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En Irak, le mausolée d’un rabbin tiré de l’oubli

L'ancienne tombe d'un rabbin peu connu, Isaac Gaon, vénérée dans le passé comme un lieu saint doté de pouvoirs thaumaturges et de fertilité, est remise en état après des décennies d'abandon

Des ouvriers irakiens restaurent le sanctuaire du rabbin juif Isaac Gaon, datant du 10e siècle, dans le quartier d'al-Kifah, au centre de Bagdad, le 21 avril 2025 (Crédit : AHMAD AL-RUBAYE / AFP).
Des ouvriers irakiens restaurent le sanctuaire du rabbin juif Isaac Gaon, datant du 10e siècle, dans le quartier d'al-Kifah, au centre de Bagdad, le 21 avril 2025 (Crédit : AHMAD AL-RUBAYE / AFP).

Dans un quartier populaire du Bagdad historique, des ouvriers s’affairent autour d’un tombeau en pierre décoré d’une inscription hébraïque. Ils restaurent le mausolée d’un rabbin du 7e siècle à l’histoire cryptique, que la minuscule minorité juive d’Irak a tiré de l’oubli.

Le destin du rabbin Isaac, décédé en 688, est aussi étroitement lié à celui de la majorité chiite en Irak, pays multiconfessionnel où la foi se pratique avec ferveur.

Il y a quelques mois, le mausolée tombait en ruine après des décennies d’abandon : dans un pays ravagé par les conflits, la communauté juive a depuis bien longtemps fait ses valises. Elle était jadis l’une des plus importantes et influentes du Moyen-Orient.

« Le site était devenu un dépotoir, nous n’étions pas autorisé à le restaurer », confie à l’AFP la cheffe de la communauté juive, Khalida Elyahu, 62 ans, une des irréductibles à ne pas avoir quitté son Irak natal.

Aujourd’hui les derniers membres de sa minorité, à peine quelques dizaines, vivent dans la discrétion, dissimulant même leur religion aux voisins ou collègues, par crainte de stigmatisation.

Mais grâce au feu vert des autorités, Elyahu a finalement pu lancer une restauration d’environ 150 000 dollars — financée par des fonds de la communauté.

Des ouvriers irakiens restaurent le sanctuaire du rabbin juif Isaac Gaon, datant du Xe siècle, dans le quartier d’al-Kifah, au centre de Bagdad, le 21 avril 2025. (Crédit : AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

« C’est un renouveau pour notre communauté, en Irak et à l’étranger », confie-t-elle. Le mausolée « fait partie de notre patrimoine : pas seulement le nôtre, mais pour tout le pays ».

« Inspiré des sanctuaires musulmans »

Surmontée d’élégantes rosaces géométriques, la porte en fer du mausolée en briques a été repeinte bleu ciel.

À l’intérieur, un nouveau tombeau en pierre d’une blancheur éclatante. Une inscription funéraire en hébreu dévoile le nom du rabbin, Isaac Gaon et sa date de décès : 688.

Il porte le titre honorifique Gaon car il dirigeait une des prestigieuses académies qui jadis formaient les rabbins et apportaient aux fidèles des éclaircissements sur l’interprétation de la Torah, indique à l’AFP Simcha Gross, professeur à l’Université de Pennsylvanie.

Peu d’informations existent à son sujet : même ses verdicts religieux n’ont pas survécu, reconnaît cet expert en histoire juive.

Mais un texte du 10e siècle, écrit par un autre rabbin, raconte comment Isaac Gaon, à la tête de 90 000 juifs, aurait accueilli l’imam Ali — gendre du prophète Mohamed, quatrième calife et figure révérée du chiisme — après la conquête d’une ville du centre de l’Irak.

« Nous n’avons aucune autre preuve concernant cet événement. Il y a des raisons d’être sceptique », souligne Gross.

Pourquoi cette « légende » ? Au 9e et 10e siècle, de nombreuses minorités — chrétiens, zoroastriens, Juifs — « racontent comment ils ont accueillis les conquérants musulmans : car de cela dépend nombre de leurs privilèges, notamment en matière de taxation ».

Des ouvriers irakiens restaurent le sanctuaire du rabbin juif Isaac Gaon, datant du Xe siècle, dans le quartier d’al-Kifah, au centre de Bagdad, le 21 avril 2025. Dans un quartier animé de Bagdad, des ouvriers travaillent sans relâche à la réparation de la châsse séculaire du rabbin vénéré, dans le but de faire revivre l’héritage de la communauté juive d’Irak, depuis longtemps délaissé. (Crédit : AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

Quant au mausolée, les premières mentions écrites datent du 19e siècle selon Gross.

Mais dès le 10e siècle « de plus en plus de mausolées juifs font leur apparition en Irak » : il semblerait que la communauté « imite ou s’inspire des sanctuaires musulmans construits à la même époque ».

« Bénédiction »

L’architecte supervisant la restauration raconte qu’autrefois le mausolée comprenait une synagogue et une école. Du complexe il ne reste plus que la sépulture.

« Nous recevons des demandes pour visiter le site, même depuis l’étranger », reconnaît l’homme, s’exprimant sous couvert d’anonymat.

Déjà un visiteur notable : l’influent Conseiller à la sécurité nationale, Qassem al-Aaraji, qui cultive une image d’homme de tolérance.

Les racines des juifs d’Irak remontent à 2 600 ans. Ici, ils ont écrit le Talmud de Babylone – l’un des textes fondamentaux du judaïsme. À Bagdad sous domination ottomane, 40 % de la population était juive.

Mais malgré le cosmopolitisme de la capitale, la communauté a connu son lot de souffrances.

En juin 1941, plus de 100 personnes ont été tuées lors du pogrom de Farhoud : des foules attaquèrent et pillèrent les maisons de la communauté juive.

Pogrom de « Farhoud » à Bagdad, Irak, 1941 (Crédit : domaine public)

À l’époque la minorité comptait environ 135 000 âmes. Débute alors l’exode de dizaines de milliers de Juifs, dans un monde arabe en ébullition, où l’État d’Israël voyait le jour en 1948.

Aujourd’hui en Irak subsistent une cinquantaine de synagogues et autres sites de la communauté. Tombés en décrépitude, ils sont parfois occupés et transformés en entrepôts, déplore Mme Elyahu.

Moussa Hayawi, 64 ans, est né tout près du mausolée d’Isaac Gaon. Il se souvient des foules de fidèles venant y prier.

Les femmes qui n’arrivaient pas à avoir d’enfants venaient s’y baigner dans l’eau d’un puits pour tomber enceinte, raconte-t-il.

« Les gens venaient allumer des bougies et cherchaient sa bénédiction. Ils demandaient la guérison d’un malade, la naissance d’un enfant, la libération d’un prisonnier. »

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