En Calabre, un pèlerinage annuel de juifs orthodoxes en quête du plus beau cédrat
La culture du cédrat en Calabre remonte à l'arrivée des premiers Juifs, sous l'empire romain, mais a souffert quand l'Inquisition espagnole les a chassés du sud de la péninsule

Chaque année, à la fin de l’été, des dizaines de juifs orthodoxes convergent vers Santa Maria del Cedro, un petit village de Calabre dans le sud de l’Italie, avec une mission singulière : trouver de parfaits cédrats pour Souccot, la fête des cabanes.
A quelques semaines de la fête, qui débute cette année le 16 octobre à la tombée du jour, Hershel Mann, juif hassidique de New York, transpire dans la chaleur d’un verger à inspecter minutieusement un cédrat à peine cueilli.
Il tourne et retourne ce fruit ressemblant à un citron à l’écorce grumeleuse et très épaisse, scrutant le moindre défaut à la loupe. Puis le verdict tombe : « La forme est belle, c’est propre, de la bonne taille : c’est casher ! »
Angelo Cava, le propriétaire du verger, esquisse un sourire : chaque cédrat qui passe le test lui rapporte 10 euros, soit 10 fois plus que les autres, qui serviront à produire des bonbons, des confitures ou même des cosmétiques.
Ce sera le cas du suivant également : Hershel Mann a remarqué de minuscules points noirs, signe du passage d’un insecte.
« La Bible nous dit que le fruit de Souccot doit venir d’un bel arbre », explique-t-il. « Nous avons appris qu’il s’agissait du cédrat, et pour nous, les meilleurs viennent de Calabre », même si Israël et le Maroc sont de gros producteurs.

Selon la tradition juive, ce fruit parfumé est l’une des quatre espèces (avec le saule, la myrte et la palme de dattier) qu’il faut tenir à la main pour réciter certaines prières de Souccot, qui célèbre le souvenir de la protection de Dieu aux Hébreux pendant les 40 ans de désert après la sortie d’Egypte.
Avec son oeil impitoyable et sa petite loupe, Hershel Mann a des airs de diamantaire lorsqu’il inspecte les fruits. Et comme pour les diamants, il y a de l’argent en jeu : les plus beaux cédrats calabrais peuvent se revendre jusqu’à 1 800 ou 2 700 euros à New York.
A Londres, le maximum approche les 600 livres (900 euros), mais une pénurie cette année pourrait faire encore grimper les prix, selon un petit acheteur britannique s’exprimant sous couvert de l’anonymat.
« Les gens veulent ce qu’il y a de mieux. C’est le fruit de Dieu, et si tu achètes le fruit de Dieu, Il sera bon avec ton fruit (les enfants) », explique-t-il.
‘Un business difficile’
Samuel Ekstein, membre de la communauté hassidique de Satmar, vend des appareils photo à Manhattan quand il n’est pas en Italie à chercher des cédrats.
« C’est un business difficile. Parfois, tu as une bonne année, de bons fruits et tu peux tous les vendre. D’autres fois, il y a des problèmes et tu perds tout ton argent. Tout dépend de Dieu », assure-t-il.
Selon Francesco Fazio, ancien maire de Santa Maria del Cedro devenu un expert, la culture du cédrat en Calabre remonte à l’arrivée des premiers Juifs, sous l’empire romain, mais a souffert quand l’Inquisition espagnole les a chassés du sud de la péninsule dans la première moitié du XVIe siècle.
Un trek dans les montagnes sauvages de l’Atlas du Maroc – pour des etrogs
La tradition a survécu le long de la Riviera dei Cedri, où les arbres bénéficient d’un micro-climat côtier. Et ce n’est pas toujours une partie de plaisir, assure Alessandro Farace, producteur de père en fils depuis des générations.
« Ce n’est pas un fruit facile à faire pousser et les épines peuvent faire vraiment mal. C’est très délicat et maintenant avec le réchauffement climatique, il semble qu’il y ait plus d’insectes qui l’attaquent », explique-t-il.
Pendant longtemps, des grossistes de Gênes se sont chargés d’expédier les cédrats de Calabre vers les communautés juives du monde entier.
Mais cela a changé dans les années 1950, quand quelques rabbins curieux se sont rendus sur place et ont découvert avec consternation que la plupart des fruits étaient en fait des hybrides de cédrats et d’oranges amères, le plant des secondes rendant les premiers plus résistants.
Shimon Lahiany, un « machgiach » (inspecteur des aliments casher) de la communauté hassidique Loubavitch basé à Jérusalem, vient donc chaque année depuis 20 ans inspecter les troncs à la recherche de traces de greffes.
« Un cédrat hybride peut être meilleur pour la ferme mais nous n’avons pas le droit de le bénir pour la simple raison que ce n’est plus un cédrat », explique-t-il.
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