Israël en guerre - Jour 650

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Envie d’une vie plus douce dans un kibboutz ? Ce n’est pas si facile

Conçues comme des expériences sionistes de la vie en communauté, les kibboutzim d'aujourd'hui ont beaucoup à offrir... Pour ceux qui ont l'état d'esprit qui convient et les moyens

Un enfant en train de planter un pied de vigne au kibboutz Kerem Shalom, sur une image publicitaire non datée (Autorisation/Kerem Shalom)
Un enfant en train de planter un pied de vigne au kibboutz Kerem Shalom, sur une image publicitaire non datée (Autorisation/Kerem Shalom)

En 2020, au début de la pandémie de Covid-19, Alon Nagar et les siens quittent Jérusalem pour s’installer au kibboutz Mitzpe Shalem, en surplomb de la mer Morte : ils aspirent à une vie plus simple et moins onéreuse.

« L’idée était de s’installer à la campagne, de quitter le bruit et le stress et d’avoir un meilleur niveau de vie, un meilleur environnement pour les enfants », explique Nagar tout en parcourant le kibboutz de Cisjordanie à bord de son camion climatisé.

« Nous aimions l’idée de faire partie d’une petite communauté et de travailler ensemble pour que le kibboutz prospère. »

Fondé en 1971, Mitzpe Shalem a été fondé, à l’instar des quelque 270 kibboutzim que compte Israël, pour incarner une vision socialiste utopique de la vie en communauté.

Comme les autres, il a été privatisé et cherche désormais à attirer de nouveaux membres sur la promesse d’une vie sans stress et d’un environnement naturel à couper le souffle.

Mais au bout de cinq ans, un peu désenchantés, les Nagar décident de quitter Mitzpe Shalem.

Alon Nagar et sa famille en randonnée à la mer Morte, non loin de chez eux, au kibboutz Mitzpe Shalem (Autorisation)

« Les gens s’installent au kibboutz en pensant que la vie y sera plus simple, et peut-être même moins chère, mais c’est aussi un business, et tout y est cher », confie Nagar, qui est producteur d’événements. « Nous avons fait les calculs : nos dépenses ici sont en fait plus élevées qu’à Jérusalem et il y a moins de choix pour l’école, l’emploi et tout un tas d’autres choses. Et si le kibboutz n’est pas bien géré, c’est la communauté toute entière qui en souffre. Or, tout le monde ne le comprend pas. »

Avec un coût de la vie en Israël qui ne cesse d’augmenter et rend l’accession à la propriété plus difficile, nombreux sont ceux qui, à un moment ou un autre, ont envisagé de partir vivre dans un kibboutz, parfois dans l’idée de renouer avec les idéaux sionistes ou une vie plus simple. Toutefois, la réalité de la vie au kibboutz – économique ou autre – est souvent bien différente des apparences.

Le Times of Israel a enquêté sur les conséquences économiques d’une installation dans un kibboutz en 2025.

Des Israéliens lors d’une célébration de la fête juive de Shavouot au kibboutz Sarid, à Emek Yizrael, le 8 juin 2019. (Crédit : Anat Hermony/Flash90)

Une vision communautaire

« La chose la plus importante à comprendre dans la vie au kibboutz, c’est que chaque kibboutz a sa mission, sa propre vision de la société », explique Miri Yatziv, responsable de la croissance démographique au Mouvement des kibboutzim, l’organisation représentative de la plupart des kibboutzim d’Israël. « Ceux qui viennent vivre dans un kibboutz doivent avoir une vision eux aussi et le désir de vivre dans une communauté, de faire siens l’énergie et l’esprit de ce kibboutz. Chaque fois qu’un kibboutz accepte un nouveau membre, il lui faut s’assurer qu’il est prêt à être un vrai partenaire. »

Le modèle socialiste classique du kibboutz – avec égalité économique et partage des revenus, des ressources et de la prise de décision – a disparu depuis longtemps dans la plupart des kibboutzim, souligne Naama Zohar, doctorante à l’Université hébraïque et autrice de recherches sur l’entreprise dans les kibboutzim.

Des Israéliens lors d’une célébration de la fête juive de Shavouot au kibboutz Sarid, à Emek Yizrael, le 16 mai 2021. (Crédit : Anat Hermony/Flash90)

Dans les années 1980, l’explosion de la dette contractée par les kibboutzim a conduit nombre d’eux à la privatisation. Aujourd’hui, seules 40 à 50 communautés conservent un modèle coopératif : les autres sont privatisées à des degrés divers.

