Future coalition : « le peuple s’attend à l’unité », dit Rivlin au Likud
Les représentants de Kakhol lavan ont exclu un gouvernement d'unité durant la toute première diffusion en direct des consultations sur la désignation du futur Premier ministre
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
Lançant le cycle de consultations qui serviront à choisir la personnalité chargée de former le prochain gouvernement, le président Reuven Rivlin a déclaré aux représentants du parti du Likud, lundi matin, que « le peuple s’attend à l’unité » et que le parti de droite devra jouer un rôle essentiel dans l’éradication des divisions au sein de la société israélienne, indépendamment de l’identité du futur chef de gouvernement.
Il a également interrogé le parti centriste Kakhol lavan pour savoir s’il envisagerait l’idée de siéger dans un gouvernement qui ne serait pas dirigé par le leader de sa formation, Benny Gantz — une option qui a été exclue avec fermeté par la formation centriste.
Suite aux élections nationales de la semaine dernière, Rivlin va rencontrer lundi et mardi les chefs et les hauts représentants des onze partis ayant remporté des sièges à la Knesset lors du scrutin du 9 avril, pour recevoir leurs recommandations sur la personnalité capable de rassembler une coalition majoritaire.
Rivlin semble déjà certain de confier la tâche de la formation du gouvernement au Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est probablement en mesure de construire une coalition de 65 sièges comprenant le Likud (36 sièges), le parti ultra-orthodoxe Shas (huit sièges), Yahadout HaTorah (sept sièges), l’Union des partis de droite (cinq sièges), Koulanou (quatre sièges) et peut-être Yisrael Beytenu (cinq sièges).
En comparaison, Kakhol lavan de Benny Gantz – qui a exclu d’établir un partenariat avec les deux partis arabes Raam-Balad et Taal-Hadash (qui ont fait savoir également qu’ils n’étaient pas désireux de conclure une alliance) – ne peut s’appuyer que sur le parti travailliste et le Meretz, même s’il a gagné 35 sièges au prochain parlement. Tandis que les résultats l’ont placé derrière le Likud de Netanyahu, ses 35 sièges ne passent qu’à 45 s’il s’adjuge l’appui des partis de gauche et de centre-gauche.
Après une campagne électorale pendant laquelle le Likud a accusé Rivlin de programmer de « renverser la volonté du peuple » en choisissant un candidat autre que Netanyahu pour diriger le futur gouvernement, le président a ouvert ses entretiens en soulignant auprès des représentants de la formation que son rôle était celui d’émissaire de la population israélienne.
« Je l’ai dit avant les élections et je le répète maintenant – un président ne choisit pas un Premier ministre, pas un individu parmi tous les citoyens du pays ne choisit un Premier ministre – mais c’est le souverain qui choisit un Premier ministre et le souverain, c’est le peuple », a-t-il dit aux ministres du Likud Yariv Levin et Miri Regev ainsi qu’à David Bitan, ancien chef de la coalition, qui représentaient la formation pendant la discussion.
Après que le président a fait sa sélection – désignant une personnalité qui, comme l’a rappelé Rivlin, n’a pas nécessairement besoin d’avoir reçu le plus de recommandations, pas plus que d’être à la tête du parti le plus important – le député choisi a alors 28 jours pour former un gouvernement, avec un prolongement de deux semaines possibles à la discrétion du président.
Sans surprise, le ministre du Tourisme Levin a dit à Rivlin que son parti du Likud « souhaite recommander Benjamin Netanyahu, personnalité ayant remporté la plus grande confiance et le plus grand soutien auprès de l’opinion publique, pour former le gouvernement ».
Levin a ajouté que « nous avons achevé une campagne difficile et nous voulons former un gouvernement stable qui pourra diriger le pays pour encore quatre nouvelles années ».
Pour la toute première fois, les recommandations ont été diffusées en direct, une décision « historique et innovante » qui, selon le bureau du président, a été prise la semaine dernière par « souci de transparence ».
Après avoir écouté les représentants du Likud donner les raisons de leur préférence pour Netanyahu au poste de prochain chef de gouvernement, Rivlin a expliqué que le parti devait réfléchir à son rôle d’unification au sein de la société israélienne – ce qui pourrait signaler sa propre préférence pour un gouvernement d’unité nationale.
« La nation entière veut voir une entité qui sache montrer davantage de courage lorsqu’il y a des désaccords au sein de la population », a dit Rivlin.
C’est en effet dans les compétences constitutionnelles de Rivlin de donner à Gantz et à Netanyahu un ultimatum : convenir d’un gouvernement d’unité nationale, diviser le mandat de Premier ministre sous la forme d’une rotation au poste, ou voir son opposant obtenir sa chance en tant que Premier ministre.
Rivlin a également demandé aux représentants du Likud ce qu’ils feraient si le Premier ministre en exercice ne recevait pas 61 recommandations ou plus – un chiffre qui représente la majorité à la Knesset, forte de 120 membres.
