En 2021, le concours de Miss Univers doit-il encore exister ?
Le concours, tenu cette année à Eilat, a été vivement critiqué par ceux qui considèrent les concours de beauté comme dépassés, sexistes et préjudiciables aux jeunes femmes
Après un spectacle flamboyant de trois heures, aux premières heures du lundi matin à Eilat, Miss Inde Harnaaz Sandhu a été couronnée Miss Univers lors de la 70e édition du concours de beauté.
Au niveau international, le concours a attiré l’attention pour toutes les raisons prévisibles – le conflit israélo-palestinien, les nouveaux alliés régionaux d’Israël et, bien sûr, la pandémie de COVID-19. Mais localement, le buzz s’est concentré sur une question très différente : Israël doit-il organiser un concours de beauté ?
Les critiques affirment qu’une compétition basée en grande partie sur le jugement des femmes en fonction de leur apparence physique, surtout lorsqu’elle comporte un célèbre – ou tristement célèbre – défilé en maillots de bain, est totalement dépassée. Les restrictions d’entrée draconiennes du concours, qui excluent les femmes mariées, divorcées ou ayant des enfants, suscitent également l’indignation.
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Comment, dans le monde de 2021, y a-t-il de la place pour un show de prime time où des femmes défilent sur scène, devant des juges, en robe de soirée et en maillot de bain échancré, jusqu’à ce que l’une d’entre elles soit couronnée gagnante ?
Linor Abargil, une ancienne Miss Israël qui a remporté le concours Miss Monde – un concours similaire mais distinct – en 1998, s’est prononcée contre la décision d’Israël d’accueillir la compétition.
« Nous sommes en 2021 et des femmes se promènent en maillot de bain pendant que des gens participent à leur objectification et choisissent celle qui sera Miss Univers – vraiment ?? » a-t-elle écrit sur Instagram. « C’est tout simplement une honte que nos filles doivent vivre, même aujourd’hui, avec l’idée d’une approbation extérieure de leur corps. »
Abargil a ajouté que « le jour viendra où nous nous tournerons vers le passé et ne croirons pas que de telles compétitions aient jamais existé – une honte ! »
Même le ministre du Tourisme Yoel Razvozov, qui a dans un premier temps défendu le concours comme une aubaine pour le tourisme international dévasté par le COVID, a semblé revenir quelque peu sur son soutien enthousiaste initial dimanche, quelques heures avant le début du concours.
« En tant que père de deux filles », a déclaré M. Razvozov à la Douzième chaîne en réponse à des plaintes concernant l’événement, « peut-être qu’aujourd’hui je verrais les choses différemment. Peut-être que je prendrais une décision différente concernant cet événement ».
Sans surprise, les organisateurs et les candidates actuelles se sont empressés de défendre le concours comme conférant un certain pouvoir aux jeunes femmes – bien au-delà de la simple apparence physique.
« Par le biais des concours de beauté, nous voulons inclure chaque femme qui regarde ce concours et qui aspire à prendre le contrôle de sa vie », a déclaré Harnaaz Sandhu aux journalistes une heure après sa grande victoire, en réponse à une question sur la pertinence du concours à l’époque moderne.
Tamara Jemuovic, la Miss Canada de cette année, a déclaré au Times of Israel que les critiques sont injustes envers les candidates.
« Je pense que le stéréotype est en train de se désintégrer. La partie interview du concours est devenue si importante que la beauté extérieure n’est plus au premier plan comme elle l’était il y a de nombreuses années », a-t-elle déclaré. « Nous nous concentrons beaucoup plus sur la responsabilisation et l’entraide. »
Meg Omecene, directrice de la communication de l’organisation Miss Univers, a également répondu aux critiques.
« Je mets vraiment au défi [les critiques] d’aller parler avec certaines des femmes qui concourent », a-t-elle déclaré. « Ce ne sont pas des femmes qui sont simplement belles en maillot de bain ou qui savent comment porter une robe de soirée. Elles sont intelligentes, ambitieuses, talentueuses, charismatiques, attentionnées, philanthropiques – elles forment vraiment un tout. »
Les organisateurs affirment que les participantes – et en particulier la gagnante – ont la possibilité d’utiliser leur nouvelle notoriété pour promouvoir les causes et les problèmes qui leur tiennent à cœur. La Miss Univers 2020, la Mexicaine Andrea Meza, s’est exprimée sur la question de la violence à l’encontre des femmes, et Mme Sandhu, fille de gynécologue, s’est exprimée sur l’importance de la santé des femmes.
