Deux ex-agents du Mossad soupçonnés de liens avec les renseignements qataris – médias
Le principal suspect du Qatargate, Jonatan Urich, restera en détention jusqu’à lundi après l’annulation d’une précédente décision judiciaire
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Deux suspects dans l’affaire du « Qatargate » – tous deux anciens agents des services de sécurité israéliens – sont soupçonnés par le Shin Bet et la police d’avoir travaillé pour les services de renseignement qataris, a rapporté jeudi la chaîne N12.
Il s’agirait de deux hommes d’affaires ayant occupé des postes de haut niveau au sein du Mossad, l’enquête sur les liens présumés entre plusieurs collaborateurs du Premier ministre Benjamin Netanyahu et des acteurs liés au Qatar ne cessant de s’élargir.
Le scandale dit du « Qatargate » porte sur des soupçons selon lesquels deux proches de Netanyahu, Jonatan Urich et Eli Feldstein, auraient commis plusieurs délits en lien avec leur travail présumé pour une société de lobbying pro-Qatar. Ils sont notamment accusés d’avoir établi des contacts avec un agent étranger, et d’avoir participé à diverses opérations douteuses impliquant des lobbyistes et hommes d’affaires, tout en exerçant leur fonction de conseillers auprès du Premier ministre.
L’enquête ne cesse de s’élargir : le Shin Bet et la police israélienne examinent désormais l’implication et les relations d’affaires entre d’anciens responsables de la sécurité et le Qatar.
Selon le quotidien Haaretz, deux anciens agents du Mossad auraient récemment été interrogés par le Shin Bet, tandis que la police chercherait à entendre d’autres suspects dans le cadre de l’affaire.
L’un de ces anciens responsables, identifié uniquement sous le nom de « Shin », aurait collaboré avec les services de renseignement qataris alors qu’il était encore en poste au Mossad, et mènerait aujourd’hui des activités commerciales au Qatar, selon la chaîne N12.
Le second suspect serait David Saig, homme d’affaires israélien, lui aussi ancien cadre du Mossad et proche de « Shin », dont il était le supérieur hiérarchique lorsqu’ils travaillaient ensemble au sein de l’agence.

Saig a lui aussi été interrogé sous caution en tant que suspect dans le cadre de l’enquête.
Toujours selon N12, « Shin » détiendrait une société conjointe avec le général à la retraite Yoav Mordechai, ancien chef du COGAT (coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires), qui avait noué des liens avec le Qatar durant son mandat au ministère de la Défense.
La police soupçonne Mordechai d’avoir facilité la mise en contact entre deux figures centrales du Qatargate – Jonatan Urich et Yisrael Einhorn, ex-directeur de campagne du Likud – et le gouvernement qatari, alors qu’ils travaillaient dans les relations publiques pour Doha en amont de la Coupe du monde 2022.
Urich et Einhorn sont également soupçonnés d’avoir eu des liens d’affaires avec « Shin » et Saig, selon N12.
Le reportage indique également que la société détenue conjointement par « Shin » et Yoav Mordechai entretient des liens avec une entreprise allemande appartenant à Gil Birger, un autre homme d’affaires israélien soupçonné d’avoir transféré des fonds du lobbyiste pro-Qatar Jay Footlik à Eli Feldstein.
Jonatan Urich et Eli Feldstein sont tous deux soupçonnés d’avoir effectué des missions de relations publiques pour la société de Footlik, visant à améliorer l’image du Qatar en Israël. Ces efforts incluraient notamment la promotion du rôle du Qatar comme médiateur dans les négociations sur la libération des otages détenus à Gaza par le groupe terroriste palestinien du Hamas, alors même que les deux suspects exerçaient parallèlement des fonctions de conseillers médias auprès du Premier ministre Netanyahu.

À la suite de la nouvelle arrestation de Jonatan Urich mercredi soir, le juge Menachem Mizrahi, du tribunal de première instance de Rishon Lezion, a rejeté une demande de la police visant à prolonger sa détention provisoire. Il a émis de vives critiques sur la manière dont l’enquête a été menée ainsi que sur le bien-fondé des accusations portées.
Mizrahi a accusé la police d’avoir agi de manière illégale et déraisonnable lors de l’arrestation d’Urich, de ne pas avoir mené l’enquête avec diligence, et de ne toujours pas avoir présenté de preuves solides justifiant les allégations.
Urich avait été convoqué mercredi après-midi pour être interrogé à propos de nouveaux éléments recueillis par la police, avant d’être placé en état d’arrestation, peu après minuit.
La police avait demandé une prolongation de cinq jours de la détention de Urich et une extension de 30 jours de l’assignation à résidence de Feldstein. Mizrahi a rejeté les deux requêtes, accordant toutefois à la police un délai de 24 heures pour faire appel de sa décision.
Le magistrat a également soulevé des questions de fond sur la validité de l’enquête, notant que, bien qu’Urich et Feldstein ont travaillé pour le Premier ministre, ils n’étaient pas officiellement employés par le bureau du Premier ministre, et ne relevaient donc pas du statut de fonctionnaires.
Or, seuls les agents publics peuvent être poursuivis pour des infractions telles que la corruption ou l’abus de confiance, des délits que la police cherche à leur imputer.
Le tribunal du district central de Lod a toutefois annulé la décision de Mizrahi et ordonné le maintien en détention d’Urich jusqu’à lundi, estimant que les soupçons à son encontre s’étaient « considérablement renforcés au cours de la journée écoulée ».