« Il voulait le martyre, et il l’a obtenu », dit la mère du numéro 2 du Hamas tué à Beyrouth
Quand des femmes du village en larmes sont venues lui annoncer la mort de son fils de 57 ans, Aïsha al-Arouri leur a demandé, fière, "'Pourquoi pleurez-vous ? Ne pleurez pas, apportez des gâteaux et distribuez-les aux gens'", raconte-t-elle à l'AFP
A Aroura près de Ramallah, sa mère, Aïsha al-Arouri, 81 ans, serre contre elle un portrait de son fils, Salah. Dans un cadre doré, la photo date; les couleurs se sont affadies et un Saleh Arouri plus jeune arbore une barbe et une chevelure noire fournies.
Quand des femmes du village en larmes sont venues lui annoncer la mort de son fils de 57 ans, elle leur a demandé, fière, « ‘Pourquoi pleurez-vous ? Ne pleurez pas, apportez des gâteaux et distribuez-les aux gens' », raconte-t-elle à l’AFP.
Au Proche-Orient, il est coutume de distribuer des sucreries aux passants dans les rues pour fêter un événement heureux. Des Palestiniens font aussi ça après des attentats meurtriers contre des Israéliens.
« Il voulait le martyre, et il l’a obtenu », ajoute Mme al-Arouri.
Dans leur maison en Cisjordanie, sa soeur Dalal al-Arouri, 52 ans, explique à l’AFP avoir été interrogée par les services de renseignement israéliens après avoir vu son frère en chair et en os en juin dernier, quand tous les deux se sont rendus en pèlerinage à la Mecque.
La dernière fois qu’ils se sont parlé, c’était le matin du 7 octobre : « il m’a dit qu’il allait bien », raconte-t-elle, ajoutant qu’il l’a alors informée que le Hamas avait lancé une attaque dans le sud d’Israël. Cette attaque sans précédent a fait près de 1 200 morts, essentiellement des civils, et 250 otages, dont une centaine est toujours retenue à Gaza. C’est cette attaque qui a déclenché la guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza.
Mardi soir, il n’a pas répondu au téléphone quand elle a essayé de l’appeler après avoir entendu qu’il était mort dans une explosion à Beyrouth.
« On est passé par toutes les émotions » en apprenant la mort de Saleh Arouri, raconte son neveu de 28 ans, Majed Souleimane : « on est choqué, on ressent de la colère et de la tristesse ».
A l’annonce de la mort de son « héros », le petit village de Aroura a plongé dans le deuil.
Comme dans le reste de la Cisjordanie qui observe une grève générale pour protester contre « l’assassinat » du haut responsable du Hamas, les commerces sont fermés mercredi. Rare signe de vie, les équipes de télévision qui arpentent les rues désertées de cette ville de 5 000 habitants.
Emprisonné pendant près de 20 ans en Israël et libéré en 2010 à condition qu’il s’exile, Saleh al-Arouri n’avait pas mis les pieds chez lui depuis plus de 13 ans.
Basé au Liban, Arouri, 57 ans, était l’un des fondateurs de la branche armée du Hamas, chef adjoint du bureau politique du groupe terroriste et considéré comme le chef de facto de la branche armée du Hamas en Cisjordanie, bien qu’il ait longtemps résidé ailleurs. Il était considéré comme la figure la plus notoire du Hamas dans la coordination du terrorisme contre Israël en Cisjordanie.
Il s’est marié à sa sortie de prison, raconte sa mère Aïsha al-Arouri, qui l’a encouragé à accepter de partir plutôt que de risquer d’être de nouveau arrêté. Après trois ans en Syrie, il s’était installé Turquie puis au Liban.
L’armée israélienne a fait une descente dans le village fin octobre et a détruit à l’explosif la maison vide de plusieurs étages de Saleh al-Arouri, proche de celle de sa mère.
D’après Majed Souleimane, son oncle n’a habité que quelques jours dans cette maison, entre sa sortie de prison et son exil en 2010.
Lors d’un raid précédent, l’armée a arrêté plusieurs membres de la famille et les a conduits dans la maison de Saleh al-Arouri qu’elle a transformée ce jour-là en un centre d’interrogatoire.
Comme pour envoyer un message au Hamas, les troupes israéliennes y ont accroché une banderole indiquant « Ceci était la maison de Saleh al-Arouri et est devenue le quartier général d’Abou al-Nimer », alias de l’officier du renseignement israélien en charge du secteur.