Israël en feu : ce que nous savons et ce que nous ne savons pas
Malgré l’une des pires vagues d’incendies de l’histoire d’Israël, et des allégations de possibles feux d’origine criminelle, on ne déplore pas - heureusement - de victimes ce jeudi soir
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Depuis mardi, les pompiers israéliens luttent contre une série de feux sauvages.
De tels feux ne sont pas inhabituels à cette période de l’année, à la fin d’un été long et sec, et avec des vents de saison capables de transformer rapidement une cigarette jetée nonchalamment ou un feu de camp en un incendie à grande échelle.
Mais alors que le nombre d’incendies s’est multiplié mercredi et jeudi, des informations ont fait état de nombreux feux d’origine criminelle. Ces affirmations ont été confirmées par le chef de la police israélienne, Roni Alsheich, qui a déclaré jeudi après-midi que certains feux, et pas tous, étaient le résultat de pyromanes, probablement motivés par des motifs « nationalistes ».
De manière révélatrice, alors que l’on dénombrait des dizaines d’incendies à travers Israël jeudi, dans ce que certains experts ont qualifié de vague d’incendie sans précédent, il n’y a eu que peu d’informations sur des feux en Jordanie, en Cisjordanie ou à Gaza, où les conditions climatiques sont similaires.
Jeudi soir, le ministre de la Sécurité publique Gilad Erdan a déclaré que la situation dans le pays était « sous contrôle », mais peu après, il y a eu des informations que les brasiers se propageaient dans la région de Shaar Hagai, juste à côté de Jérusalem, et davantage de feux débutaient dans le nord du pays, rappelant que le danger était loin d’être fini.
On a affirmé que huit personnes auraient été arrêtées et suspectées d’avoir commencé des incendies criminels à travers Israël.
Erdan, qui avait auparavant été cité sur la Deuxième chaîne en disant qu’environ 50 % des incendies étaient d’origine criminelle, était plus mesuré devant les caméras, soulignant que les professionnels sur le terrain avaient tiré des « conclusions préliminaires » semblant indiquer des incendies criminels dans certains cas. Immédiatement après l’entretien, a déclaré la Deuxième chaîne, Erdan a ajouté qu’il y avait des images vidéos de certains pyromanes en action.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a décrit les pyromanes comme des « terroristes », et a déclaré qu’il y aurait des sanctions sévères.
Le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri a quant à lui déclaré que leur « statut » serait affecté, une allusion apparente à un possible effort futur, certes complexe légalement, de retirer aux criminels leur citoyenneté israélienne. Deri a été soutenu par Netanyahu lui-même, qui a tweeté, dans la soirée, qu’Israël chercherait à révoquer le statut de résident des pyromanes.
שוחחתי הערב עם שר הפנים אריה דרעי וסיכמנו יחד לפעול לשלילת התושבות של מי שיימצאו מעורבים בהצתות במזיד @ariyederi
— Benjamin Netanyahu – בנימין נתניהו (@netanyahu) November 24, 2016
Les accusation d’incendies criminels se sont principalement concentrées sur la zone la plus affectée par le feu, dans la ville mixte juive et arabe de Haïfa. Plusieurs suspects auraient été placés en garde à vue, en lien avec des incendies à Haïfa dans la nuit de jeudi.
Dans la journée de jeudi, des dizaines de milliers de résidents de Haïfa ont été évacués d’une dizaine des quartiers. Beaucoup d’entre eux ont passé la nuit dans des centres équipés pour ce type d’urgence. Des volontaires ont été appelés en renfort. La police patrouillait dans les quartiers évacués afin d’éviter des pillages.
Des appels à plus d’incendies criminels ont été diffusés sur les réseaux sociaux arabes, mais une bonne partie de cette rhétorique vicieuse venait d’horizons plus lointains, notamment l’Arabie Saoudite, et relativement peu des zones palestiniennes.
Dans le même temps, l’Autorité palestinienne envoyait des camions de pompier dans un geste à la fois pragmatique et symbolique.
Ayman Odeh, le député arabe le plus important de la Knesset, qui vient de la région de Haïfa, a qualifié tout acte de pyromanie de « crimes pernicieux » et les responsables « sont nos ennemis à tous ».
Le Mouvement islamique d’Israël a offert de l’aide à tous les Israéliens affectés. Le maire de Tayibe, une ville arabe du centre d’Israël, a également proposé d’accueillir tout Israélien qui aurait besoin d’un hébergement pour la nuit.
Israël a également reçu une assistance rapide d’alliés de la région, y compris des hydravions de Russie, de Croatie, de Chypre, de Grèce et de Turquie. D’un montant estimé à près de 1,2 million d’euros, un Boeing 747 hydravion « géant » américain serait également en chemin vers Israël dans la nuit.

Nous saurons ensuite si Erdan avait raison d’affirmer que la situation était globalement sous contrôle ; les prévisions météorologiques montrent que les vents favorisant les incendies vont probablement continuer tout au long du week-end.
Mais on a pu constater que certaines leçons avaient été retenues après les précédents départs de feu. Le pire incendie de l’histoire israélienne, l’incendie de la Forêt du mont Carmel, avait coûté la vie à 44 personnes.
Jeudi soir, malgré les terribles dégâts aux maisons et aux forêts, aucun Israélien n’a été tué dans les incendies. Plus de 100 personnes ont été traitées à Haïfa jeudi, et presque toutes pour des blessures légères dues à des inhalations de fumée.
Les pompiers, dont beaucoup travaillent depuis trois jours d’affilé, ont évacué des prisons, des maisons de retraites, des universités, des écoles et des quartiers entiers « pour mettre les gens à l’abri », comme l’a dit un chef de pompier d’Haïfa.