Deux Britanniques exposés au même poison utilisé contre un ex-espion russe
Deux personnes ont été retrouvées dans un état critique à Amesbury, à quelques kilomètres de la ville où l'ex-espion russe Sergueï Skripal et sa fille, avaient été empoisonnés
Le cabinet britannique se réunit en urgence jeudi autour de l’affaire du couple retrouvé dans un état critique après avoir été exposé au même agent innervant qui avait empoisonné quatre mois plus tôt un ex-espion russe et sa fille.
La réunion sera présidée par le ministre de l’Intérieur Sajid Javid, tandis qu’un porte-parole de la Première ministre Theresa May a indiqué que l’événement était traité avec « le plus grand sérieux ».
Les deux Britanniques avaient été retrouvés samedi dans un état critique à Amesbury, un village du sud-ouest de l’Angleterre situé à une quinzaine de kilomètres de Salisbury, la ville où l’ex-espion russe et sa fille, Sergueï et Ioulia Skripal, avaient été empoisonnés en mars.
La police anti-terroriste a repris les rênes de l’enquête après l’identification par le laboratoire militaire de Porton Down de la nature de la substance, un agent neurotoxique de conception soviétique.
« Ce soir nous avons reçu des résultats d’analyse (…) qui montrent que les deux personnes ont été exposées à l’agent innervant Novitchok », a déclaré à la presse Neil Basu, chef du contre-terrorisme britannique, lors d’un point presse.
« C’est le même agent innervant. Ce sera aux scientifiques de déterminer s’il vient du même lot », a-t-il ajouté.
Les victimes, identifiées par un ami comme étant Charlie Rowley et Dawn Sturgess, avaient été retrouvées samedi dans une habitation d’un quartier résidentiel d’Amesbury.
C’est le même laboratoire qui avait déjà identifié le Novitchok comme la substance utilisée pour empoisonner l’ex-espion russe et sa fille. Ils avaient finalement été tirés d’affaire après un lourd traitement médical.
Cette double tentative d’assassinat contre les Skripal a été attribuée par le Royaume-Uni, soutenu par ses alliés occidentaux, à la Russie, qui nie. L’épisode a entraîné une crise diplomatique, ainsi que la plus importante vague d’expulsions croisées de diplomates russes et occidentaux de l’Histoire.
Risque « faible »
Concernant les victimes d’Amesbury, « la priorité des enquêteurs est désormais de déterminer comment ces deux personnes sont entrées en contact avec l’agent innervant », a souligné M. Basu. Selon lui, il n’y a « aucune preuve » suggérant que l’homme et la femme « étaient visés d’une quelconque manière ».
La police s’est voulue rassurante en affirmant que le risque pour le public restait « faible ».
C’est la femme, 44 ans, qui a d’abord perdu connaissance samedi autour de 09H15 GMT. Puis l’homme, âgé de 45 ans, est tombé malade et les secours ont été appelés vers 14H30 GMT.
La police avait initialement émis l’hypothèse d’un incident lié à l’absorption de drogue.
Selon M. Basu, « rien n’indique » qu’ils « se soient récemment rendus sur un des sites décontaminés après les tentatives de meurtre ayant visé Sergueï et Ioulia Skripal ».
Ils sont hospitalisés « dans un état critique » à l’hôpital de Salisbury, avait précédemment indiqué un responsable de la police de Wiltshire, Paul Mills. C’est l’établissement où l’ex-espion et sa fille avaient été traités pendant plusieurs semaines avant de pouvoir sortir.
Laver les vêtements
Sam Hobson, qui s’est présenté à l’AFP comme leur ami et a dit leur avoir rendu visite samedi, a raconté que Dawn Sturgess est d’abord tombée malade, et avait « de la mousse sortant de sa bouche ». Puis Charlie « a sué à grosses gouttes, et on ne pouvait pas lui parler. Il faisait de drôles de bruits, et il se balançait d’avant en arrière sans répondre ».
Nathalie Smyth, une voisine âgée de 27 ans, a dit à l’AFP avoir vu samedi des pompiers et ambulances qui ont « barré la route ». « Certaines personnes portaient des combinaisons protectrices ».
Des cordons de sécurité ont été mis en place à cinq endroits où se seraient rendus les deux quadragénaires et la présence policière y a été renforcée, notamment l’habitation d’Amesbury, l’église baptiste de la ville et le parc Queen Elizabeth Gardens à Salisbury.
« Nous sommes tous très perplexes et choqués », a confié le secrétaire de l’église, Roy Collins, exprimant un sentiment partagé par de nombreux habitants.
A Salisbury, les habitants s’inquiètent des répercussions.
Cet épisode « a eu un effet désastreux sur Salisbury, à la fois sur l’économie et la vie des habitants », estime Patrick Hillman, 70 ans, interrogé par l’AFP.
« On essayait juste de retrouver la normalité », se désole John Reid, 84 ans. « Tout ça n’est pas très bon pour le tourisme ».
La police a mis en place une assistance téléphonique.
« Nous ne pouvons pas sous-estimer l’impact qu’aura cette nouvelle choquante d’un deuxième incident majeur dans cette partie de notre pays dans un si bref laps de temps », a dit le chef de la police de Wiltshire, Kier Pritchard, dans un communiqué.
Bien qu’il n’y ait « pas de risque immédiat pour la santé », l’agence de santé publique Public Health England (PHE) a conseillé « par précaution » aux personnes s’étant rendus aux mêmes endroits que les victimes entre vendredi à 21H00 GMT et samedi à 17H30 GMT de laver leurs vêtements.