Israël en guerre - Jour 494

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Des électeurs enthousiastes voient le vote comme un décret divin à honorer

Les résidents de trois villes israéliennes ont voté tôt pour éviter un taux d'abstention élevé lors de ce premier scrutin assorti d'une journée nationale de congé

Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël

Un homme vient voter dans un bureau de vote dans la matinée des élections municipales, le 30 octobre 2018 (Crédit : Hillel Maeir/Flash90)
Un homme vient voter dans un bureau de vote dans la matinée des élections municipales, le 30 octobre 2018 (Crédit : Hillel Maeir/Flash90)

Le parking situé entre les écoles Avnei Choshen et Yachad à Modiin, dans le centre d’Israël, commence habituellement à se remplir à 7 heures du matin, avec un flot ininterrompu de parents se frayant un chemin pour y entrer et en sortir en voiture au moment de déposer leurs enfants, chaque jour.

Mais à 7 heures du matin, dans la matinée de mardi, il n’y a que peu de véhicules qui occupent cet espace de graviers, et un calme presque absolu emplit les rues avoisinantes, se substituant à l’agitation trépidante des arrivées à l’école.

Aux abords des deux établissements scolaires, les militants des dix listes qui se présentent au scrutin local de la ville se sont installés, accrochant les bannières des candidats tout sourire qui décorent depuis des mois les rues israéliennes. Ils portent des t-shirts aux couleurs vives avec les slogans accrocheurs de chaque parti en lice.

Alors que les bureaux de vote sont ouverts de 7 heures du matin jusqu’à 23 heures, la majorité des électeurs a semblé toutefois profiter du premier jour de congé accordé pour une élection municipale pour dormir et se détendre avant de se rendre aux urnes – ou à la plage.

Pour Rivka Kranik, seule électrice présente aux abords du bureau de vote de Yachad alors que les responsables finissent les préparations à l’intérieur, cette journée de scrutin est une opportunité unique impossible à manquer.

« Plus que pour les élections à la Knesset, ici, on peut vraiment avoir un impact sur ce qui se passe », dit la résidente de la ville âgée de 62 ans en évoquant la désignation du conseil municipal qui sera responsable de l’éducation, des infrastructures et de la planification au sein de la municipalité. « C’est notre chance d’influencer les choses ».

Cette ville, forte de 90 000 résidents, est l’un des 18 conseils locaux et 11 conseils régionaux où seulement un candidat se présente à la tête de la mairie ou à la fonction de chef municipal. Haïm Bibas, en poste depuis dix ans, qui est également le président de la Fédération des autorités locales, a toutefois mené une campagne frénétique pour que son parti remporte le maximum de sièges au conseil, qui en compte 18, et pour améliorer le chiffre de la participation électorale dans la municipalité.

Kranik explique ne pas être surprise d’être la toute première à se présenter au bureau de vote, et elle estime que les électeurs viendront plus nombreux plus tard dans la journée. « Ce n’est peut-être pas passionnant mais il y a tout de même un certain enthousiasme et les gens vont venir », affirme-t-elle.

Pour certains électeurs qui suivent Kranik, mettre un bulletin dans l’urne signifie un peu plus qu’influencer la politique locale : c’est un geste qui se trouve au coeur de la vie sociale dans un pays démocratique.

« C’est un devoir civique, ma responsabilité de citoyenne », s’exclame Cynthia, née en Afrique du sud et qui a immigré à Jérusalem il y a cinquante ans avant de s’installer à Modiin en 2006.

« Tout le monde doit voter », dit-elle, « indépendamment du fait qu’il n’y ait qu’un seul candidat ou qu’on ne suive pas la politique quotidiennement ».

Un autre immigrant, Elliot, venu à Modiin des Etats-Unis l’année dernière, indique que si sa famille et ses amis qui parlent l’hébreu ont dû lui expliquer quels étaient les différents candidats et quels étaient les enjeux, il est bien déterminé à voter pour son tout premier scrutin israélien.

« C’était un devoir pour moi aux Etats-Unis et c’est un devoir ici », note-t-il.

Des électeurs viennent voter dans un bureau de l’implantation de Kedumim le matin des élections municipales, le 30 octobre 2018 (Crédit : Hillel Maeir/Flash90)

Environ 6,6 millions de citoyens âgés de 17 ans et plus sont invités aujourd’hui à voter au cours des élections locales pour désigner les responsables de 251 villes, villages et conseils régionaux dans tout le pays, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

La nouvelle loi de la Knesset qui offre un jour de congé à l’occasion du vote a pour objectif de sortir les électeurs de leur indifférence traditionnelle pour les scrutins municipaux.

Et tandis que certains ont prédit qu’une journée de congé pourrait bien, en définitive, être à l’origine d’une participation moindre – les électeurs préférant probablement profiter de l’occasion pour aller à la plage [il fait toujours 30 degrés en moyenne dans le pays) ou dans l’un des nombreux musées gratuits ouverts mardi – un sondage réalisé par l’Institut israélien de la démocratie a révélé que 83 % du public israélien et 71 % du public arabe prévoyaient d’aller voter. Un chiffre à comparer avec les élections locales de 2013 où le taux de participation électorale s’était maintenu à une moyenne nationale de 51,9 %, avec seulement 28,7 % à Tel Aviv-Jaffa, 36,1 % à Jérusalem — où les résidents arabes de Jérusalem Est boycottent le scrutin – et 32,7 % à Haïfa.

Le groupe démographique qui affiche une participation traditionnellement élevée est la communauté ultra-orthodoxe. Dans la banlieue de Modiin, dans la ville ultra-orthodoxe de Kiryat Sefer (appelée officiellement Modiin Illit), plusieurs bureaux de vote sont déjà bondés, une heure seulement après leur ouverture.