Là où, auparavant, les membres touchaient des salaires qui allaient alimenter un compte bancaire commun redistribué de manière uniforme, ils touchent désormais des salaires différents suivant leurs fonctions et gèrent le plus souvent leurs finances, en s’acquittant d’une taxe communautaire pour les infrastructures et les services partagés. Plutôt que des communautés, la plupart des kibboutzim modernes fonctionnent davantage comme des quartiers très unis dotés de services partagés.

Selon Zohar, les principaux attraits de la vie de kibboutz réside dans le mode de vie rural, l’autonomie et le sentiment d’appartenir à une communauté.

Les demandes d’adhésion sont nombreuses, surtout de la part de jeunes familles et de professionnels urbains, mais le coût élevé de l’adhésion et le numerus clausus concernant le nombre de familles acceptées rendent l’inscription de plus en plus difficile, admet-elle.

Maisons dans le kibboutz de l’enveloppe de Gaza de Sufa. (Autorisation)

Rien n’est gratuit

Yatziv, qui est membre du kibboutz Kfar Szold, à cinq kilomètres seulement de la frontière libanaise, parle de la procédure d’adhésion à un kibboutz et des dépenses communes.

Lorsqu’une famille demande à faire partie d’un kibboutz, elle loue généralement dans ce même kibboutz pendant un an ou deux avant d’être acceptée. Ce qui laisse le temps à la communauté en place d’évaluer s’ils correspondent à ce qui est attendu – non seulement socialement et idéologiquement, mais aussi financièrement.

« Nous devons veiller à ce que les personnes puissent payer leurs cotisations, qu’elles aient une assurance, une retraite », explique Yatziv. « Le kibboutz offre un filet de sécurité aux membres qui ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins, mais avant d’entrer, nous vérifions que les candidats ont les moyens de contribuer activement à la vie de la communauté. »

Une fois accepté, vient la question des frais d’adhésion. Il s’agit le plus souvent d’une somme de 80 000 shekels par adulte, poursuit Yatziv. Suivant les endroits, cela peut être moins cher.

À Mitzpe Shalem, c’est environ 50 000 shekels par personne, ajoute Nagar, alors que dans les kibboutzim de la périphérie de Gaza, l’adhésion commence à 30 000 shekels par famille.

Cet argent représente la part des membres dans les l’infrastructure du kibboutz, comme la piscine, les bâtiments publics ou les services communautaires. Les enfants ne sont pas considérés comme des membres, ce qui explique que les familles ne paient rien pour eux.

Les membres doivent ensuite acheter un terrain dans le kibboutz et y construire une maison. Dans certains kibboutzim du centre d’Israël, cela peut coûter des millions de shekels : dans les communautés frontalières du nord et du sud, l’État fournit souvent des terres gratuitement pour encourager l’installation.

« À Kfar Szold, par exemple, le terrain est gratuit », souligne Yatziv. « Mais il faut payer la construction de la maison, ce qui coûte généralement près d’1,5 million de shekels pour une maison classique de 160 mètres carrés. »

Une maison au kibboutz Mitzpe Shalem, le 21 mai 2025 (Zev Stub/Times of Israel)

Les impôts communautaires mensuels payés par les membres et candidats à l’adhésion, sont calculés différemment par les kibboutzim : ils tiennent compte du nombre d’enfants et, souvent, du salaire. Les montants varient de plusieurs centaines à plus d’un millier de shekels par mois et les petits kibboutzim sont généralement plus gourmands sur ce plan. Ces montants s’ajoutent aux impôts fonciers versés aux municipalités ou aux conseils régionaux.

Le règlement de l’impôt communautaire ouvre droit à la prise de décision au sein du kibboutz et l’accès aux installations publiques comme les bibliothèques, les jardins publics ou encore la piscine. Les maternelles et cadres d’éducation informelle sont généralement proposés par les kibboutzim à des tarifs subventionnés.

Des Israéliens lors d’une célébration de la fête juive de Shavouot au Moshav Kfar Yedidia, le 9 juin 2019. (Crédit : Flash90)

Ces programmes éducatifs peuvent représenter l’une des principales sources de dépenses des familles, explique Yatziv, tout en rappelant qu’ils sont parfois les principaux avantages du kibboutz.

« Nous avons des programmes parascolaires chaque jour, même pendant les vacances comme Pessah ou les vacances d’été », ajoute-t-elle. « Il y a toujours quelqu’un pour s’occuper des enfants. »

Les repas en commun, autrefois au cœur de la vie des kibboutzim, se font aujourd’hui rares. La plupart des familles prennent leurs repas chez elles mais nombre de kibboutzim disposent toujours d’une cafétéria. Certains d’entre eux proposent chaque jour un déjeuner à bas prix, d’autres ne le font que les jours fériés.

