D’une sirène à l’autre, Ashkelon marque Yom HaZikaron
Pour les familles en deuil de l'une des villes les plus violemment frappées pendant l'escalade meurtrière du week-end, la nostalgie reste plus forte que tout le reste
Alors que les sirènes d’alerte rouge déclenchées par les roquettes tirées ce week-end depuis Gaza occupent encore fortement les esprits, les familles en deuil, à Ashkelon, arpentent lentement le cimetière militaire en cette matinée de mercredi pour se recueillir sur les tombes de leurs proches pour Yom HaZikaron.
La cérémonie officielle ne débutera pas avant deux heures. Les parents, les frères et sœurs et les enfants des défunts ont donc devant eux du temps à passer avec leurs chers disparus avant que les lieux ne se remplissent de plus d’un millier de personnes, réunies pour l’événement.
Des dizaines de jeunes soldats ont été déployés sur le site afin de participer à la cérémonie officielle. Ils se sont assis sur des bancs, près de l’entrée, et discutent entre eux.
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Il y a deux jours seulement, deux habitants de la ville ont rejoint la liste des victimes de la guerre ou des attentats terroristes. En cette journée de Yom HaZikaron, le calme est revenu dans la ville, les fumées issues des roquettes et des intercepteurs ont été remplacées par des nuages duveteux, mais la colère suscitée par cette série meurtrière de violences est encore vivace.
« Au moins, les familles de soldats qui ont été frappées par le deuil peuvent trouver du réconfort en se disant que la mort de leur fils a servi à quelque chose. Pensez donc à cet homme qui a été tué dimanche quand sa maison a été frappée par une roquette. A quoi a servi sa mort ? », s’exclame une jeune recrue, évoquant Moshe Agadi, 58 ans, qui habitait Ashkelon, l’un des quatre civils israéliens tués dans des attaques émanant de la bande de Gaza, ce week-end.
Un autre, Zaid Alhamada, 49 ans, qui résidait à Segev Shalom, a également été tué dans la même ville, lorsqu’une roquette s’est abattue sur l’usine dans laquelle il travaillait.
« Yuval, tais-toi. Ce n’est pas le moment », l’interrompt son commandant d’un ton brusque, alors qu’une famille de parents en deuil passe à côté d’eux.
L’officier semble avoir bien compris l’état d’esprit des visiteurs du cimetière, venus pour l’occasion saluer la mémoire de leurs chers disparus.
La frustration et la colère entraînées par les 700 roquettes environ qui ont été tirées vers Ashkelon et d’autres villes frontalières avec Gaza rendent plus poignants encore la douleur et la nostalgie de ces familles touchées par la perte d’un être cher.
Alors qu’un grand nombre de personnes vient seulement d’arriver, cela fait déjà plus d’une heure que Yaakov Skeli est assis sur un petit tabouret en plastique devant la tombe de son frère Shimon.
« Je m’efforce d’arriver tôt pour qu’il ne soit pas tout seul en ce jour », explique Skeli, regardant les dizaines de tombes de la même section, où il n’y a personne. Son frère a été tué durant un exercice militaire en 1976, à l’âge de 20 ans.
« Shimon et moi, nous avions l’habitude de tout faire ensemble. Et d’une certaine manière, c’est encore le cas », dit-il en hochant la tête, comme pour se convaincre. « C’est parce que, ma vie s’est en quelque sorte arrêtée il y a quarante ans que j’ai aujourd’hui le sentiment qu’il était avec moi encore hier ».
Skeli lève la tête et remarque que l’un de ses frères est arrivé. « Excuse-moi, je suis en retard », dit ce dernier, s’asseyant à ses côtés sur un autre tabouret en plastique, devant la tombe. Les deux hommes restent alors silencieux, regardant dans des directions différentes.
Dans une autre section, plus à l’intérieur du cimetière, un groupe de proches s’est assis sous un auvent, à proximité de la tombe de Yigal Kahlon. Ils évoquent la vie de ce jeune homme de 25 ans, tué pendant la Première intifada en 1991.
