le dépôt des chefs d’accusation – corruption, abus de confiance et fraude – contre lui.

Nitzan a été dépeint, sans preuves, par les alliés du Premier ministre comme un activiste de gauche déterminé à le démettre de ses fonctions par des moyens illégitimes.

L’ex-procureur Shaï Nitzan s’exprimant lors de la conférence du Calcalist, à Tel Aviv, le 31 décembre 2019. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

L’approbation du projet de loi par le gouvernement vendredi est intervenue un jour après que le président du conseil d’administration de la Bibliothèque Nationale d’Israël, Sallai Meridor, s’est prononcé publiquement contre la mesure.

« Le premier atout de la Bibliothèque nationale est la fiducie publique, qui permet à des particuliers d’y déposer leurs œuvres et collections au profit de la population et des générations futures », a déclaré Meridor, ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis. « La perte de confiance du public ne pourra que compromettre la remise de trésors nationaux à Jérusalem. »

« En ces jours de division, très préjudiciables à la réputation d’Israël, il est stupéfiant qu’ils envisagent de revenir sur un principe fondateur, au risque de porter un sérieux coup à ce qui est, à bien des égards pour la population, un véritable trésor national », a déclaré Meridor, ajoutant que cette décision placerait la bibliothèque dans le giron des politiciens.

La Bibliothèque Nationale d’Israël a été fondée en 1892 en tant que centre mondial de préservation des trésors spirituels du peuple juif. En 2007, la Knesset a promulgué la loi sur la Bibliothèque Nationale, lui conférant un statut indépendant par la loi, afin de documenter la création culturelle dans l’État d’Israël et de permettre au grand public d’accéder gratuitement aux collections uniques qu’elle abrite.

« La volonté de revenir sur cette loi, prise à dessein et avec un large consensus, mais cette fois sans consulter les responsables de la bibliothèque ou leurs partenaires, est un acte d’ingérence grossier qui met en péril l’existence de la Bibliothèque nationale, trésor du peuple juif depuis des générations, dépositaire de la culture israélienne », a déploré Meridor.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors de la pose de la pierre angulaire de la Bibliothèque Nationale, sous le regard du président de la Bibliothèque Nationale David Bloomberg, du président de la Knesset, Yuli Edelstein, et de Menachem Ben-Sasson, président de l’université hébraïque de Jérusalem, le 5 avril 2016. (Crédit : Albatros)

Netanyahu a par le passé parlé de l’importance de l’indépendance de la Bibliothèque Nationale.

S’exprimant lors de la cérémonie de pose de la première pierre du nouveau bâtiment de la Bibliothèque en 2016, Netanyahu avait déclaré qu’elle était un « lieu de culture, de liberté intellectuelle, de compréhension et de progrès, une rareté au Moyen-Orient ». « La Bibliothèque Nationale est un des piliers d’une société pluraliste. Là où les fanatiques islamistes détruisent des trésors culturels, nous cultivons la culture de l’esprit », avait-il ajouté.

Les décisions gouvernementales tendant à prendre le contrôle de la bibliothèque s’inscrivent dans un contexte de manifestations de très grande ampleur contre le projet de réforme du système judiciaire, qui comprend notamment une nomination des juges par le pouvoir politique.

Ses opposants assurent que ces mesures auront pour effet de saper les fondements de la démocratie israélienne et de porter un coup sévère à son économie et sa sécurité.

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