Dans l’école Ohalei Sefer, située dans la partie ouest de la ville, Moshe Eichler explique que tandis que dans de nombreuses communautés, les électeurs peuvent attendre la fin de la journée, c’est la matinée qui est toujours la plus agitée dans les municipalités ultra-orthodoxes.

« Regardez », dit-il, pointant du doigt des hommes en veste noire, un chapeau sur la tête, sortant de la synagogue de l’autre côté de la rue et se dirigeant vers l’école en traversant la rue, apparemment indifférents aux klaxons d’un bus. « On vient directement après la première prière du matin pour voter ».

Pour Eichler, ce sens du devoir ne vient pas d’un sentiment de responsabilité civique, mais de plus haut.

« Je vote conformément à ce que Dieu veut », dit cet homme de 41 ans, père de cinq enfants.

Et comment sait-il qui est l’élu ? Une affiche sur le bus l’établit clairement, au moins aux yeux de certains : « Les rabbins ont choisi Avner Amar, avec l’aide de Dieu », dit la bannière à l’effigie du candidat du parti ultra-orthodoxe Shas. Amar défie le maire actuel de la municipalité Yaakov Gutterman, qui appartient à la liste ultra-orthodoxe Degel HaTorah, dans cette ville de 70 000 personnes située à l’entrée de la Cisjordanie.

Des ultra-orthodoxes aux abords d’un bureau de vote de Jérusalem dans la matinée des élections municipales, le 30 octobre 2018 (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

« Oui, c’est un devoir religieux », confirme Tuvia, le voisin d’Eichler en évoquant le vote. Il souligne que le maire et le conseil municipal « ont beaucoup de pouvoirs dans un endroit comme Kiryat Sefer et nous devons nous assurer qu’ils se préoccupent de nos intérêts ».

Tuvia explique que « les gens décident encore tous seuls » mais que, « comme c’est le cas avec de nombreuses choses au sein de notre communauté », les responsables rabbiniques ont un rôle essentiel dans l’orientation des membres.

Cette décision a néanmoins été facilitée, plus tôt dans l’année, lorsque les deux formations ashkénazes, Degel HaTorah et Agudath Israel — suivant l’exemple du parti YaHadout HaTorah à la Knesset – ont décidé de présenter une liste d’union à Kiryat Sefer.

Yisrael, un adolescent bénévole qui distribue des prospectus pour le parti, dit partager ce sentiment d’obligation religieuse et reconnaît l’influence rabbinique au moment du vote. Il explique que Gutterman — qui devrait augmenter sa majorité – a été le choix du grand rabbin de la municipalité, Simcha Kassler, et que c’est « clairement le plus important ».

Interrogé sur la raison pour laquelle il a choisi d’être bénévole, Yisrael admet que le divin n’a peut-être pas été sa seule motivation.

« Oui, c’est sympa. Il y a tout le monde. L’ambiance est bonne », dit-il, souriant. « Et on va déjeuner plus tard ».

De retour de l’autre côté de la Ligne verte, dans la ville de Ramle, où se côtoient Juifs et Arabes, les habitudes de vote ne peuvent pas être plus différentes que celles de Kiryat Sefer. Mais l’ambiance, aux abords des bureaux de vote, est elle aussi joviale, malgré une campagne dure et parfois même nauséabonde.

S’avançant vers le lycée Zeev Bistritzky à l’entrée de la ville, les électeurs qui arrivent aux environs de 9 heures sont alpagués par des bénévoles de différents partis brandissant des prospectus de campagne et expliquant pourquoi leur candidat est indubitablement le meilleur choix.

Des activistes de campagne aux abords d’un bureau de vote d’Ashdod, pendant la matinée des élections municipales, le 30 octobre 2018 (Crédit : Flash90)

Ici, une bataille serrée se joue entre le maire du Likud en exercice, Michael Videl, et son challenger du parti Koulanou, Adi Shternberg. Cette course a pris des allures de référendum entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le chef de Koulanou Moshe Kahlon, qui se sont tous deux rendus dans la ville à deux occasions le mois dernier pour soutenir la campagne de leurs candidats respectifs.

Videl et Shternberg ont tous deux recouru à des campagnes négatives, l’un contre l’autre. Le scrutin pour le conseil municipal a été terni par des accusations de racisme dans la campagne menée par le parti national-religieux HaBayit HaYehudi, qui a utilisé des messages anti-musulmans pour mettre en garde contre le métissage juif-arabe.

Mais les électeurs, ce mardi, semblent davantage se concentrer sur le côté positif de l’exercice de leur droit démocratique que sur les messages amers entendus dans les semaines qui ont précédé le vote.

« C’est la première fois que je vote et je suis vraiment enthousiaste », dit Maayane, 18 ans.

« Mes parents m’ont toujours dit de m’impliquer et c’est une façon de le faire », ajoute-t-elle.

Maya et Tomer Myerson, qui ont amené leurs petites filles âgées de 6 et 8 ans avec eux, déclarent vouloir montrer à leurs enfants qu’ « on a un mot à dire dans la manière dont la ville et le pays sont dirigés ».

« Pour être honnête, je fais un peu la sourde oreille quand les gens parlent des élections », s’amuse Tomer. « Je n’ai pas tout suivi, mais jamais je ne manquerai un scrutin ».

Ne préféreraient-ils pas passer la journée à la plage ?… Le couple Myerson reconnaît qu’en fait, il partira directement du bureau de vote pour la plage de Palmachim, à un quart d’heure de voiture.

« Mais d’abord, on va voter », s’exclame Maya.

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