Un soldat passe à côté d’eux et leur demande s’ils veulent de l’eau. « Tout va bien, merci, mais assurez-vous de boire, vous. Il fait très chaud ici », dit une sœur du défunt qui a demandé à être présentée sous le nom Shuli.
« Les soldats sont différents tous les ans, mais ils me semblent tous aussi familiers », dit-elle à ses frères et sœurs.
Toutes les familles ne sont pas accoutumées au déroulement des choses dans un cimetière militaire lors de Yom HaZikaron.
Une mère se précipite sur la tombe de son fils et s’effondre, sanglotant. C’est le premier Yom HaZikaron d’Ilanit Mor Yosef sans son fils, Yovel, tué lors d’une fusillade terroriste au carrefour de Givat Assaf, dans le centre de la Cisjordanie, au mois de décembre dernier.
Sanglotant, elle chuchote un message à son fils, se redressant à temps pour que son époux, Mordechai, s’effondre à son tour sur la tombe.
Un groupe composé d’une demi-dizaine de soldats appartenant à l’unité de Mor Yosef se tient à côté, avec gravité. Pendant plusieurs minutes, ils parviennent à faire bonne figure en regardant les parents éplorés de leur camarade, en proie à la plus vive douleur devant la tombe de leur enfant de 20 ans. Mais la grand-mère du jeune homme arrive et ses cris de désespoir les font éclater en sanglots.
« Tu me manques, tu me manques, tu me manques », répète l’aïeule en caressant la pierre de la tombe, hochant la tête en signe d’incrédulité.
Les autres familles regardent pour leur part avec sympathie ces nouveaux membres d’un club basé sur le malheur.
« Je me souviens de ce premier Yom HaZikaron », explique Pnina Briga, assise devant la tombe de son fils, Adi. « Je pense que j’ai dû utiliser trois boîtes de mouchoirs ce jour-là ».
« Ce qui est étrange c’est, qu’en fait, les choses empirent avec le temps », ajoute-t-elle. « Le temps passant, j’ai réalisé que j’étais capable de rire à nouveau, et cette découverte me fait me sentir plus mal encore ».
Le fils de Briga a été tué aux côtés de deux autres soldats des unités de blindés par une roquette qui s’était abattue sur un terrain d’entraînement de Tsahal, aux abords de la bande de Gaza, pendant l’opération Bordure protectrice.
Briga se souvient de son fils, un jeune garçon brillant et léger qui aimait monter à cheval et aider sa grand-mère dans sa maison.
« Il m’arrive si souvent de penser, quand je suis en compagnie d’amis ou de la famille, combien les choses seraient formidables si Adi était là », dit-elle.
Cette femme de 58 ans est la première parente endeuillée à mentionner les récents tirs de roquettes devant le Times of Israel.
« Au début de la semaine, j’ai imaginé que Yom HaZikaron, cette année, serait beaucoup plus discret », dit Briga, surprise que le pays ne se trouve pas au beau milieu d’une opération militaire d’ampleur en riposte à la pluie de roquettes des groupes terroristes au sein de l’enclave côtière.
« Je m’étais résignée à l’idée que les gens se préoccuperaient d’autre chose aujourd’hui parce qu’au moins, je pensais que c’était pour le bien de tous », continue-t-elle. Maintenant que le calme est revenu, je ne sais plus quoi penser. »
Peu après, le responsable de l’assemblée militaire démarre la cérémonie via un haut-parleur. Le service commence par le retentissement d’une sirène pendant deux minutes, en hommage aux morts.
Alors que l’alarme se met à hurler, un père attrape sa petite-fille qui tente de fuir, croyant apparemment à une nouvelle alerte à la roquette.
« Si ce n’était pas si triste, ça en serait drôle », murmure-t-il à l’homme qui se tient à côté de lui lorsque les sirènes se taisent.
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