Ilhan Omar boycottera le discours d’Isaac Herzog au Congrès
La Démocrate progressiste a dit que le président n'aurait pas dû être invité à prendre la parole lors de cette session ; elle pourrait ne pas être la seule à manquer l'allocution
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

La représentante démocrate Ilhan Omar a annoncé, mercredi, qu’elle boycotterait le discours qui sera prononcé par le président Isaac Herzog, la semaine prochaine, lors d’une session conjointe du Congrès américain. Elle pourrait ne pas être la seule à être absente lors de l’allocution du chef de l’État israélien, d’autres législateurs étant susceptibles de lui emboîter le pas.
« Il est hors de question que j’y sois présente », a écrit Omar dans un fil, sur Twitter, qui a avancé une dizaine de raisons ayant motivé sa décision.
Herzog doit prononcer un discours qui marquera le 75e anniversaire d’Israël, mercredi prochain. Il avait été invité, l’année dernière, par la présidente de la Chambre de l’époque, Nancy Pelosi, une invitation que le président actuel, Kevin McCarthy, a repris à son compte au début de l’année.
Tandis que Herzog est considéré comme une personnalité acceptable pour de nombreux Démocrates qui se sont par ailleurs détournés depuis longtemps du Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’annonce faite par Omar a démontré que l’animosité à l’égard d’Israël trouve des racines plus profondes que ce que peuvent être ses gouvernements particuliers.
En même temps, il est évident que le gouvernement de la ligne dure qui est actuellement au pouvoir rendra plus facile, pour d’autres députés Démocrates, de suivre l’exemple qui a été donné par Omar.
« Nous ne devrions pas inviter le président d’Israël à faire une allocution au Congrès – Israël dont le gouvernement, placé sous l’autorité de son Premier ministre actuel, a interdit aux deux premières musulmanes à avoir été élues au Congrès de visiter le pays », a écrit Omar sur Twitter en majuscules, notant que cette interdiction avait empêché Rashida Tlaib, membre du Congrès, de rendre visite à sa grand-mère qui vit en Cisjordanie.

Omar et Tlaib avaient été interdites d’entrée sur le sol israélien en 2019 en raison de leur soutien, dans le passé, au mouvement anti-israélien BDS (Boycott Divestment and Sanction) et parce qu’Israël avait estimé qu’elles risquaient d’utiliser leur visite pour promouvoir le boycott. La décision prise par Netanyahu, à ce moment-là, avait été encouragée par le président américain Donald Trump.
Si Omar a reconnu que Herzog était chef de l’État et qu’il n’était pas en charge des politiques, elle a estimé qu’il était « l’ambassadeur fidèle » du « gouvernement le plus à droite de toute l’Histoire d’Israël, à une période où le gouvernement promet ouvertement ‘d’écraser’ les espoirs palestiniens qui rêvent d’avoir leur État – ce qui consiste principalement à enfoncer le clou dans le cercueil de la paix et de la solution à deux États ».
La membre Démocrate du Congrès a ainsi cité des paroles de Netanyahu qui aurait dit aux députés de son parti du Likud, le mois dernier, que l’État juif « doit écraser l’ambition palestinienne » à avoir un État indépendant.
« Ce discours arrive au moment où des membres d’extrême-droite du cabinet israélien attaquent directement le président Biden en disant qu’Israël ‘n’est plus’ une étoile sur le drapeau américain » – des propos qui avaient été tenus par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir en réponse à Biden qui avait estimé que le cabinet de Netanyahu était « l’un des plus extrémistes » qu’il avait pu connaître dans sa carrière.
« Cela survient aussi alors que le gouvernement israélien est en train de réaliser ce qui constitue, selon les experts, un coup d’État judiciaire pour centraliser le pouvoir et saper les contre-pouvoirs [qui contrôlent le gouvernement et la Knesset], ce qui a entraîné des mois de manifestations massives contre le gouvernement dans tout Israël », a continué Omar, évoquant ainsi le plan de refonte radicale controversé du système israélien de la justice qui est actuellement avancé par la coalition.
« Et par dessus tout le reste, cette visite a lieu pendant l’année qui a été la plus meurtrière de l’Histoire pour les Palestiniens en Cisjordanie et au lendemain immédiat de la plus importante incursion réalisée par Israël en deux décennies, une incursion qui a démoli des blocs entiers d’immeubles et qui a tué au moins une douzaine de personnes », a-t-elle poursuivi.

L’année 2002 avait été – de loin – plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie. Cette année-là, Israël avait lancé l’opération Bouclier défensif en réponse à la Seconde intifada et presque 5 000 Palestiniens avaient été tués. Cette année, jusqu’à présent, 152 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie.
Alors que l’opération qui a été menée, la semaine dernière, à Jénine par l’armée israélienne a coûté la vie à une dizaine de personnes, les militaires ont indiqué que les victimes étaient des combattants armés dans leur totalité.
Omar a maintenu que « les groupes de défense des droits de l’Homme, les experts et la plus grande partie de la communauté internationale ont condamné les violations israéliennes, toujours plus nombreuses, du droit international et des droits de l’Homme. Ce sont des tendances qui sont profondément préoccupantes – en particulier compte-tenu du fait que nous fournissons à Israël environ quatre milliards de dollars en aides militaires annuelles ».
Elle s’est ensuite souvenue que la dernière fois qu’un leader israélien avait été invité à prononcer un discours conjoint devant le Congrès, cela avait été Netanyahu en 2015 et qu’il avait utilisé la tribune en provoquant le président des États-Unis de l’époque, Barak Obama, faisant une allocution qui dénonçait avec force l’accord sur le nucléaire iranien que l’occupant de la Maison Blanche avait négocié.
Omar a fait remarquer que le mois dernier, elle avait boycotté le discours conjoint prononcé par le Premier ministre indien Narendra Modi « en raison de ses antécédents en matière de droits de l’Homme » et qu’elle ferait la même chose la semaine prochaine.
« Les États-Unis peuvent – et ils doivent – utiliser leurs outils démocratiques pour s’engager auprès du gouvernement israélien mais accorder au gouvernement actuel l’honneur d’un discours télévisé envoie un signal excessivement mauvais au mauvais moment », a conclu la députée Démocrate.