« La plateforme qu’elles obtiennent en gagnant Miss Univers est vraiment inégalée », a déclaré Omecene. « Elles passent du statut de représentante de leur pays à celui d’ambassadrice aux Nations unies pour défendre la cause qui les passionne. »
« Une femme voit sa vie changer du jour au lendemain, et ce n’est pas la femme avec les plus petites mensurations ou le physique le plus conventionnellement attirant », poursuit Omecene. « La gagnante est une personne qui sait vraiment ce qu’elle veut faire de cette plateforme ».
Pourtant, certaines des personnes impliquées dans la mise en scène de la production n’ont pas hésité à remettre en question certains aspects du concours. Assaf Blecher, producteur exécutif du côté israélien, a déclaré qu’il comprenait l’indignation.
« C’est une bonne question, et c’est une discussion juste », a déclaré Blecher au Times of Israel dimanche, tout en soulignant que l’organisation du concours était « une grande promotion pour Israël ». Et le concours, a-t-il ajouté, n’est peut-être pas ce que les gens imaginent.
« Si vous rencontrez les jeunes femmes, vous vous rendez compte qu’elles sont fortes, intelligentes, intellectuelles – et belles. Elles ne se ressemblent pas toutes. Miss Bahreïn mesure 1,5 m. Et Miss Thaïlande n’est pas maigre, loin de là. »
Blecher a suggéré que lorsque l’Organisation Miss Univers a commencé à travailler sur le spectacle d’Eilat, « Israël leur a fait prendre conscience de la réalité ».
« Elles ont reçu beaucoup de voix et d’opinions, et elles ont écouté », a-t-il affirmé. Mais M. Blecher a déclaré que lorsque les organisateurs israéliens ont suggéré de remplacer la section des maillots de bain par des vêtements de sport, l’idée a été rejetée par l’organisation Miss Univers.
Omecene a déclaré qu’une telle conversation avait bien eu lieu, mais que cette option n’avait jamais été sérieusement envisagée.
« Si vous parlez aux femmes qui concourent, si vous leur demandez quelle est leur partie préférée de la compétition, je dirais que 95 % d’entre elles, peut-être même 100 % d’entre elles, aiment le concours en maillot de bain, c’est là qu’elles disent se sentir le plus puissantes, le plus confiantes sur scène », a déclaré Omecene au Times of Israel, notant que les femmes ont été « en mesure de choisir » le style de maillot de bain « qui leur semblait le mieux correspondre à leur personnalité ».
Miss Bahreïn, Manar « Jess » Deyani – la première candidate à l’élection de Miss Univers issue d’un pays du Golfe – a choisi de se couvrir entièrement de la tête aux pieds lorsqu’elle est apparue dans la section maillots de bain du concours préliminaire, qui s’est déroulé vendredi soir et a été diffusé en direct par voie numérique.
Seules les 16 meilleures concurrentes ont participé au concours en maillot de bain lors de la finale en direct de dimanche.
Les responsables du ministère du Tourisme ont admis que la décision d’accueillir le concours était pragmatique et ne constituait pas nécessairement une approbation du concours.
« Je n’irais pas moi-même et je n’y enverrais pas mes filles », a déclaré Sara Salansky, directrice du marketing à l’étranger au ministère du Tourisme. « Mais les gens continuent à le regarder, c’est toujours une plateforme, il y a un niveau d’intérêt ».
Rina Mor, la seule Miss Israël à avoir remporté le titre de Miss Univers, en 1976, a déclaré à la Douzième chaîne que ses sentiments sur l’héritage du concours sont « compliqués », mais qu’elle ne regrette pas d’y avoir participé. Bien qu’elle ait rapidement laissé derrière elle le monde du mannequinat et du spectacle pour devenir une avocate renommée, elle a déclaré que le concours lui avait offert la chance de sa vie.
Mme Mor est apparue lors de l’émission en direct à Eilat lundi, déclarant aux téléspectateurs du monde entier qu’elle était « si heureuse que l’organisation Miss Univers ait choisi de célébrer son 70e anniversaire en Israël, dans ma ville natale, afin que je puisse vous montrer à tous notre beau pays. »
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