El Al ne peut plus demander aux femmes de changer de siège
La compagnie avait demandé à Renee Rabinowitz, survivante de la Shoah, de changer de place suite à la demande d’un ultra-orthodoxe qui refusait de s’assoir à ses côtés
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
La compagnie aérienne nationale d’Israël, El Al, ne peut plus accéder aux demandes des passagers ultra-orthodoxes qui refusent de s’asseoir à côté d’une femme, a affirmé mercredi un tribunal de Jérusalem dans un jugement historique.
« Il n’existe absolument aucune circonstance dans laquelle un membre de l’équipage peut demander à un passager de changer de siège parce que le passager voisin ne veut pas s’assoir à ses côtés à cause de son genre », a écrit la juge Dana Cohen-Lekah, de la cour des magistrats de Jérusalem, dans son jugement. « Cette politique est une transgression directe de la loi contre les discriminations. »
El Al demande régulièrement à ses passagers de changer de sièges à la demande d’hommes ultra-orthodoxes qui refusent de s’asseoir à côté d’une femme. Le jugement de mercredi met fin à des années de tollé causées par cette politique, combattue notamment par des associations de défense des droits de l’Homme, qui affirment qu’elle est discriminatoire.
Cohen-Lekah a accepté l’opinion du Centre d’actions religieuses d’Israël, qui a porté plainte, et jugé que la pratique était illégale aux yeux de la loi israélienne.
La principale plaignante de l’affaire était Renee Rabinowitz, survivante de la Shoah de 81 ans, qui a porté plainte contre la compagnie aérienne pour discrimination. En décembre 2015, un membre de l’équipage de son vol lui avait demandé de changer de place.

Rabinowitz, dont la famille a fui l’occupation nazie en 1941, a été élevée dans le judaïsme orthodoxe à New York et vit maintenant à Jérusalem. Elle se rendait aux Etats-Unis pour voir sa famille. Sur le vol de retour vers Israël, un agent de bord d’El AL lui a demandé de changer de siège à la demande d’un homme ultra-orthodoxe qui avait le siège côté hublot, le siège voisin du sien.
Elle a changé de siège sans rien dire, avait-elle indiqué au Times of Israël en mars 2016, mais y avait ensuite repensé à la fin du vol, quand elle avait par hasard discuté avec le pilote.
Rabinowitz, qui a des problèmes de genoux, avait attendu que tous les passagers débarquent pour être emmenée en fauteuil roulant dans l’aéroport. Lorsque le pilote est sorti de la cabine, elle a commencé à discuter avec lui.
« Je lui ai demandé : ‘pourquoi faites-vous cela, ce n’est pas juste’, et il a répondu : ‘ce n’est pas le personnel, ce n’est pas nous, c’est le conseil d’administration’. Ce qui signifie, s’il a raison, que c’est apparemment la pratique qu’ils ont décidé d’adopter », avait dit Rabinowitz.

Une dizaine de jours plus tard, elle avait parlé de ce qui lui était arrivé à Anat Hoffman, directrice exécutive du Centre d’actions religieuses en Israël (IRAC), la branche juridique du Mouvement réformateur en Israël, qui a porté plainte en son nom.
El AL a affirmé au tribunal être opposé à toute forme de discrimination contre ses passagers, et que l’équipage « était en première ligne pour fournir un service aux différents passagers de la compagnie. »
L’IRAC demandait initialement 50 000 shekels de dédommagements à El Al pour Rabinowitz, affirmant qu’il avait été fait pression sur elle pour qu’elle se déplace et que cela était humiliant. El Al a proposé 200 dollars de réduction pour le prochain vol de Rabinowitz, soulignant que l’équipage avait bien précisé qu’elle n’était pas obligée de se déplacer.
Mercredi, la cour a accordé 6 500 shekels à Rabinowitz, mais a surtout indiqué que l’affaire ne portait pas sur l’argent.
« Je suis ravie parce que la juge a compris le problème, a dit Rabinowitz au New York Times. Elle a compris que ce n’était pas une question d’argent, ils ont donné une faible somme. Elle a compris que c’était une question de changement de politique d’El Al, et c’est ce qu’ils ont ordonné. »
Jessica Steinberg a contribué à cet article.