Israël en guerre - Jour 533

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Il n’y a jamais eu de famine à Gaza selon les chiffres des groupes… qui l’affirmaient

L'organisation britannique Lawyers for Israel affirme que l'utilisation de données inexactes, une méthodologie incohérente et un potentiel parti-pris ont conduit à de fausses affirmations qui ont été utilisées par la CPI pour accuser Netanyahu de crimes de guerre

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Des Palestiniens déplacés faisant la queue pour recevoir de la nourriture, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 mai 2024 (Crédit : AFP)
Des Palestiniens déplacés faisant la queue pour recevoir de la nourriture, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 mai 2024 (Crédit : AFP)

Une étude menée par l’organisation britannique Lawyers for Israel (UKLFI) sur les allégations avancées par des organismes internationaux d’évaluation de la famine, qui affirmaient que la famine et la malnutrition sévère sévissaient à Gaza pendant la guerre entre Israël et le Hamas, a finalement révélé, en se basant sur les chiffres des organisations mêmes qui ont fait ces déclarations, qu’il n’y a jamais eu de famine dans l’enclave palestinienne.

L’étude a mis en lumière de graves problèmes dans les rapports publiés par ces organisations, notamment en raison de l’utilisation de « données incomplètes ou inexactes », de l’application incohérente des normes méthodologiques, de la non-prise en compte de nouvelles données et d’un « potentiel parti-pris » dans la manière dont elles ont interprété et présenté les informations dont elles disposaient.

Les données produites par ces groupes ont été utilisées comme preuves par la Cour internationale de justice (CIJ) et le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) dans les procédures judiciaires qu’ils ont engagées contre Israël, et ont créé de graves problèmes juridiques pour l’État d’Israël.

Peu après le début de la guerre, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), rattaché à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, et le Réseau de systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWS NET) créé par l’USAID, ont commencé à publier des rapports périodiques sur la sécurité alimentaire à Gaza, et ont affirmé, début et fin 2024, que la famine était imminente ou sévissait déjà dans certaines parties du territoire.

Des universitaires et des responsables de la santé publique israéliens ont commencé à remettre en question l’exactitude et la fiabilité de ces rapports à partir de mai 2024, soulignant le fait que les estimations faites par ces organisations semblaient ignorer des informations clés sur l’approvisionnement en aide et utiliser des données provenant de sources douteuses.

L’étude réalisée par UKLFI, publiée la semaine dernière et qui a mis en évidence ces critiques, a révélé qu’il n’y avait pas eu de famine à Gaza pendant la guerre, telle que définie par les normes de l’IPC, et que même les niveaux de malnutrition aiguë n’étaient que légèrement supérieurs aux chiffres d’avant-guerre.

Karim Khan, procureur en chef de la Cour pénale internationale, annonce avoir demandé l’émission de mandats d’arrêt aux juges du tribunal en direction du Premier ministre Benjamin Netanyahu, du ministre de la Défense Yoav Gallant et de trois leaders du Hamas, Yahya Sinwar, Mohammed Deif et Ismail Haniyeh. (Crédit : Cour pénale internationale)

Ces erreurs sont le résultat d’un manque de prise en compte de sources importantes d’approvisionnement alimentaire, d’une mauvaise classification par l’IPC de ses propres données et de l’utilisation d’un chiffre de référence incorrect pour la malnutrition aiguë d’avant-guerre, ce qui a donné l’impression qu’il y avait eu une forte augmentation du phénomène pendant la guerre, selon l’étude de UKLFI.

Parmi les autres problèmes ayant conduit à de fausses déterminations par l’IPC et du FEWS NET concernant la famine et la malnutrition à Gaza, citons la comparaison de différents paramètres pour ces phénomènes et la surestimation de la population du nord de Gaza, où les prévisions de famine étaient particulièrement graves en raison d’une mauvaise compréhension de la quantité d’aide alimentaire disponible par personne.

Les allégations de famine ont constitué un élément central des procédures judiciaires engagées contre Israël pour sa conduite de la guerre contre le Hamas, tant devant la CIJ que devant la CPI de La Haye. La CPI a mis en examen le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, les accusant d’avoir utilisé la famine comme méthode de guerre contre les Palestiniens, et a émis des mandats d’arrêt à leur encontre.

UKLFI a déclaré dans son rapport que les futures évaluations de la sécurité alimentaire « devraient tendre vers une plus grande précision et objectivité afin de garantir que les réponses internationales soient proportionnées et fondées sur des réalités factuelles ».

À la suite de l’invasion et des massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre, Israël s’est lancé dans une campagne militaire massive contre Gaza et a initialement limité le montant de l’aide acheminée vers le territoire. Mais deux semaines après le début de la guerre, l’aide a commencé à entrer dans la bande de Gaza.

Plusieurs rapports problématiques

Deux des rapports les plus problématiques concernant la prétendue famine ont été publiés en mars 2024 et novembre 2024 par le Comité d’examen de la famine (Famine Review Committee ou FRC) de l’IPC.

Le rapport de mars du FRC affirmait que la famine était « prévue et imminente », en particulier dans le nord de Gaza, et que 677 000 personnes dans la bande de Gaza se trouvaient déjà au niveau de catastrophe 5 de son échelle d’insécurité alimentaire.

Si cela était exact, cela aurait signifié qu’au moins 135 personnes mouraient de faim chaque jour en mars 2024.

