Ex-chef du Shin Bet : Netanyahu m’a demandé « d’écarter » Bennett du cabinet de sécurité
Yoram Cohen affirme que le Premier ministre a invoqué une "question de loyauté" ; Naftali Bennett accuse le Premier ministre d'avoir tenté de le destituer après sa demande en 2014 "d'achever" le Hamas

L’ancien chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Yoram Cohen, a déclaré lundi que le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui avait demandé de « disqualifier » son rival politique Naftali Bennett de son cabinet de sécurité en révoquant son habilitation de sécurité, invoquant
encore « un problème de loyauté » non spécifié pendant que ce dernier servait dans l’armée.
Cohen a dirigé le Shin Bet de 2011 à 2016. Mais on ignore quand exactement, au cours des différents cabinets Netanyahu successifs à cette époque, la demande aurait été formulée.
« Le Premier ministre m’a appelé en privé et m’a dit : ‘Écoutez, j’ai récemment reçu des informations sur Bennett. Il a été démis de ses fonctions d’officier de l’unité Sayeret Matkal en raison d’un problème de loyauté, et ne peut donc plus siéger au cabinet », a raconté Cohen au micro de la radio de l’armée, ajoutant que le Premier ministre ne lui avait même pas demandé de confirmer cette information.
« Il m’a demandé de faire en sorte qu’il ne fasse plus partie du cabinet pour cette raison, en raison de son habilitation de sécurité. Je lui ai demandé : « Êtes-vous vraiment sérieux à propos de cette demande ? »
« Tout d’abord, pourquoi quelque chose qui s’est passé il y a trente ans est-il pertinent par rapport à ce dont nous parlons maintenant ? Deuxièmement, je ne ferai rien de tel », a relaté Cohen.
Durant le mandat de Cohen à la tête du Shin Bet, Bennett a occupé plusieurs postes au sein du gouvernement, notamment ceux de ministre de l’Éducation, de ministre de l’Économie et de ministre des Affaires religieuses, et a siégé au cabinet de sécurité.

« Le fait qu’un Premier ministre s’adresse au chef du Shin Bet… pour lui demander d’utiliser son pouvoir afin de disqualifier un adversaire politique est-il choquant ? N’est-ce pas inquiétant ? », a poursuivi Cohen.
« Il s’avère que j’ai refusé, mais que se serait-il passé si quelqu’un d’autre y avait consenti ? »
L’ancien Premier ministre Bennett a écrit sur Facebook que Netanyahu voulait le renvoyer du cabinet de sécurité pendant l’Opération « Bordure protectrice » en 2014, après qu’il eut insisté pour que le gouvernement
« termine le travail » et anéantisse le groupe terroriste palestinien du Hamas. Il a rejeté les allégations selon lesquelles il aurait été démis de ses fonctions d’officier dans l’unité d’élite Sayeret Matkal.
« Yoram Cohen a révélé aujourd’hui les mensonges de Netanyahu et sa paranoïa à mon égard », a écrit l’ancien Premier ministre sur Facebook. « Je voulais éliminer le Hamas, Netanyahu voulait m’éliminer. »
Le chef de l’opposition Yaïr Lapid a réagi à cette interview en la qualifiant de « véritable séisme ».
« Netanyahu a tenté d’utiliser le Shin Bet pour fabriquer des complots et éliminer un adversaire politique. Un Premier ministre ne se comporte pas ainsi, c’est le comportement d’un chef d’une organisation criminelle », a écrit Lapid sur le réseau social X.
Le cabinet du Premier ministre a lui qualifié de « fake news » l’accusation de l’ancien chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, estimant que Cohen est devenu un politicien et « tente de dissimuler la corruption au sein du Shin Bet sous Ronen Bar, par des mensonges ridicules ».
La semaine dernière, le chef actuel du Shin Bet, Ronen Bar, a adressé une lettre à la Haute Cour alléguant que Netanyahu lui avait demandé à plusieurs reprises d’informer les magistrats en charge de son procès pour corruption qu’il ne devait pas être autorisé à témoigner régulièrement devant le tribunal pour des raisons de sécurité.
Il a déclaré que son refus de tenir compte de la demande du Premier ministre avait entraîné une rupture de confiance entre les deux hommes, et conduit à son limogeage par le cabinet initié en mars. Son renvoi a ensuite été suspendu par la Haute Cour, qui examine actuellement les recours concernant cette affaire.

Dans la lettre envoyée vendredi, Bar a affirmé qu’il respecte l’exigence de son poste de maintenir « l’indépendance professionnelle », plutôt que d’agir par « loyauté personnelle » envers le Premier ministre.
« Le chef du Shin Bet n’est pas l’homme de confiance du Premier ministre ni d’aucune autre personnalité diplomatique ou politique », a-t-il écrit.
La semaine dernière, Bennett, qui se préparerait à se présenter aux prochaines élections législatives, a annoncé l’enregistrement d’un nouveau parti politique sous le nom temporaire de « Bennett 2026 ».
Bennett, qui dirigeait le parti de droite Yamina, aujourd’hui dissous, n’est plus en fonction depuis l’effondrement en 2022 de son gouvernement de coalition composite, qui avait évincé Netanyahu de la fonction de Premier ministre en 2021 après douze années consécutives.
Suite à l’annonce de Bennett, le député Avichaï Boaron (Likud) a déclaré au micro de la radio Kol Barama qu’après le congé actuel de la Knesset à l’occasion de Pessah, il soumettrait un projet de loi interdisant l’octroi de crédits à un homme politique dans le but de créer un nouveau parti tant que les dettes de son ancien parti n’auront pas été remboursées.
Ce projet de loi est largement considéré comme une mesure personnelle destinée à contrecarrer la candidature de Bennett, un rival désormais sérieux du Likud.