Levin a répondu qu’il pensait que le président prendrait en considération « le fait que le Likud a reçu le plus de votes, le plus de sièges et le plus de recommandations, même s’il ne représente pas une majorité ».
En référence aux inculpations pour corruption en suspens qui devraient être prononcées – sous réserve d’une audience – contre Netanyahu, ces prochains mois, la ministre de la Culture Miri Regev a affirmé que la population avait clairement établi qu’elle souhaitait qu’il reste Premier ministre.
« Il a bénéficié personnellement de la confiance des citoyens, et le Likud a gagné 36 sièges pour la première fois en tant d’années… Cela signifie que l’opinion publique s’est clairement exprimée en toute connaissance de cause », a dit Regev.
Netanyahu est en train de tenter de rassembler une « coalition d’inculpation » – comme certains l’ont qualifié – regroupant des personnalités qui sauraient conserver leur loyauté envers le Premier ministre pendant le processus d’audience judiciaire et même – si les choses devaient aller plus loin – durant un procès devant la cour de district de Jérusalem.
Les spéculations sont nombreuses sur le fait qu’il pourrait utiliser sa toute nouvelle force politique pour faire adopter une législation qui lui accorderait l’immunité face aux poursuites pendant tout son mandat de Premier ministre.
Ainsi, il réfléchirait à conditionner l’entrée dans son nouveau gouvernement au soutien à une loi dite « française », qui prévoit de protéger des poursuites judiciaires un chef de gouvernement en exercice, ou à modifier les lois parlementaires sur l’immunité.
Il pourrait également utiliser une loi sur l’immunité préexistante – en demandant aux députés de lui accorder l’immunité sur la base d’une inculpation décidée « de mauvaise foi », dans le sens juridique du terme. Il aurait alors seulement besoin d’obtenir une simple majorité à la commission intérieure de la Knesset, puis en séance plénière.
Rivlin a dit à Regev sur un ton léger que le Likud « a obtenu, en fait, 38 sièges en 2003 » – la dernière élection dans laquelle le parti s’était présenté avec un autre dirigeant que Netanyahu – et que 36 sièges a été « le meilleur résultat depuis qu’il en a gagné 12 en 2006 », après que Netanyahu a pris la tête de la formation.
Kakhol lavan exclut tout gouvernement d’unité
Après les représentants du Likud, ce sont ceux de Kakhol lavan qui se sont entretenus avec le président. Ils ont recommandé sans surprise leur dirigeant Benny Gantz au poste de Premier ministre.
Au début de leur conversation, Rivlin a noté que « ce scrutin a été orageux et il a, à de nombreuses occasions, transpercé le cœur d’un grand nombre des citoyens de l’Etat d’Israël », ajoutant que « nombreux sont ceux qui, en Israël, voudraient voir une tentative de rapprochement ».
Rivlin a déclaré aux représentants de Kakhol lavan que « je ne veux pas utiliser le mot d’unité dans son sens politique – je parle de l’unité au sein de la population – et ils veulent nous voir tous travailler ensemble, comme un seul peuple ».
L’ancien chef d’état-major Gabi Ashkenazi, élu à la Knesset et numéro trois de la liste Kakhol lavan, a dit à Rivlin que le parti centriste voulait prendre la tête d’un processus de réconciliation.
« Les élections ont été en effet orageuses mais le souverain a dit ce qu’il avait à dire », a dit Ashkenazi, ajoutant que Kakhol lavan respecterait les résultats du scrutin ainsi que la décision prise par le président.
Citant « les grands défis que le pays doit relever », Rivlin a demandé à Ashkenazi si Kakhol lavan souhaiterait siéger dans un gouvernement « qui ne serait pas dirigé par la personnalité que vous avez recommandée », une référence claire à Netanyahu.
Ashkenazi a répondu que « nous ne sommes pas surpris que vous posiez cette question. Et nous y avons réfléchi. Mais nous avons décidé qu’en raison de considérations politiques et autres, nous ne serions pas en mesure de prendre part au gouvernement que vous suggérez ».
Durant la campagne, les leaders de Kakhol lavan avaient déclaré qu’ils ne siégeraient pas dans un gouvernement dirigé par Netanyahu, mais qu’ils réfléchiraient à se joindre au Likud dans un gouvernement dont Netanyahu ne serait pas à la tête.
Après Kakhol lavan, ce sont les représentants des partis ultra-orthodoxes Shas et Yahadout HaTorah qui ont été reçus. Ils ont fait savoir au chef de l’Etat que, comme ils l’avaient promis, ils recommandaient Netanyahu comme Premier ministre.
Hadash-Taal devrait être la dernière formation à rencontrer Rivlin dans la journée de lundi. Le Parti travailliste, Yisrael Beytenu, l’Union des partis de droite, le Meretz, Koulanou et Raam-Balad s’entretiendront mardi avec le président.
Rivlin annoncera sa décision après avoir reçu les résultats définitifs et officiels du scrutin des mains de la commission centrale électorale mercredi.