Des enfants palestiniens souffrant de malnutrition ou de maladies chroniques telles que le cancer attendent avec des membres de leur famille à l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 24 juin 2024, après avoir reçu l’autorisation de l’armée israélienne de quitter le territoire palestinien assiégé pour se faire soigner via le point de passage de Kerem Shalom, dans le cadre du conflit qui oppose Israël et le Hamas dans l’enclave. (Crédit : Bashar Taleb/AFP)

Un rapport spécial de l’IPC prévoyait que 1,1 million de personnes se trouveraient au niveau de catastrophe de phase 5 entre le 16 mars et le 15 juillet 2024, ce qui aurait signifié qu’au moins 221 personnes mouraient de faim chaque jour pendant cette période.

Le rapport de novembre du FRC indiquait qu’il y avait « un risque imminent et important de famine », tandis qu’en décembre 2024, FEWS NET publiait une « alerte » affirmant qu’un « scénario de famine (phase 5 de l’IPC) continue de se dérouler dans le gouvernorat du nord de Gaza ».

Cependant, UKLFI a identifié de nombreux problèmes de fond dans ces rapports.

En juin 2024, le FRC lui-même a publié un rapport actualisé indiquant que « les preuves disponibles n’indiquent pas qu’une famine est en cours », malgré ses prédictions alarmistes de mars.

Le rapport de mars ne fournissait pas non plus de statistiques sur le taux de mortalité dû à la malnutrition et à la famine qui, selon lui, étaient en cours et qui devaient s’aggraver de mars à juillet.

Ce rapport indiquait que le nombre de décès liés à la malnutrition était de 25 au total, alors que le niveau de catastrophe de phase 5 revendiqué dans le nord de Gaza aurait dû signifier qu’une soixantaine de personnes mouraient chaque jour de malnutrition, selon la population de la région à l’époque, a déclaré UKLFI.

Le rapport de juin a fourni un taux de mortalité toutes causes confondues, c’est-à-dire résultant à la fois de l’action militaire et de la malnutrition. Le niveau indiqué n’aurait toutefois pu être qualifié que de niveau d’insécurité alimentaire de phase 3 au maximum, s’il était basé sur les décès non liés à un traumatisme, ce qui n’était pas le cas.

UKLFI a noté dans son étude que le FRC et le Programme alimentaire mondial étaient en possession des chiffres de mortalité non liée à un traumatisme, mais avaient choisi de ne pas les partager.

Des camions transportant de l’aide arrivant du côté gazaoui du poste frontière de Kerem Shalom, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 janvier 2024. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Un autre problème majeur du rapport de mars – comme l’a souligné une étude israélienne réalisée par des responsables de la santé publique publiée par le ministère israélien des Affaires étrangères en mai et comme l’a noté l’étude de UKLFI – porte sur l’absence de prise en compte de la nourriture fournie au nord de Gaza par le secteur privé, en plus de l’aide humanitaire apportée sur le territoire.

Le rapport de mars a été cité directement par la CIJ dans le procès pour génocide intenté par l’Afrique du Sud contre Israël, et également mentionné par le procureur de la CPI, Karim Khan, lorsqu’il a annoncé qu’il demandait des mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant, mandats qui ont finalement été délivrés par la Cour.

En effet, Khan a spécifiquement cité l’allégation du FRC selon laquelle 1,1 million de personnes étaient confrontées à « une famine catastrophique », ce qui, selon lui, était le nombre le plus élevé « jamais enregistré, où que ce soit et à tout moment », lorsqu’il a déposé sa demande de mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant.

En novembre, le FRC a publié une « alerte » indiquant qu’il existait une « forte probabilité de famine, en particulier dans le nord de Gaza, et qu’on « peut donc supposer que la famine, la malnutrition et la surmortalité due à la malnutrition et à la maladie augmentent rapidement dans ces régions ». Les seuils de famine « ont peut-être déjà été franchis », ajoutait le FRC.

Mais ce rapport non plus ne comportait pas de données sur la mortalité pour étayer ses affirmations. Il indiquait qu’un paramètre de malnutrition appelé PB indiquait une malnutrition de phase 3 dans l’ensemble de Gaza, mais ne fournissait pas de détails précis.

Dans un « Special Brief » également publié en novembre, le FRC a déclaré que la malnutrition aiguë était « dix fois plus élevée » qu’avant la guerre.

Mais les rapports du FRC, ainsi qu’un rapport du FEWS NET, ont affirmé à tort que le taux de PB à Gaza avant le 7 octobre 2023 était de 1 %, alors qu’il était en réalité de 4 %, a souligné UKLFI.

Les sources de données citées par le rapport de novembre du FRC ont montré que le PB dans le nord de Gaza en août et septembre était de 2 %, indicatif de la phase 1 de l’IPC, et pour l’ensemble de Gaza de 5 %, indicatif de la phase 2 de l’IPC, ce qui signifie un taux à peine supérieur à celui d’avant-guerre, a noté UKLFI.

Des Palestiniens vendant des gâteaux, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 9 avril 2024. (Crédit : Mohammed Abed/AFP)

« Il n’y a pas eu de famine, telle que définie par l’IPC, dans la bande de Gaza depuis octobre 2023. Les niveaux de malnutrition aiguë ne sont que légèrement supérieurs aux chiffres d’avant-guerre », affirmait l’étude de UKLFI dans ses conclusions.

Le rapport de UKLFI indiquait que les rapports de l’IPC et du FEWS NET avaient démontré « un schéma de surestimation et de fausse représentation » en raison « de la dépendance à des données incomplètes ou inexactes », « l’application incohérente des normes méthodologiques », « l’incapacité à réviser correctement les projections à la lumière de nouvelles données » et « le biais potentiel dans l’interprétation et la présentation des résultats ».

« Ces erreurs ont conduit à une représentation exagérée de la situation de la sécurité alimentaire à Gaza, qui a été utilisée pour influencer l’opinion et la politique internationales », ont ajouté les auteurs du rapport.

L’IPC n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.

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