De nombreux kibboutzim possèdent des entreprises prospères qui aident à couvrir les coûts induits par la communauté mais il est rare que les membres touchent des dividendes. Même lorsque cela arrive, les sommes en question ne changent pas la vie, estime Zohar.

Les membres désireux de quitter le kibboutz doivent en informer la direction et vendre leur maison à un autre membre. Les restrictions sur la vente de terres concédées par l’État rendent très peu probable le fait que le vendeur fasse une importante plus-value sur la vente, notée Yatziv.

Une famille retourne dans sa maison au kibboutz Kerem Shalom. (Autorisation/Kerem Shalom)

« Il est impossible de retirer financièrement davantage d’un kibboutz que ce que vous y mettez », explique Yatziv. « Cela coûte beaucoup d’argent d’adhérer à un kibboutz, mais on y jouit d’une qualité de vie à nulle autre pareille. »

La vie dans un kibboutz pose d’autres problèmes que celui des seuls coûts, relèvent Eldad et Keren, résidents du kibboutz Ein Gedi, tout en servant un verre d’eau fraiche à l’équipe du Times of Israel, dans leur salon.

« Nous aimons la mer Morte et vivre dans la nature, mais tout est compliqué quand on est loin du centre du pays », confie Keren, qui est zoologiste et fait deux heures et demie de route chaque semaine pour se rendre au parc safari de Ramat Gan, près de Tel Aviv. « Pour aller chez le médecin, il faut plus d’une heure de route. »

Vivre à proximité de ses voisins et prendre des décisions ensemble conduit inévitablement à des tensions, ajoute Eldad, écologiste spécialiste des oiseaux. « Dans chaque kibboutz et chaque petit village du monde, il y a de la politique et des commérages, même si vous êtes la personne la plus gentille qui soit », regrette-t-il.

Pour illustrer son propos, Eldad se lance dans l’évocation exaltée d’une récente dispute au sujet des changements apportés au menu dans la salle à manger d’un hôtel géré par le kibboutz.

« C’est le genre de désaccords qu’il peut y avoir : rien de nature à vous pourrir la vie, cela fait partie du lot », philosophe-t-il.

Repeupler les communautés dévastées

Dix-neuf mois après le pogrom perpétré par des terroristes dirigés par le Hamas, le 7 octobre 2023 dans les communautés et villes proches de la frontière de Gaza, plusieurs kibboutzim des zones les plus durement touchées, au sud et le long de la frontière nord, ont lancé des campagnes de recrutement de nouveaux membres.

À Nir Yitzhak, qui comptait 630 habitants avant le pogrom au cours duquel six personnes ont été tuées et cinq kidnappées, la communauté cherche de nouvelles familles, explique Karni Peleg, responsable du mouvement des kibboutzim en charge du repeuplement de la région.

Selon elle, près de 60 % des membres du kibboutz sont rentrés chez eux l’été dernier et les autres devraient les suivre cette année, estime-t-elle.

Après des journées portes ouvertes réussies, en mai dernier, cinq familles sont déjà en cours d’acceptation et d’autres se sont dites intéressées.

Des familles assistent à une journée portes ouvertes au kibboutz Kerem Shalom, près des frontières de Gaza et de l’Égypte, dans le sud d’Israël, le 28 mars 2025. (Autorisation)

Dans le kibboutz voisin de Kerem Shalom, les membres n’ont commencé à revenir que ces deux derniers mois et la plupart des 45 familles ont annoncé leur intention de revenir d’ici la fin de l’été, ajoute Peleg.

Le kibboutz, qui recherche 10 nouvelles familles, a déjà une dizaine de candidatures.

Les villes voisines de Sufa, Magen et Holit recrutent également de nouveaux membres alors même que les actuels membres ne sont pas encore revenus, précise M. Peleg.

Dans le nord du pays, les kibboutzim Hanita, Manara, Malkiya, Misgav-Am et Adamit, évacués lorsque le Hezbollah a commencé à attaquer Israël depuis le Liban le 8 octobre, sont également à la recherche de nouveaux membres.

« Ces kibboutzim ne veulent pas que les gens viennent par pitié », conclut Peleg. « Ce sont des communautés fortes pour les gens qui comprennent l’importance de vivre ici, surtout depuis le 7 octobre. Il faut surtout avoir envie de vivre ici. »

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