France : une gauche porteuse de craintes
Alors que Macron a appelé les partis "républicains" de tous bords à s'entendre pour former un gouvernement, et que le PS semble ouvert au compromis, rien ne dit le NFP demeurera uni
Au pouvoir avec le président François Hollande jusqu’en 2017, la gauche s’était ensuite effondrée en France. Mais aux dernières législatives, elle est arrivée en tête, rassemblée face à la menace d’extrême droite, réveillant les espoirs des uns et les angoisses des autres.
Le Nouveau front populaire (NFP), alliance des partis socialiste (PS), communiste (PCF), écologiste (EELV) et du mouvement d’extrême-gauche radicale anti-Israël, La France Insoumise (LFI) a crié victoire dimanche. Première force – mais pas premier parti, et sans majorité absolue – représentée à l’Assemblée nationale, avec 190 à 195 députés, elle a devancé le camp présidentiel (autour de 160 sièges) et l’extrême droite (143).
Le résultat a surpris la France entière, alors que l’extrême droite, surfant sur sa première place aux élections européennes et au premier tour des législatives, était donnée gagnante.
Pour ces élections organisées après la décision surprise du président Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée le 9 juin, les quatre partis du NFP avaient convoqué l’Histoire. Avec tout d’abord, pour leur alliance bâtie à la hâte au lendemain de la dissolution, le nom de « Nouveau Front populaire ».
Le Front populaire est une coalition de gauche formée en France dans les années 1930, alors que le fascisme gagnait l’Europe. Bien qu’au pouvoir de 1936 à 1938 seulement, il généra de multiples avancées sociales – congés payés, droit syndical, semaine de travail de 40 heures – qui transformèrent la France.
La gauche eut par la suite rarement le pouvoir. La Ve République, fondée en 1958, n’a connu que deux présidents socialistes : François Mitterrand (1981-1995) puis Hollande (2012-2017).
Barrage « républicain »
L’actuel président fut lui-même ministre sous Hollande, ce qui lui a permis de « séduire toute une partie de l’électorat de centre gauche », avant de mettre en œuvre une politique résolument ancrée au centre droit, note Antoine Bristielle, de la fondation Jean Jaurès.
Le PS, historiquement première force de gauche, a lui sombré après le quinquennat de Hollande, ses électeurs critiquant notamment un « renoncement » du président socialiste à « la ligne de gauche assez radicale » qu’il avait portée durant sa campagne, rappelle Bristielle à l’AFP.
Ce désaveu s’est traduit par une débâcle à la présidentielle de 2017 et 2022, qui a vu le PS séduire respectivement 6,3 et 1,7 % des électeurs. Parallèlement, le héraut controversé de LFI, Jean-Luc Mélenchon, s’adjugeait 19,6 puis 22 % des suffrages, faisant de sa formation la première à gauche.
Ce parti de gauche radicale s’était ainsi taillé la part du lion dans la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), la précédente coalition de gauche lancée pour les législatives de 2022.
Mais cette alliance n’a pas cessé de se fracturer ensuite, et a fini par exploser après le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, LFI ayant fait de la dénonciation de la guerre lancée par Israël contre le groupe terroriste palestinien à Gaza son thème principal de campagne et ayant été accusée de flirter avec l’antisémitisme dans sa défense de la cause palestinienne.
Rebâtie en quelques heures après la dissolution, l’alliance de gauche, renommée NFP reste cependant profondément divisée et Mélenchon y fait toujours figure de repoussoir, pour une partie de l’électorat.
Son programme résolument à gauche – et notamment sa promesse de revenir sur l’impopulaire réforme des retraites – inquiète les milieux économiques.
Il fallait la crainte d’un triomphe de l’extrême droite aux législatives pour relancer le « front républicain » et pousser plus de 200 candidats de gauche et du centre droit à se désister avant le second tour en faveur du mieux placé pour éviter l’élection de candidats d’extrême droite. Une stratégie qui a fonctionné.
« Faiblesse »
Mais l’alliance « électoraliste » de gauche arrivée en tête ne dispose pas, loin s’en faut, d’une majorité absolue à l’Assemblée. Elle est surtout marquée par « trop de différences » entre ses composantes, notamment sur le nucléaire ou l’aide à apporter à l’Ukraine, pour « faire un quelconque programme », commente Pascale Joannin, directrice-générale de la Fondation Robert Schuman.
Si elle affirme vouloir gouverner le pays, elle ne peut y parvenir sans « élargir cette union à d’autres partis qui ne sont pas à gauche », ce qui risque de s’avérer compliqué, poursuit-elle.
D’autant que Macron et ses soutiens se sont longtemps présentés en « rempart contre les extrêmes », renvoyant dos à dos le Rassemblement national (RN) et LFI – et par extension toute l’alliance de gauche.
Alors que le président a appelé mercredi les partis « républicains » de tous bords à s’entendre pour former un gouvernement, et que le PS semble de son côté ouvert au compromis, rien ne dit pour l’instant que le NFP demeurera uni pour répondre à cet appel.
« L’embarras dans lequel se trouve la gauche la renvoie à sa grande faiblesse », pointait mardi un éditorial du quotidien Le Monde.
« Elle n’a pas mis à profit ses sept années d’opposition pour se préparer à gouverner, et encore moins à gouverner en temps de crise. »
- Israël et Ses Voisins
- François Hollande
- Anti-sionisme
- Antisémitisme
- Anti-Israël
- Propagande anti-Israël
- La France Insoumise (LFI)
- Jean-Luc Mélenchon
- France
- Parti communiste français
- Parti socialiste (PS)
- Nupes
- Extrême-gauche
- Opération Épées de fer
- Emmanuel Macron
- Marine Le Pen
- Rassemblement national (RN ex-Front National)
- Extrême-droite
- Léon Blum
- Banalisation de l'antisémitisme
- Élections législatives françaises 2024