Il n’y a pas d’âge pour faire le grand saut
Né en France et élevé au Royaume-Uni, Isaac Moyal est, à 29 ans, le soldat le plus âgé à devenir parachutiste
Sur Givat Hatahmoshet (« La colline des munitions »), théâtre d’une confrontation acharnée lors de la guerre des Six-Jours, des familles ont déployé leurs serviettes de pique-nique.
Un homme d’un certain âge s’occupe du barbecue, sa silhouette presque entièrement dissimulée par la fumée. Des mères s’agitent, distribuant aux enfants leurs plats favoris, et les genoux des jeunes femmes servent d’appuis-tête à leurs petits amis, qui se remettent d’une marche de 50 kilomètres, leurs pistolets étendus à leurs côtés.
Les jeunes hommes en uniforme, ils sont plusieurs dizaines, attendent le début d’une cérémonie où ils doivent recevoir des bérets rouges, symboles de leur entrée officielle dans la brigade des Parachutistes de l’armée israélienne.
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L’un d’entre eux se détache du lot. Il ne vient pas d’Israël et sa famille n’est pas avec lui. A 29 ans, Isaac Moyal est le soldat le plus âgé à jamais rejoindre les Parachutistes.
« C’est mon rêve », confie Moyal en ajustant son béret, qui montre l’achèvement de sa formation et dont la couleur écarlate l’identifie comme membre de la brigade des Parachutistes.
Moyal est né à Lyon, mais sa famille a immigré dans le nord-ouest de Londres quand il avait quatre ans. Il a grandi au Royaume-Uni, où il a été inscrit dans plusieurs écoles juives avant d’étudier la kinésithérapie. Il a ensuite travaillé comme assistant-kiné, agent immobilier et créateur.
Il a nombreux centres d’intérêts, de la course à pied au roller, en passant par la breakdance et le kick-boxing, où il est ceinture marron. Il a également pris des cours de krav maga, s’est jeté d’un avion à plus de 3 000 mètres d’altitude et a obtenu un brevet pour un système d’alarme qu’il a lui-même conçu et fabriqué.
Malgré son implication dans le service de protection de la communauté juive britannique [le Community Security Trust], il a toujours eu l’intention de venir en Israël et de s’engager pour son armée.
Le problème est qu’en 2012, alors qu’il avait enfin fait son alyah, il approchait déjà de la trentaine.
Il avait deux valises, aucun endroit où dormir, presque aucune notion d’hébreu et le sentiment tenace que s’il ne s’engageait pas rapidement dans l’armée, il ne le ferait jamais.
Après un court séjour chez des parents éloignés, il a formulé une demande spéciale pour rejoindre l’armée, en dépit de son âge, et a attendu la réponse.
Il a finalement reçu l’approbation de l’armée et a commencé sa formation en août dernier. Une période de six mois d’une extrême intensité physique avec initiation au maniement d’armes et patrouilles de nuit.
Puis vint le grand saut. Moyal a appris à sauter en parachute d’un avion, une expérience différente du saut en tandem qu’il avait déjà réalisé auparavant, les soldats devant se lancer seuls dans le vide, en tenue de combat.
« Avant le saut, il y a beaucoup de bruit avec la porte ouverte, mais une seconde après s’être lancé, le silence vous frappe », se rappelle-t-il. « Une fois le parachute ouvert, vous pouvez vous détendre et profiter un peu avant de vous préparer à l’atterrissage. »
« On ne se sent pas seul en Israël. »
Isaac Moyal
Moyal a obtenu des scores élevés lors des tests de course à pied et de tir, sans jamais se laisser distancer par ses camarades plus jeunes et sans donner l’impression qu’il devait faire l’objet d’une attention particulière en raison de son âge, raconte Gal, un sous-lieutenant des Parachutistes, qui n’a pas souhaité que son nom de famille soit publié.
Moyal a aussi découvert que la taille ne comptait pas pour les apprentis-soldats.
« Quand vous regardez un soldat, vous vous dites qu’il doit être grand et robuste », déclare le jeune homme, de taille réduite. « Mais je pense qu’il faut surtout être fort mentalement. Vous n’avez pas forcément besoin d’être grand pour devenir un grand guerrier. »
Gal reconnaît la force mentale de Moyal, précisant que la différence d’âge entre le parachutiste et ses pairs n’a pas créé de tensions, mais lui a permis en réalité d’être un leader.
« Il est très vif », note Gal. « Quand vous le regardez dans les yeux, vous pouvez vous rendre compte qu’il a une façon particulière de voir les choses. »
La différence d’âge a pourtant joué un rôle, avoue Moyal. Dans le train-train quotidien de l’entraînement militaire, il a parfois eu l’impression de ne pas pouvoir se servir des compétences acquises au cours des dix dernières années.
Toutefois, ses expériences lui ont permis de donner des conseils aux soldats et de les soutenir lorsque certains de leurs amis se désengageaient ou avaient des soucis, ou lorsqu’un proche mourait. Cela a vraiment aidé, tant et si bien que les soldats les plus jeunes ont pris l’habitude de lui demander conseil.
Ce dernier ajoute que certains de ses camarades étaient motivés par son âge et éblouis par sa capacité et sa volonté à maintenir la même allure qu’eux pendant l’entraînement. Et malgré leurs différences, il estime que ça n’a pas été compliqué de travailler avec des personnes plus jeunes.
« Je suis moi-même toujours un gamin », s’amuse-t-il.
Moyal précise qu’il avait demandé une affectation de cinq ans dans l’armée, mais qu’on lui en a donné deux pour commencer. Il espère faire carrière et devenir officier, conscient du long chemin qui l’attend.
« Il est perfectionniste dans tout ce qu’il fait », mentionne Gal. « Il a besoin de tout faire parfaitement, et c’est ce qu’on demande à un officier chez les parachutistes. Il doit se soucier de ses soldats et savoir se faire obéir. »
Un soldat plus jeune, présent ce jour-ci, a fait le même rêve. Idan Elimelech, 19 ans – un âge bien plus proche de celui du parachutiste-type – est le benjamin de Yael et Avi Elimelech et leur troisième fils à entrer dans l’armée.
« Je ne dors pas la nuit », avoue Yaela. « Je pense tout le temps à lui – s’il mange bien, s’il se sent bien, s’il n’a pas mal. Et maintenant, je suis encore plus inquiète, parce qu’il doit mettre en pratique ce qu’il a appris. »
Elle évoque un garçon sportif et calme, qui, il y a quelques années encore, enlevait son sac à dos et prenait sa guitare aussitôt qu’il revenait de l’école.
Aujourd’hui, il a trouvé sa place à l’armée et, comme Moyal, espère y rester. Sa mère aimerait qu’il serve trois ans et revienne à la maison – ou qu’il entre dans « le vrai monde » comme ses deux aînés, plaisante Yaela – mais elle comprend aussi son choix.
A l’opposé de la plupart de ses camarades, Moyal n’avait pas sa famille avec lui et, de son propre aveu, c’était difficile. Son cousin s’est récemment marié et sa sœur vient d’avoir un bébé.
Mais il n’était pas non plus tout seul. Les familles de ses camarades l’ont adopté, remplissant son assiette de nourriture et lui distribuant des biscuits.
Faisant des gestes à sa nouvelle famille d’adoption, Moyal déclare : « On ne se sent pas seul en Israël. »
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