Des députés de droite doutent de la victoire de Tsahal sur la brigade Rafah du Hamas
Halevi, député du Likud, reproche à l'armée de "tromper" la population sur le vrai nombre de morts du Hamas
L’annonce de l’armée israélienne selon laquelle elle aurait pris le contrôle total de la ville de Rafah, à l’extrême sud de Gaza, a suscité un tollé parmi des membres d’extrême droite de la puissante commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset, compétente pour la sécurité et les affaires étrangères via les lois, les autorisations budgétaires et la supervision des ministères correspondants.
S’adressant aux journalistes depuis Rafah jeudi dernier, l’armée israélienne a expliqué avoir pris le contrôle de la ville, des responsables militaires affirmant que 2 308 membres au moins de la brigade de Rafah avaient été tués et que plus de 13 kilomètres de tunnels avaient été détruits. Le général de brigade Itzik Cohen, en charge de l’offensive, avait ajouté que cette formation du Hamas avait « été vaincue ».
« Leurs quatre bataillons ont été détruits, et nous avons établi un contrôle opérationnel sur l’ensemble de la zone urbaine », a-t-il déclaré aux journalistes depuis le corridor de Philadelphie, à la frontière sud entre Gaza et l’Égypte.
Sur Facebook, cette semaine, le député du Likud Amit Halevi a expliqué que les informations données par Tsahal n’avaient « aucun fondement sur le terrain », affirmant que sur la base des informations fournies aux membres de la commission, un bien plus grand nombre de terroristes se trouvait encore à Rafah.
« Il y avait au moins 8 000 hommes armés du Hamas et du Jihad islamique à Rafah (probablement beaucoup plus en raison des formations et recrutements qui se déroulaient à Rafah et des effectifs qui les ont rejoints depuis les bataillons du nord de Gaza). Par conséquent, même si 2 000 hommes armés du Hamas ont été tués à Rafah comme l’a annoncé le porte-parole de Tsahal (le nombre réel est bien plus faible), cela ne représente au maximum que 25 % de sa force combattante », a écrit Halevi.
S’adressant au Times of Israel cette semaine, il a reproché à l’armée de « tromper » la population, demandant pour quelle raison les soldats devaient régulièrement revenir se battre dans des zones déjà traitées.
« Ils reconstruisent leur pouvoir. Dès que nous partons, ils se reconstruisent, raison pour laquelle nous devons revenir encore et encore et encore », a souligné Halevi.
Officieusement, les autorités des milieux de la sécurité disent depuis longtemps que le Hamas ne sera vaincu que lorsqu’Israël proposera une alternative à son régime. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu se garde bien de dire quoi que ce soit à propos de l’après-guerre ou d’un quelconque régime civil sur le territoire.
Reprenant les propos du ministre des Finances Bezalel Smotrich, Halevi a déclaré que le Hamas continuerait à recruter des soldats tant qu’il aurait le contrôle de la distribution de l’aide humanitaire et que « si nous ne contrôlons pas efficacement Gaza – la nourriture et l’eau, l’énergie, le pétrole et la population -, on ne pourra pas vraiment éliminer le terrorisme au sein de cette population ».
Le député de HatZionout HaDatit Ohad Tal s’est fait l’écho de analyse et a déclaré au Times of Israel que Halevi avait « totalement raison ».
Dans un tweet, Tal a accusé le porte-parole de Tsahal de « ne pas avoir dit la vérité » et déclaré que sa « responsabilité de membre de la commission des affaires étrangères et de la défense m’impose de ne pas me taire ».
« Même si le nombre des terroristes tués est exact (et ce n’est pas le cas), il ne représente que 30 à 40 % de la force de combat du Hamas à Rafah », a-t-il écrit.
La députée d’Otzma Yehudit, Limor Son Har-Melech, a qualifié l’analyse de Halevi de « vérité absolue ». Le député de Yahadout HaTorah, Moshe Roth, a déclaré qu’en « règle générale, [Halevi] a un sens aigu de l’analyse, même s’il adopte une approche conservatrice et prudente ».
Pour la plupart, les voix critiques de l’exposé de la situation à Rafah appartiennent de près ou de loin à la droite politique, les députés centristes et de gauche se refusant à tout commentaire ou se bornant à critiquer leurs collègues nationalistes en privé.
Toutefois, un de ces députés modérés, s’exprimant sous couvert d’anonymat, dit partager une partie de ces doutes.
« Je pense que de nombreux bataillons du Hamas sont diminués ou peu efficaces, en ce moment, mais que si on les laisse tranquilles, ils se reconstitueront très rapidement », confie ce député.
« Voilà pourquoi, quand l’armée dit ‘Nous avons éliminé un bataillon du Hamas’ ou ‘dans toute la région’, c’est vrai sur le moment, mais cela ne signifie pas que c’est terminé. En cela, Amit Halevi a raison. Mais en un mois, ce régiment pourrait être de retour », ajoute-t-il. « Ce qu’il dit n’est pas totalement absurde. »
Interrogé sur la façon dont Tsahal s’est comporté dans le sud de Gaza, le général de division (à la retraite) Giora Eiland a expliqué que le nombre des hommes armés du Hamas morts à Rafah n’était « ni pertinent ni significatif ».
Ex-conseiller à la sécurité et ex-chef des opérations de Tsahal, notoirement critique de la riposte militaire israélienne au 7 octobre, Eiland s’est réjoui de ce qu’il a décrit comme « des importants succès remportés sur le plan militaire à Gaza ». Il a toutefois fait valoir que tant que le Hamas contrôlerait la distribution de nourriture et de carburant, il serait susceptible de renflouer ses coffres et recruter de nouveaux membres.
« Impossible de gagner la guerre tant que la situation à Gaza est ce qu’elle est », dit-il. « Le slogan disant que ‘Seule la pression militaire apportera la victoire’ n’a aucun fondement. Les guerres du 21esiècle se font sur autre chose. Le facteur le plus important est la population : ceux qui peuvent contrôler la population sont ceux qui gagnent la guerre. »
« La question tactique tenant à savoir si nous avons réussi à tuer tel ou tel nombre de combattants est plus négligeable. »
L’armée israélienne a refusé de commenter les accusations des députés.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.